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Un « Monde » sans pitié

Le Monde dissimule à peine, mais avec brio, sa vision manichéenne du Proche-Orient et son parti pris propalestinien. Derrière une mécanique sémantique de précision, s’entend une petite musique anti-israélienne, jusque dans la couverture des massacres du 7-Octobre. Une lecture mot à mot et entre les lignes s’impose.


Cela ne se discute pas. Avec ses 500 000 abonnées en ligne, son équipe de 500 journalistes et ses quelque 18 millions d’euros engrangés en 2023 au titre des aides publiques à la presse, Le Monde est ce qu’il convient d’appeler un grand quotidien. Un journal de référence, comme on dit, lu chaque jour par tous les ministres de la République, tous les parlementaires et tous les directeurs de la presse parisienne. Autant dire que son traitement de l’actualité au Proche-Orient est crucial. D’autant que peu de rédactions peuvent se payer comme lui des correspondants permanents sur place. Résultat, sur cette question brûlante, nombre d’organes de presse subissent de façon disproportionnée l’influence du quotidien vespéral.

Se doutent-ils que la ligne de leur journal favori est, sur la politique israélienne, nettement moins centriste qu’elle ne l’est en matière de politique française ou américaine ? Et que, dès que l’on se rapproche de Tel-Aviv, elle rejoint en réalité les positions de l’extrême gauche ? Certes, ce parti pris n’est jamais avoué clairement. Il faut parfois avoir l’ouïe fine pour entendre la petite musique anti-israélienne jouée tous les jours dans les pages consacrées au Proche-Orient. Si l’on veut comprendre comment fonctionne cette mécanique sémantique de précision, une analyse mot à mot est souvent nécessaire. Décortiquons ci-dessous sept phrases typiques de la prose du Monde, extraites de divers articles parus dans ses colonnes depuis le 7 octobre.

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« Lors de son opération “Déluge d’Al-Aqsa”, débutée le 7 octobre, le groupe islamiste du Hamas a infiltré plusieurs centaines de ses combattants en territoire israélien, tuant sur place ou prenant en otage des membres des forces de sécurité et des civils. »

Benoit Le Corre et Pierre Lecornu

Trois jours après les exactions du 7 octobre, le doute n’est plus permis. Selon d’innombrables sources présentes sur place, un massacre de dimension inédite vient d’avoir lieu sur le territoire de l’État hébreu, avec pour objectif d’assassiner un maximum d’Israéliens. Les terroristes sont rentrés par milliers (en non par centaines) dans le district Sud à bord de camions, jeeps, motos, vedettes rapides et parapentes. Un véritable déluge, comme l’indique très bien le nom de code choisi par les cerveaux de l’opération. Mais au Monde, lorsqu’il s’agit de rassembler les faits dans un papier de synthèse, pas question d’employer les grands mots, ni d’étaler trop de pitié pour les victimes. Sans doute pour ne pas donner l’impression d’avoir une quelconque sympathie envers l’État juif. On remarquera aussi un certain penchant pour un vocabulaire tout en retenue. Prenez le verbe « infiltrer », par exemple. Selon le Larousse, il signifie, du moins quand il est appliqué à des êtres humains : « Se glisser quelque part, y pénétrer furtivement. » L’arrivée en nombre de soudards surexcités, tirant sur tout ce qui bouge, violant des femmes et éructant de joie, peut-elle être décemment qualifiée de furtive ? Autre détail qui dit tout de l’égarement du journal : son souci d’indiquer les pertes telles qu’elles ont été constatées parmi des « membres des forces de sécurité » avant celles des « civils ». Or au moment où ces lignes sont écrites, on sait déjà que le bilan des morts du 7 octobre compte davantage d’Israéliens désarmés, notamment des vieillards, des femmes et des enfants, que de soldats. La bonne foi journalistique exigeait donc de mentionner en priorité le fait le plus important, à savoir que le « Déluge d’Al-Aqsa » est d’abord une attaque contre la population d’un pays, pas seulement contre son armée. Sauf si bien sûr on essaie de manière insidieuse de s’inscrire dans le narratif mensonger du «crime de guerre », dont La France insoumise fait au même moment son cheval de bataille.

Benjamin Barthe, lorsqu’il était correspondant du Monde au Proche-Orient. DR.

« Cette bizarrerie géographique est pourtant le fait des fondateurs d’Israël. »

Benjamin Barthe

Dans les jours qui suivent le massacre du 7 octobre, Le Monde, qui n’aime rien tant que de donner des leçons d’histoire à ses lecteurs, publie un article pour raconter celle de Gaza. Et n’hésite pas pour l’occasion à relayer une grossière fake news. Ainsi donc, à en croire l’auteur, la « bizarrerie géographique » qu’est Gaza (à savoir que le territoire palestinien est séparé en deux parties, dont l’une est cette enclave située entre l’Égypte et Israël) serait la conséquence d’une décision prise par ceux qui ont créé l’État hébreu en 1948. Un minimum de connaissance des événements permet pourtant de savoir que la résolution 181 de l’ONU, votée en 1947, propose avant même la déclaration d’indépendance d’Israël, la création d’un État arabe coupé en deux morceaux distincts, dont l’un recouvre justement l’actuelle bande de Gaza. Si l’année suivante, lors de la guerre israélo-arabe, les circonstances du conflit conduisent les troupes de Ben Gourion à ne pas y pénétrer, laissant le champ libre à l’armée égyptienne, Tsahal finira en 1956 par y planter son drapeau à la faveur de la crise de Suez… avant que les Américains lui demandent l’année suivante de se retirer. N’en déplaise à Monsieur Barthe, la « bizarrerie géographique » que constitue Gaza est au moins autant le fait des Nations unies en 1947, des forces égyptiennes en 1948-1949 et de l’administration Eisenhower en 1957, que celui des fondateurs d’Israël. Mais il est tellement tentant de prendre des accents complotistes et de présenter les juifs comme les seuls responsables de ce qui est « bizarre » au Proche-Orient.

Des soldats israéliens en repos, 13 octobre 2023. Jonathan Alpeyrie/SIPA

« Gaza : l’injustifiable politique de la terre brûlée d’Israël »

Éditorial

Comme on l’a vu plus haut, Le Monde a fait preuve d’une pudeur de gazelle dans sa couverture du massacre du 7 octobre, restant le plus froid possible et minorant certains faits. Double standard oblige, la contre-offensive d’Israël, elle, a droit aux grandes orgues. Dans son éditorial du 6 mars, non signé et engageant en ce sens l’ensemble de la rédaction, les mots qui claquent sont de sortie. Tsahal, est-il ainsi affirmé dans le titre, mènerait rien de moins qu’une « politique de la terre brûlée ». Un terme que même le très anti-israélien Josep Borrell n’a jamais osé utilisé, y compris quand il a accusé, notamment lors d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU le 12 mars, l’État hébreu d’utiliser la faim comme « arme de guerre » à Gaza. Sans doute parce qu’il sait que la « politique de la terre brûlée »est une qualification juridique autrement plus grave, comme le Protocole I de la convention de Genève le mentionne : « Une Puissance occupante ne peut pas détruire des biens, situés en territoires occupés, qui sont indispensables à la survie de la population. La politique de la “terre brûlée” menée par un occupant, même lorsqu’il se retire de ces territoires, ne doit pas affecter ces biens. » À l’heure actuelle sur la planète, seul le conflit au Darfour est considéré par les observateurs internationaux comme relevant de la stratégie de la terre brûlée.

Rassemblement pro-Hamas à Aman, 16 août 2024. DR.

« Il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste, utilisé par certains membres de La France insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national. »

Arié Alimi et Vincent Lemire

Soyons honnêtes. La phrase ci-dessus est extraite d’une tribune parue dans Le Monde. Si elle ne traduit donc pas la position du journal, elle montre en revanche quelles opinions infâmes celui-ci est prêt à accueillir dans ses pages de façon bienveillante. Faut-il détailler ici en quoi essayer de diminuer les torts de l’antisémitisme de gauche, au prétexte qu’il serait « contextuel », est abject ? Non, évidemment. Quiconque a vu les images de Rima Hassan participant à un rassemblement pro-Hamas à Aman en août dernier sait ce dont l’« antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste » est capable, et quelles atrocités il a sur la conscience.

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« Visage de la diplomatie du Hamas, vu comme un modéré au sein du mouvement palestinien, Ismaïl Haniyeh était au cœur des efforts visant à mettre fin aux hostilités dans la bande de Gaza. »

Hélène Sallon

Comment montrer, à mots couverts, que l’on pleure à chaudes larmes la mort du numéro un du Hamas, donc de l’un des terroristes les plus sanguinaires de la planète ? En le faisant passer pour une colombe, pardi ! Comme le fait avec beaucoup de talent cette nécrologie d’Ismaïl Haniyeh, mort le 31 juillet 2024 à Téhéran suite à une attaque israélienne survenue au lendemain de la prestation de serment du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian devant le Parlement, à laquelle il venait d’assister.

Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas de 2017 à 2024. DR.

« Face aux attaques d’Israël, l’Iran peine à trouver la bonne riposte »

Ghazal Golshiri et Madjid Zerrouky

Le Monde ne se contente pas de regretter la disparition des ennemis les plus cruels d’Israël. Il loue aussi l’action des vivants. Le titre ci-dessus est à cet égard un petit chef-d’œuvre d’encouragement déguisé. Procédons par étape logique et découvrons ce qu’il exprime en réalité. D’abord l’élément de contexte, « Face aux attaques d’Israël », qui place le récit du point de vue de Téhéran, puisque, côté Israël, on considère au contraire que l’action de Tsahal n’est pas une attaque mais une contre-attaque. Ensuite la proposition principale, « l’Iran peine à trouver la bonne riposte », qui indique en creux que les mollahs cherchent quelque chose, et que cette recherche est conduite par eux avec les meilleures intentions du monde puisque la chose recherchée est affublée de l’adjectif « bon ». Accusation spécieuse, objecteront certains. Et pourtant que ne dirait-on si, par exemple, Le Monde spéculait en France sur les « attaques » de Macron contre Marine Le Pen et sur la « bonne » réponse que celle-ci pourrait bien lui apporter. Supposons que le journal écrive : « Face aux attaques d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen peine à trouver la bonne riposte ». Inimaginable bien sûr. Alors qu’en revanche le titre « Face aux attaques de Marine Le Pen, Emmanuel Macron peine à trouver la bonne riposte » est tout à fait concevable. CQFD. Dans le conflit larvé israélo-iranien, les faveurs du Monde vont à l’Iran.

Tirs de missiles balistiques iraniens visant des cibles en Irak et en Syrie, 15 janvier 2024.

« Procéder ainsi n’emprunte-t-il pas au terrorisme que l’on prétend combattre ? »

Editorial

Finissons cette rapide autopsie du diable qui se cache dans les détails en nous penchant sur l’affaire de bipeurs piégés. Pour Le Monde, cette opération est immorale. La meilleure manière de le faire savoir : suggérer, au moyen d’une question rhétorique, qu’Israël a, ce jour-là, carrément repris les méthodes des Etats voyous. Quand il y dix ans, François Hollande validait des dizaines d’opération homo (pour homicide), consistant à faire supprimer par des commandos français des djihadistes identifiés en Afrique noire, avec parfois des dommages collatéraux sur les populations civile, allez savoir pourquoi, jamais le journal n’a parlé de terrorisme d’Etat, mais juste d’ « éxécutions ciblées ». Idem quand Barack Obama a demandé que l’on neutralise, mort ou vif, Oussama Ben Laden et que le chef d’Al Qaida a fini par être abattu, sur ses ordres, par des Navy Seals: pas question de se demander si le président américain n’aurait un peu agi de manière criminelle en vengeant le 11-Septembre. Derrière ses protestations de modération et son style ostensiblement circonstancié, Le Monde dissimule mal sa vision orientée du Proche- Orient. Vous avez dit islamo-gauchisme ?

Barnier, en quête du peuple oublié

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Le Premier ministre savoyard pense qu’il n’aura pas le temps de faire de grandes lois. Il entend consulter les cahiers de doléances des gilets jaunes pour alimenter sa réflexion.


C’est au-dessus de leur force : les « progressistes » restent hermétiques aux colères françaises, quand elles pointent l’enfermement mental des dirigeants mondialistes. Cela fait sept ans qu’Emmanuel Macron, en chute dans les sondages (78% de mécontents) se montre incapable d’entendre les gens ordinaires. Ses certitudes universalistes lui suffisent. Or la dénonciation feutrée de cette pathologie politique est venue, hier, de Michel Barnier, dans Le Parisien-Dimanche : le Premier ministre, en quête du peuple oublié, a annoncé vouloir consulter les cahiers de doléances, rédigés par les Français en 2019 après la révolte populaire des gilets jaunes. Il faut donc comprendre que les avis des citoyens d’en bas avaient été enterrés par les décideurs d’en haut, une fois le calme revenu. Cette révélation d’une indifférence du pouvoir n’en est certes pas une, tant la mascarade tient lieu de communication chez M. Macron. Néanmoins, ce mépris élitiste pour les opinions de « ceux qui ne sont rien » est devenu explosif. La crise de la démocratie mériterait, au contraire, l’humilité des puissants, incapables de reconnaître leurs erreurs. Le Premier ministre a compris ce besoin de proximité et de dialogue. Ceci lui vaut la mansuétude de l’opinion. Reste à savoir jusqu’où M. Barnier, homme prudent, est prêt à aller s’il veut répondre aux exaspérations des oubliés. Pour beaucoup, ils ont pris ou vont prendre le chemin du RN et de ses alliés, snobés par le Premier ministre. Ce sont ces mêmes proscrits qui, aux Etats-Unis, s’apprêtent à voter le 5 novembre pour Donald Trump, traité de « fasciste » par Kamala Harris. A une semaine du scrutin, la démocrate, soutenue par le show-biz à paillettes, semble à la peine.

A lire aussi, du même auteur: Retailleau contre l’immigration, ou la fin de règne des déracinés

Une révolution des mentalités redonne du crédit aux pestiférés d’hier, aux Etats-Unis comme en France. Dans son dernier livre[1], Philippe de Villiers admet avoir souffert de son « destin de souffre-douleur archétypal ». Pour autant, le pionnier du souverainisme s’impose aujourd’hui, dans un univers où les élites se délitent, parmi les résistants les plus écoutés, et pas seulement sur CNews dans son émission à succès du vendredi soir. « Une génération de survivants-combattants va poindre », veut croire le promoteur du Puy-du-Fou, du Vendée Globe et de la mémoire vendéenne. Mais nombreux sont, dès à présent, les Français qui ne veulent pas voir leur pays mourir.

Ce réveil existentiel est loin d’être minoritaire. Il pourrait peut-être accompagner, chez des indigènes malmenés par le nouvel occupant islamisé, la reproduction inversée d’une dynamique de décolonisation, prônée par la gauche chez les peuples extra-européens. En attendant, mêmes les réflexes pavloviens de la bien-pensance ont pris un coup de vieux. Rien n’est plus convenu que la réflexion d’Eddy Mitchell, l’autre jour sur France Inter, disant des électeurs RN : « Je suis contre ces gens-là ». Thierry Ardisson ne se rehausse pas davantage quand il qualifie, sur France 5, le public de Cyril Hanouna (C8) de « cons » et de « têtes pleine d’eau ». Idem pour Anne Roumanoff, disant du JDD qu’il est « un journal d’extrême droite ». En 2016, Hillary Clinton avait qualifié de « déplorables » les électeurs de Trump, avant de perdre la présidentielle. Alain Minc a dit d’eux, hier soir sur BFM, qu’ils étaient des « sous-développés ». Ceux qui insultent au lieu d’écouter accélèrent leur chute. Leur monde rêvé est faux. D’ailleurs, il s’effondre.

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[1] Mémoricide, Fayard

Bisounours queers vs Bad travelos

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Face à l’émergence de voix critiques s’opposant à l’idéologie transgenre, les militants radicaux se déchirent quant à l’attitude à adopter pour riposter.


Le 7 octobre, le site StreetPress informait ses lecteurs que soixante-quatre des militants venus protester, à l’appel de l’AG Paname Antifa, contre les séances de dédicaces organisées par les éditions Magnus, dont celle de Marguerite Stern et Dora Moutot pour leur essai Transmania, avaient été placés en garde à vue. Après avoir obligé les organisateurs à annuler la réunion prévue dans le 11ème arrondissement et à se replier finalement sur une péniche dans le 5ème, ces militants s’étaient regroupés non loin de celle-ci, obligeant les forces de l’ordre à intervenir.

Stern et Moutot menacées

Les policiers ont retrouvé sur les manifestants des fumigènes et de la peinture mais aussi des mortiers d’artifice, des matraques télescopiques et des explosifs. Pour leur défense, certains de ces activistes « non-binaires » déclarèrent à StreetPress ne pas être venus pour en découdre : « On est une bande de trans et de bisounours queers », geignit Aurélie en se plaignant d’avoir dû partager avec Anna, une jeune femme trans, « une cellule de cinq mètres carrés sans matelas ». Bref, ça pleurnicha, ça gémit, ça jérémiada tant que ça put. Iels prétendirent être de pauvres victimes du système policier, patriarcal et hétéronormatif – et StreetPress fut tout heureux de présenter cette milice trans comme une joyeuse bande de militants pacifistes agressés par la police[1].

À lire aussi, du même auteur: De Judith Butler à Laure Adler

Oui mais non, écrivent en substance, deux jours plus tard, des militantes trans se réclamant d’une «bande armée de travelos » dans un texte rageur paru sur le « site d’infos anticapitaliste, antiautoritaire et révolutionnaire » Paris-Luttes.Info[2] : il y avait bien, parmi les activistes arrêtés, des individus violents et prêts à tout pour nuire à la « sauterie transphobe » organisée par les éditions Magnus. « Que les bisounours se tiennent sages si iels le veulent, certaines d’entre nous auraient coulé la péniche et tous ses fafs avec si nous en avions eu loccasion », écrivent ces charmantes créatures en traitant au passage les « journaleux » de StreetPress de « poucaves » (mot d’origine rom voulant dire « mouchard » ou « traître ») pour avoir relayé les discours victimaires et « innocentistes » rapportés ci-dessus. Pour mener le combat trans contre les « fascistes », il n’est pas prévu d’autres moyens que « la force et la violence, et donc l’éclatage des têtes » de ces derniers. Les menaces de mort que reçoivent Marguerite Stern et Dora Moutot sont par conséquent « valides et légitimes ». Les signataires de cet appel à l’ultra-violence disent être « de celles qui ont formé un black bloc le 6 mai dernier devant Assas » et « de celles qui ont cramé le compteur électrique et fracassé les vitres » de l’ISSEP à Lyon, là où étaient prévues des réunions avec les auteurs de Transmania. Décidées à éviter comme la peste les « espaces terriblement cis ou hétérochiants » et à chercher la baston partout où cela s’avère nécessaire pour s’émanciper de « l’aliénation capitalo-hétérosexiste », les travelos anarchistes affirment vouloir continuer « de poursuivre Stern et Moutot partout où elles iront jusqu’à ce qu’elles n’osent plus sortir de chez elles. » Quant aux « journaleux de StreetPress », ils feraient mieux de « garder leurs torchons pour eux » s’ils ne veulent pas subir l’ire de ces furies qui prévoient d’ores et déjà de prochaines et belliqueuses actions contre le patriarcat, les fascistes, les « mascus », les policiers, les « pacificateurs », la presse sirupeuse, etc. 

Prétentieux

Ironie de l’histoire et conclusion badine et interrogative. Sur son site, StreetPress annonce mener actuellement « la plus grande enquête participative sur l’extrême droite » et appelle la population à dénoncer « les actions et les méfaits des groupuscules ou militants d’extrême droite » qui se multiplieraient « partout dans l’hexagone ». Pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, la très grande majorité des actions violentes contre des individus dans les universités, les librairies, les lieux publics ou privés, sont le fait de groupuscules d’extrême gauche se réclamant du féminisme, de l’antifascisme, de l’antiracisme, de l’écologisme et des mouvements queer : conférences perturbées ou carrément annulées, librairies taguées et caillassées, tentatives d’incendies, menaces sur les propriétaires des lieux prévus pour telle ou telle réunion, regroupements agressifs devant les lieux en question, menaces directes sur les intervenants pouvant conduire jusqu’à la nécessité d’une protection policière particulière, etc. Et ne parlons pas des cris de haine antisionistes et antisémites et des appels à l’intifada et à la guerre civile scandés lors de manifestations pro-palestiniennes qui voient leurs rangs gonflés par les mêmes activistes d’extrême gauche, idiots utiles de l’islamisme.

À lire aussi, Charles-Henri d’Elloy: Nicolas Bedos, le beau bouc émissaire

S’ils veulent avoir de la matière pour leur enquête contre les « méfaits et les violences » en France, les journalistes de StreetPress feraient décidément mieux de se pencher sur les groupuscules ultra-violents et les activistes radicaux de l’extrême gauche, ainsi que sur cette… « bande armée de travelos » qui les menace directement.

Mais peut-être ne prennent-ils pas au sérieux cette fameuse bande et ont-ils sur elle la même opinion que Fred (André Pousse) sur la clique de petits malfrats transsexuels commandée par Rosemonde (Mario David), alias Jacky après sa « transition », dans le film de Michel Audiard “Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages” : « Pour moi, la Rosemonde et sa bande de gouines, c’est rien que des grosses prétentieuses, des insolentes. Je dirais même des personnes malsaines. » Après tout, il n’est pas impossible que ces militantes en transe ultra-violente ne soient en réalité que des affabulatrices, des trouillardes et des crâneuses profitant des circonstances pour se vanter et se faire plus méchantes qu’elles ne sont, allez savoir ! Ce qui n’enlève rien au caractère malsain de leurs délires.

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[1] https://www.streetpress.com/sujet/1728313380-militants-garde-vue-arrestations-violence-manifestants-dedicaces-editeur-extreme-droite-magnus-papacito-stern-moutot

[2] https://paris-luttes.info/trans-ultra-violence-18736

Signé André Juillard

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La parution dans quelques jours du 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’annonce d’ores et déjà comme l’événement BD de l’année. Il est l’œuvre du scénariste Yves Sente et du dessinateur André Juillard, héritier de la ligne claire, qui nous a quittés l’été dernier. Son trait à l’élégance sentimentale a marqué le 9ème art en renouvelant l’esthétique féminine…


Il arrive jeudi ; dans quatre jours, il va déferler sur les librairies de France. Vous ne pourrez y échapper, Old Chap ! Les romans de la rentrée littéraire n’y survivront pas. Ils ne font pas le poids face à cette locomotive de l’édition. En obélisque ou en pyramide, Signé Olrik, le 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’érigera en numéro 1 des ventes jusqu’à Noël. Le monde du livre est tributaire de son plan de conquête commerciale. C’est lui, 62 pages seulement, qui draine les foules, et non l’autofiction faisandée de quelques auteurs en mal d’amour-propre. 

Réalisme non réducteur

Le public veut du style et des uniformes, se perdre dans les paysages brumeux des Cornouailles et sonder le mystère celte. Et puis, nous sommes curieux de connaître la destinée chaotique d’Olrik, notre méchant préféré à fine moustache, sachant fumer avec un porte-cigarette et piloter un Espadon. Cette sortie est aussi l’occasion d’évoquer le dessinateur et scénariste André Juillard (1948 – 2024), auvergnat né à Paris expatrié en Bretagne, disparu en plein cœur de l’été, dont l’œuvre charnelle court sur une cinquante d’années. Dans la revue Casemate (octobre 2024), Yves Sente a trouvé les mots justes pour se souvenir de son compagnon de travail : « André, c’était quelqu’un ». Tout est dit. Intimidant et fraternel. Un grand professionnel à la technique irréprochable et un artiste à l’érotisme chaste. Un auteur majeur de la bande-dessinée reconnaissable à sa puissance d’évocation et à son réalisme non réducteur. Ce chantre de la ligne claire qui ne veut pas dire transparence béate s’est servi justement de sa pureté pour ouvrir d’autres dimensions, d’autres trappes émotionnelles, d’autres infra-mondes intérieurs. Avec Juillard, on est d’abord séduit par la beauté des planches, leur harmonieuse composition, leur lumineux éclat et puis, l’imagination se met à cavaler, elle ne s’arrêtera plus. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Noé: Olrik: quand la fiction retrouve le XXe siècle

On pourrait croire qu’une telle maîtrise est un frein à la fiction, que le cadrage et la précision anesthésient le regard, que les détails masquent les élans ; au contraire, le talent de Juillard est de faire naître l’émoi dans la rigueur, la folle passion dans un décor d’apparence académique mais recélant mille anfractuosités. Le Grand Prix 1996 de la ville d’Angoulême n’était pas un dilettante du crayon, il ne croyait pas au don inné. Le travail aura guidé sa main. Seules des heures et encore des heures passées à son atelier et ces gestes sans cesse répétés auront été la condition minimale pour construire une œuvre. « J’ai besoin de dessiner tous les jours » disait-il, même s’il trouvait très ennuyeux de dessiner des trains ou des scènes de repas.  Juillard, fortement marqué dans sa jeunesse par l’art grec puis égyptien, se fit connaître dans la BD historique avec notamment Les 7 vies de l’Épervier, puis la série Blake et Mortimer le propulsera au rang de valeurs sûres du métier. Il était l’égal de Moebius, Giraud ou Druillet. Un illustrateur reconnu dans la presse, un dessinateur au succès populaire et un artiste côté dans les galeries. Tous les ingrédients pour enflammer durablement les collectionneurs.  C’est à l’âge de vingt ans que ma génération l’a découvert avec Le Cahier bleu publié à partir de 1993 dans la revue A suivre. Il en était le scénariste et le dessinateur. Nous avons eu alors un choc esthétique et nous sommes tombés amoureux de ces héroïnes aux cheveux courts dont le regard pénétrant ne nous laissait pas indifférent. 

Carnets secrets…

Il aura renouvelé l’esthétique féminine en abordant un territoire peu foulé par ses homologues masculins, une forme de désir contenu, de sensualité abrasive et cependant intimidante, peut-être, fut-il dans son expression picturale, celui qui s’approcha le plus près de l’impossible définition du charme. Juillard le prouva, par la suite, dans ses Carnets secrets 2004 – 2020 publiés chez Daniel Maghen qui sont sa pièce maîtresse.

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Recherche inconnue désespérément

Mystères au Cameroun…


Ça commence par une phrase qui pourrait paraître anodine: « Une femme a disparu et tout le monde la cherche. » Elle va pourtant entraîner la narratrice, Constance, dans un labyrinthe complexe où la fiction chevauche la réalité, sans que l’on sache vraiment si le fil de la narration conduit à la vérité. Constance a 17 ans lorsqu’elle découvre la capitale du Cameroun, Yaoundé, ville sans feux rouges, mais aux sept collines et à l’atmosphère moite, admirablement décrite par Anne-Sophie Stefanini, romancière et éditrice parisienne. « Les images de la ville se succédaient et la lumière orange des lampadaires au sodium créait un brouillard magique », écrit-elle avec la précision digne d’André Gide, l’écrivain attiré par l’Afrique.

Coup de foudre à Yaoundé

Nous sommes au début des années 2000. Constance est lycéenne, elle flotte dans ses habits trop grands pour sa silhouette. Elle est à Yaoundé parce qu’elle a dit à sa prof de français qu’elle voulait voyager et écrire. Comme son lycée invitait une jeune Camerounaise à venir deux mois à Paris, l’échange fut donc possible. À la fin du voyage, Constance rédigera un texte qui sera publié dans le journal des élèves. Un homme de dix ans son aîné, Jean-Martial, l’attend à l’aéroport. Elle en tombe amoureuse. Déambulation dans la ville, la nuit, danse dans des cafés révolutionnaires ; découverte d’un quartier populaire, Biyem-Assi, de la maison de Jean-Martial, de l’odeur d’un frangipanier ; connaissance de l’histoire violente de la décolonisation du pays. On fumaille, on boit des bières. Le décor est planté. Il restera pour toujours dans la tête de la jeune fille.

On pourrait en rester là. Mais Jean-Martial lui parle d’une professeure qui a disparu et qu’il admirait, et même peut-être davantage. Communiste, elle soutenait la révolte des étudiants. Constance écoute. Un roman nait en elle. Elle ne le sait pas encore. Jean-Martial l’envoûte. Ce n’est pas un garçon comme les autres. Il dit : « Je ne suis pas un enfant des rues, je n’ai pas traîné dehors, j’ai passé mon temps à lire, protégé par des barrières. » Il ment. Elle le découvrira plus tard, à ses dépens. Comme l’inconnue, Jean-Martial finit par disparaitre à son tour. Les mails de Constance restent sans réponse.

Rebondissements

Vingt-ans après, mère d’un petit Ruben, enseignante, elle revient à Yaoundé pour présenter son roman où il est question de l’inconnue rebelle qui a disparu. Elle a fini par imaginer sa vie. Mais la fiction correspond-elle à la réalité ? Elle prévient Jean-Martial de sa venue. Le silence, toujours, pour réponse. Constance rencontre de nouvelles personnes – j’ai failli écrire de nouveaux personnages. Terence, un journaliste ayant étudié en France, l’invite à enquêter sur la disparition de l’inconnue. Il faut mettre un point final à l’histoire. Dans son dialogue imaginaire avec Jean-Martial, Constance avoue : « Si je ne la retrouvais pas, je renonçais aussi à te retrouver. » Anne-Sophie Stefanini signe un quatrième roman maîtrisé. Même si l’intrigue exige parfois une concentration monacale, car les rebondissements ne manquent pas, tout se tient.

En refermant le livre, j’ai pensé à la phrase de Duras dans Hiroshima mon amour : « Cette ville était faite à la taille de l’amour. » Comme Yaoundé.

Anne-Sophie Stefanini, Une femme a disparu, Stock. 240 pages

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Anatole France, une question de lecture

Il y a cent ans mourait le prix Nobel de littérature 1921. Le nouvel essai que lui consacre Guillaume Metayer démontre que son étiquette d’écrivain néoclassique lui a été collée par ses lecteurs nationalistes.


Il y a 100 ans mourait le prix Nobel de littérature 1921. Une biographie et un essai – à propos de l’appropriation « nationaliste » de son œuvre – permettent un diagnostic : le « Cadavre » (dixit les surréalistes) bouge encore.

On passera assez vite sur la biographie de Henriette Chardak : elle est copieuse, enlevée, personnelle (le ton) et apporte tous les détails souhaités à qui voudrait les connaître. Elle intègre naturellement la bibliothèque – rayon « Références ».

On s’attardera plus sur l’essai de Guillaume Métayer, qui a beaucoup d’audace, voire de témérité. Jugez vous-même : Anatole France (1844-1924) ET le nationalisme littéraire (sujets de son livre) – on fait plus « glamour » (a priori, évidemment).

Anatole France et le nationalisme littéraire sont deux points aveugles de la critique contemporaine – à tort. Et comme Métayer connaît son sujet par cœur, il expose clairement les tendances nostalgiques de France, son écriture et ses idées en partie néo-classiques, sa posture sceptique face aux excès de la Révolution française (à distance, donc, du mythe révolutionnaire), son passage par le boulangisme qui en fait un presque « précurseur du nationalisme » (« presque » seulement, et Métayer désamorce le « piège »), son conflit avec les catholiques intransigeants (Massis), etc.

Son livre érudit a un seul défaut : son côté « universitaire » qui, parfois, rend la lecture un peu laborieuse. Voire répétitive. Exemples ?
« La critique de la Révolution française », on la lit dans la partie qui lui est consacrée ET dans le sous-chapitre intitulé « Anatole France et le mythe de la Révolution Française ».
« Le culte de l’Antiquité, une tradition française », on en trouve de larges échos dans « La tradition selon Anatole France ».

En outre, comme la confrontation des idées et des engagements de France avec ceux de Barrès, Jules Lemaître, Bourget, Gyp, Maurras, voire Gonzague Truc et Massis (rôle important du catholique Massis dans une certaine prise de distance avec le sceptique France), « achoppe » souvent sur les mêmes points (nationalisme, tradition, catholicisme, scepticisme), on se trouve à « relire » tel développement sur la tradition, ou sur le scepticisme ondoyant de France. Seul argument qui justifie les redites : si les thèmes et les notes sont repris, les interprètes diffèrent : Maurras, Barrès, Lemaître, Massis, Bernanos, etc.
D’aucuns pourront se repaître de la lecture de ces textes, peu accessibles pour certains. Mérite de Métayer donc : nous permettre de les lire.

Sa conclusion ? « C’est dans cette réception nationaliste d’Anatole France que se cache sans doute l’un des plus puissants mobiles de l’oubli dont l’écrivain a été victime depuis des décennies ». En clair : la « lecture » de cette droite nationaliste littéraire a en partie conditionné la réception première de France et contribué, en dépit de son évolution politique ultérieure (vers le socialisme), à en fixer la lecture, à le figer dans la statue du « grand écrivain français néo-classique » – que ne manqueront pas de dégommer les surréalistes.

Coda – quant à son socialisme ultime. Métayer en signale le paradoxe et l’ironie : « les circonvolutions du scepticisme francien ne l’ont pas empêché de soutenir les débuts de l’un des plus terribles totalitarismes, dont il avait pourtant dépeint par avance à merveille la matrice sanguinaire dans Les Dieux ont soif et même délivré l’antidote ».


À lire

Anatole France et le nationalisme littéraire : scepticisme et tradition, de Guillaume Métayer, Le Félin, 2024.

Anatole France et le nationalisme littéraire: Scepticisme et tradition

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Anatole France, une résurrection, d’Henriette Chardak, Le Passeur, 2024.

Anatole France - Une résurrection

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Les Dieux ont soif, d’Anatole France, (préf. Guillaume Métayer), Calmann-Lévy (éditeur historique de France), 2024.*

Les dieux ont soif

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À signaler, la réédition d’une rareté : Alfred de Vigny, d’Anatole France. Assortie d’une préface d’une érudition sèche, sans ornements – sa signature – de Michel Mourlet – France-Univers, 122p.

Alfred de Vigny

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École: ce n’est plus le Moyen Âge!

Une exposition sans prétentions spectaculaires nous apprend que nous devons beaucoup à l’école du Moyen Âge : l’intérêt porté à l’enfant, l’explication de texte, l’apprentissage du par cœur… Autant de méthodes qui ont permis la transmission du savoir des siècles durant. Alors que le Moyen Âge est, chez les Béotiens, synonyme d’obscurantisme, peut-être a-t-il quelque chose à nous apprendre.


La vidéo d’une petite fille de 3 ans frappée et humiliée en classe par sa maîtresse le mois dernier a donné à voir une version assez originale du fameux « Choc des savoirs » annoncé en grande pompe en octobre 2023 par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, pour « élever le niveau de notre école ». Le choc, pour cette fillette, n’a visiblement pas été celui des savoirs. Quant à l’école, TikTokisée en cette brève séquence devenue follement médiatique – à l’inverse des courtes vidéos tout aussi édifiantes réalisées en plein cours par bon nombre de collégiens dans le dos de leurs professeurs, mais que l’on ne voit pas tourner en boucle sur les chaînes d’information –, elle a déserté le terrain pourtant fécond du baratin politico-administratif pour rejoindre celui, non moins fertile, du bla-bla émotionnel.

Le vocabulaire mi-martial (« la bataille des savoirs commence par l’exigence »), mi-tragique (« lutter contre les inégalités de destin ») et globalement incompréhensible (« les compétences psychosociales ») du « Choc des savoirs » s’est heurté à la torgnole d’une institutrice de l’Éducation nationale apparemment assez peu au point sur ses propres compétences psychosociales. Torgnole qui a indigné – à raison – la terre entière. On se serait toutefois passé du ton véhément de ces figures d’habitude si promptes à pontifier sur la femme-en-rupture-de-ban-avec-le-dictat-de-la-maternité mais qui, vu les circonstances, nous ont asséné du « moi qui suis maman de trois enfants » à longueur de plateaux de télévision.

Soyons clairs : dans un pays qui a décidé d’envoyer sa progéniture à l’école dès l’âge de 3 ans, la maternelle est un subtil mélange d’élevage, d’éducation et d’instruction. Dans le bruit et une agitation de basse-cour, entre les colères et les chagrins, les pipis inopinés des uns et les vomis improvisés des autres, les professeurs de la petite école réalisent un grand et noble travail : faire passer de très jeunes enfants du gros gribouillage hallucinatoire, du dessin sans queue ni tête, (presque) invariablement répété d’une feuille sur l’autre, à la petite lettre d’un alphabet commun, maladroitement formée et posée en équilibre précaire sur une ligne imaginaire comme une promesse d’écriture à venir. Contre toute attente, c’est entre le jeu de dînette, les chansonnettes entonnées sans conviction sur un banc, le découpage de papier crépon et le récit décousu d’une journée minuscule que notre civilisation prend forme.

Ce métier, celui de maître d’école, est à l’honneur à la tour Jean-sans-Peur, dans le 2e arrondissement de Paris. Certains ayant parlé, à l’occasion de la raclée de septembre, de pratiques éducatives d’un autre âge et d’un autre temps, « L’école au Moyen Âge » est, par comparaison et sur ce thème de l’instruction, une petite exposition bien intéressante. Encore qu’on puisse se demander si l’époque médiévale est toujours d’un autre âge et d’un autre temps, vu qu’aujourd’hui l’école choisit de plaquer sur cette période de mille ans les obsessions sociétales des dix dernières années. Des exercices de collège, en 2024, proposent ainsi de trouver des métiers dans le Paris du xive siècle qui plaisent (sic) à deux frères et leur sœur (cette dernière « craignant de n’être acceptée nulle part parce qu’elle est une fille »), de chercher « les raisons pour lesquelles on ne connaît pas beaucoup de femmes chevaliers », et de « donner son avis sur la manière de tomber amoureux dans les romans de chevalerie ». On ne change vraiment d’époque que lorsqu’on lit la liste des mots qu’un collégien est censé ignorer et qui nécessitent une explication : le mors d’un cheval, vermeil, se signer, le Credo, en font partie. On serait presque tenté, pour une fois, d’écouter l’éminent médiéviste Patrick Boucheron parler de manuels scolaires « désespérants ». Mais ils ne sont désespérants pour lui que dans la mesure où ils continuent à cultiver l’héroïsme des grands commencements, à parler de cathédrales et de châteaux forts et non de révolte ou de joyeuse profanation.

L’exposition de la tour Jean-sans-Peur n’est pas éblouissante. Rien d’immersif, pas de parcours sonore ou olfactif, pas de reconstitution de l’ambiance d’une salle de classe au xiie siècle. Juste une série de panneaux sur des thèmes liés à l’instruction : « Alphabétisation », « Scolarisation », « Outils pédagogiques », « Maîtres et Élèves », « Établissements scolaires », « Salles de classe », « Programmes scolaires », « Apprendre à écrire, à compter, à chanter », etc. Des premières écoles monastiques à la centaine d’écoles parisiennes du xve siècle, en passant par l’ordonnance de Charlemagne (789), on se fait une idée de ce qu’ont pu être l’instruction et l’apprentissage au fil des siècles. Bien peu d’écoliers maîtrisaient les Arts libéraux (grammaire, logique, rhétorique, arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Seul un petit nombre d’entre eux allait à l’université, mais tous acquéraient, à partir de 7 ans, la maîtrise de savoirs devenus indispensables dans une société marchande comme l’était la société féodale médiévale : il fallait pouvoir noter les dettes des clients, vérifier les comptes du domaine ou de la boutique, compter son bétail.

Le maître d’école devait, lui, passer par l’université et y obtenir l’autorisation d’enseigner (la licence). Il était (déjà) peu rémunéré, mais son arrivée était vécue comme une chance par les habitants, qui lui offraient parfois un habit neuf ou des provisions. À part la chaire, les salles de classe étaient peu meublées, les bancs ne faisant leur apparition qu’à la fin du Moyen Âge : les élèves s’asseyaient sur de la paille ou de petits tabourets. Les livres étaient rares, car ils coûtaient cher, l’équivalent d’un troupeau. Quant au papier, il était trop onéreux pour qu’on puisse y former ses premières lettres : on gribouillait sur de l’écorce, des palettes de bois chaulées ou des tablettes cirées. On apprenait à lire dans la Bible, avant que ne viennent s’ajouter, tardivement, les fables et les romans de chevalerie. Les élèves étaient généralement punis à coups de badine de bouleau sur la tête, les mains ou le visage en cas de manquement à la discipline : interdiction de parler, de ricaner, de courir, de se suspendre aux cloches ou de s’enfuir (sauf en cas de peste). À partir du xie siècle toutefois, les éducateurs partisans de la méthode douce interdirent de blesser les enfants jusqu’au sang ou de leur casser un membre. On devait se lever au passage d’un ancien, réciter le psautier et recopier des formules toutes faites – « Je m’appelle untel. Je suis un bon garçon, Dien m’aime » – formules auxquelles s’ajoutaient parfois des réflexions plus personnelles : « Untel et untel sont de méchants garçons. »

Voici, en gros, l’école d’un autre âge et d’un autre temps. On est loin des tableaux blancs interactifs, des tables en U, du collège unique et de la fac pour tous, du bureau du maître à même hauteur que ceux des élèves (à défaut de pouvoir l’installer un peu plus bas encore), des manuels scolaires labellisés et des cours d’empathie. Nous devons pourtant beaucoup à l’école du Moyen Âge. Nous lui devons l’intérêt porté à l’enfant, contrairement à l’Antiquité qui considérait que « la seule justification de l’enfance était de se dépasser et de conduire à l’homme fait », comme l’a montré Henri-Irénée Marrou dans sa magistrale Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Nous lui devons d’avoir donné du prix à la mémoire, en ritualisant le par cœur à travers la récitation à voix haute des psaumes, ce par cœur tant décrié par les humanistes du xvie siècle, mais dont George Steiner aimait à rappeler qu’il était avant tout un apprentissage par le cœur. Nous lui devons encore l’explication de texte au bac de français, héritage des lectures commentées des maîtres carolingiens, cette glose qui passait par les mots et la grammaire du texte pour accéder à son sens général et l’intention de son auteur : « Toi qui fouilles les écrits de Virgile sans les commenter, tu ne rongeras que la seule écorce sans goûter la noix. » (Maître Egbert de Liège cité par l’historien Pierre Riché). À l’heure de la « règle Mbappé », moyen mnémotechnique employé par certains professeurs pour que les élèves de primaire n’oublient pas que le n devient m devant les consonnes m, b et p, à l’heure des poésies laborieusement apprises strophe par strophe sur une dizaine de jours, du passé simple récité sans les deux premières personnes et des QCM de littérature, il n’est peut-être pas inutile de se souvenir du Moyen Âge autrement que comme d’un millénaire obscurantiste plein de moines pérorant férule à la main.

Comme dirait Christine de Pizan (1364-1430) dont la statue dorée ne dit pas grand-chose à grand monde, mais qui fut présentée lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques Paris 2024 comme une star médiévale du féminisme : on n’a bien souvent que les résidus des héritages qui nous reviennent.


À voir

« L’école au Moyen Âge », exposition à la tour Jean-sans-Peur, jusqu’au 5 janvier 2025.

À lire

Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, 1948.

Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, tome 2

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Pierre Riché, L’Enseignement au Moyen Âge, CNRS éditions, 2016.

L'Enseignement au Moyen Age

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Une girouette nommée Zineb

La journaliste franco-marocaine, ancienne de Charlie Hebdo, est passée du statut de lanceuse d’alerte contre l’islamisme à défenseuse des pogroms en Israël. Elle fait l’objet d’une enquête pour «apologie du terrorisme».


Il est parfois lourd de nuages sombres, le vent qui fait tourner la girouette…

Elle se nomme Zineb El Rhazoui. Dieu sait que nous l’avons portée aux nues lorsque, voilà quelques années, elle savait mieux que personne nous mettre en garde, nous l’Occident, contre l’expansionnisme islamiste, ses menées, ses réseaux, ses ruses, ses pièges. Elle parlait. On l’écoutait, on l’admirait pour son courage, on saluait en elle une lucidité qui faisait tellement défaut à notre intelligentsia, à nos élites. Faut-il avouer que la part de séduction n’était pas mince dans l’intérêt qu’elle suscitait ? Un phrasé n’appartenant qu’à elle, identifiable entre tous, rehaussé d’une subtile pointe d’accent d’Orient. Une diction aussi claire que la pensée exprimée. Une dialectique parfaitement maîtrisée, ornée de la juste dose d’érudition, de culture européenne et orientale qui, subtilement, en impose sans jamais écraser. Avec cela, une charmante présence à l’écran. Nous tenions l’oracle à la parole d’or. Je me souviens de commentateurs qui n’hésitaient pas à évoquer une parenté, sur les plans de la témérité, de l’audace, de la clairvoyance, avec notre Jeanne d’Arc…

Curieux personnage

Une Jeanne d’Arc qui aurait fait volte-face et changé de bannière. L’oriflamme que Zineb el Rhazoui brandit haut aujourd’hui semble aujourd’hui être celle de l’islamisme conquérant, de préférence dans ses prolongements terroristes. Découvrant cette mue des plus inattendues, nous sommes tombés de haut. Il est vrai que nous ignorions à peu près tout de ce qu’est vraiment cette femme.

Très opportunément, une enquête du Figaro signée Paul Sugy[1] nous apporte l’éclairage qui nous manquait, tant sur sa personnalité, que sur son parcours et ses véritables convictions.

Étrange personnage. Une diva, en fait, qui aurait trouvé son rôle magistral non dans l’art lyrique mais dans la croisade politique. Une ancienne camarade livre dans l’article ce portait assez surprenant : « Dès qu’elle est arrivée en France elle a débarqué comme une rock star, avec ses grands manteaux et ses lunettes Gucci. Elle avait quelque chose en plus des autres, elle était drôle, cultivée, elle avait une histoire d’amour marrante avec un chef touareg, elle était touchante et libre, elle racontait sans pudeur ses avortements à Charb. Elle était un personnage ! »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Annus horribilis

Charb, de Charlie Hebdo, bien sûr. Elle y collabore. En diva. Notes de frais à l’avenant, présence aléatoire, colères tonitruantes. Il semble que, pour ces motifs, elle n’y aurait pas fait long feu. Or, survient la tuerie, le massacre des frères Kouachi. Les rafales passées, elle s’insère à la perfection dans le petit cercle des survivants, elle qui se pavanait en vacances au Maroc lors de l’attentat. En France, elle s’y trouve cependant lorsqu’il s’agit de rassembler autour d’elle une petite clique pressée de se gaver de la fortune toute soudaine du journal dont le numéro d’après l’attentat s’est vendu à 8 millions d’exemplaires. Le pactole. Faire de l’argent sur le cadavre de leurs amis n’arrête pas ces gens, Zineb El Rhazoui en particulier.

Le nouveau visage de Zineb El Rhazoui

Suit une période conjugale avec un banquier de chez Rothschild en charge de la « finance islamique ». Installation à Dubaï. Existence sur le mode mille et une nuits. Luxe, calme, volupté. Et bistouri du chirurgien esthétique des stars pour, au passage, s’améliorer la frimousse. Il se peut que les cagnottes en lignes ouvertes pour financer sa sécurité en France, et qui continuent de courir, aient pu aider quelque peu à ces rafistolages dispendieux. À ce moment-là, il semblerait qu’elle se consacre aussi à une passion de toujours, la peinture. Son registre préféré dans ce domaine, nous apprend Paul Sugy, l’autoportrait. On s’en serait douté. Narcissique un jour…

La barbarie terroriste du 7-Octobre perpétrée par le Hamas en Israël l’extirpe de cette forme de somnolence idéologique. Plus exactement, c’est la riposte inévitable d’Israël qui lui fait reprendre l’étendard de la lutte. La lutte pro-islamiste désormais. Israël qu’elle considère être un état colonial et « génocidaire ». Un « Daech qui a réussi », ose-t-elle toute honte bue.

Elle ne condamne évidemment pas les massacres du 7-Octobre qui sont pour elle « un acte de résistance et de désespoir ». Cela lui vaut d’ailleurs, à l’initiative du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau – qui fut jadis l’un de ses plus ardents soutiens – l’ouverture d’une enquête pour « apologie du terrorisme ». Cela au grand dam, on s’en doute, de nos médias d’insalubrité publique qui, on peut le supposer, s’apprêtent à dérouler sous les pieds de la malheureuse victime le tapis rouge qui convient afin qu’elle puisse de nouveau dérouler sa dialectique si bien huilée. L’article en donne un aperçu. N’a-t-elle pas le front de déclarer, en effet, s’efforçant de rejeter toute accusation d’opportunisme ou de trahison : « Je n’ai pas hésité à faire mon devoir en dénonçant le terrorisme islamiste lorsqu’il a frappé notre pays. C’est au nom du même principe que je dénonce la dérive sanguinaire du gouvernement israélien. » Est-il seulement besoin de commenter l’obscénité de cette mise en parallèle ?

Vent mauvais

Girouette : sert à indiquer la direction du vent, écrivais-je en commençant. Il me semble que derrière la volte-face stupéfiante de cette femme, de ce personnage singulier à la psychologie manifestement complexe, erratique, se profile une tendance que je me permettrais de qualifier de lourde. Lourde par sa puissance quasi souterraine, et lourde, pesante, par la décrépitude morale qu’elle traduit.

A ne pas manquer: Causeur #127: 7-Octobre, un jour sans fin

Le revirement de Zineb El Rhazoui s’inscrit dans le vent mauvais qui s’immisce chez nous depuis une année à présent, notamment chez les élites, les gens qui sont au sommet. La riposte d’Israël après la tentative exterminatrice du 7-Octobre n’a pas eu d’effet « libérateur » que chez cette militante, elle a aussi ouvert chez nous, en grand, les vannes aux eaux encore dormantes et toujours fétides d’un antisémitisme mal maquillé en antisionisme. Cela en soi est terrifiant. Révoltant au plus haut point. L’histoire nous a pourtant appris, et pas seulement celle du vingtième siècle, ce sur quoi débouche le flux de ces eaux-là lorsqu’il devient crue. La sauvagerie totalitaire, la dictature obscurantiste, voilà où cela mène inexorablement.

Cette musique antisémite en contrepoint du chant antisioniste on l’entend ces jours-ci dans la bouche des Villepin, des Kouchner et d’autres aussi. Mais le grand et beau ténor, le virtuose en la matière n’est autre – quel chagrin de devoir écrire cela ! – que le président de la République. Notre président de notre République. À l’unisson avec une Zineb El Rhazoui, voilà qu’il va jusque’à imputer à l’Etat d’Israël – démocratie alliée et amie de la France, me semble-t-il – le recours à la barbarie ! Pire encore, il y a ces propos que, comme si souvent avec le personnage il convient de ranger dans la catégorie amusante mais lassante du « j’ai pas dit ce que j’ai dit et on n’a pas à dire pour moi ce que j’ai dit quand je dis que je ne l’ai pas dit. » Ces défenses sont d’une puérilité consternante. Elles sont surtout l’accablante expression d’un intellect à la dérive. Rappelons ces propos : « M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU. » Comment ne pas entrevoir derrière ces mots une menace ? Menace à peine voilée dont la traduction en clair pourrait être : « M. Netanyahou ne doit pas oublier que ce qu’une décision de l’ONU a fait, une autre décision de l’ONU peut le défaire. »

En réalité, c’est la montée en puissance de ce vent-là, porteur de l’idée d’une disparition à terme de l’État d’Israël, que nous indique la volte-face, finalement moins sidérante qu’il n’y paraît, de Zineb El Rhazoui. Il s’agit de bien autre chose que d’un caprice de diva, d’une foucade de passionaria égarée. Aussi, ne nous faisons aucune illusion. Lorsqu’elle viendra déployer ses talents dans ce registre chez nous, en France, il y aura du monde pour applaudir. Y compris – et peut-être même surtout – du beau monde.

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[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/elle-a-vrille-comment-zineb-el-rhazoui-est-passee-d-icone-laique-a-avocate-du-hamas-20241024

Tant qu’il y aura des films

Un acteur en majesté, un polar bourguignon gouleyant et une merveilleuse reprise, c’est le tiercé gagnant et francophone d’un mois de cinéma polyphonique comme il se doit.


Art brut

L’Art d’être heureux, de Stefan Liberski

Sortie le 30 octobre

Le film pourrait s’appeler L’Art d’être Benoît Poelvoorde et tiendrait ainsi sa promesse. Il s’intitule plus platement L’Art d’être heureux, mais on ne lui en veut pas car, justement, brille en son centre un acteur-roi, un phénomène d’écran dont chaque apparition relève du funambulisme détraqué : au fil des scénarios et des réalisateurs, ça passe ou ça casse, ça frise le génie pur ou ça s’écrase dans le cabotinage. On dit Poelvoorde « fragile » (euphémisme) en dehors des plateaux, en feignant de croire qu’il est « fort » quand on dit « Action ! » (« Pourquoi faire ? » dixit Depardieu). C’est cette éventuelle faiblesse qui rend son jeu improbable, imprévisible et incroyable. Depuis 1992 et l’iconoclaste C’est arrivé près de chez vous, de Rémy Belvaux et André Bonzel, l’acteur belge alterne les tournages de films d’auteur, de comédies réussies et de pochades sans nom. Sans lui, Podium de Yann Moix ne serait qu’une épure de bonne idée. Il en est de même pour Les Randonneurs et Le Vélo de Ghislain Lambert, tous deux de Philippe Harel, comme des Convoyeurs attendent de Benoît Mariage. Il est lumineux dans Trois cœurs de Benoît Jacquot (après Depardieu, encore un « proscrit », soit dit en passant) autant que dans Normale d’Olivier Babinet. On s’en voudrait d’oublier ce qui est peut-être son meilleur rôle, sa composition la plus dingue, la plus névrotique et donc la plus enthousiasmante, dans le trop méconnu Les Portes de la gloire, réalisé par Christian Merret-Palmair en 2000 : représentant de commerce hallucinant et halluciné, il passe ses soirées à revoir Le Pont de la rivière Kwaï en se prenant pour son héros.

Le réalisateur de L’Art d’être heureux, Stefan Liberski, a manifestement vu ce film en écrivant son scénario et en imaginant le personnage joué par Poelvoorde. On ne risque pas de lui reprocher cette inspiration de haut vol. Son personnage principal, qui se nomme Jean-Yves Machond, est un « peintre mondialement méconnu et globalement malheureux qui décide de changer de vie et d’aller chercher l’inspiration dans une petite ville normande au bord de la mer », précise le synopsis. Machond offre surtout à Poelvoorde l’occasion d’ajouter un nouveau spécimen à sa collection de perdants magnifiques, de ratés flamboyants et d’abrutis géniaux. Une coupe de cheveux indescriptible, une « veste d’artiste » ridicule dans laquelle il flotte littéralement, un esprit de sérieux affligeant : en quelques traits saillants, Poelvoorde tient son personnage du début jusqu’à la fin. Il est lamentable face aux femmes comme face à l’art, la mer ou les emmerdements. Une incapacité constante, admirablement tenue, face à tout et à tout le monde. Et le voilà qui se retrouve en caleçon au bord d’une route, seul, toujours seul, ou bien dans sa maison d’architecte aussi moderne qu’inhabitable parce que, comme lui, sans fondations… Le tout sur fond d’une critique assez réjouissante des impasses de l’art contemporain radical qui ne sait plus distinguer un sexe féminin d’un hérisson. On ira jusqu’à pardonner au réalisateur, qui semble sérieusement croire à son propos sur le bonheur, de faire sombrer son film dans la mièvrerie en inventant une progéniture cachée à son héros. Poelvoorde résiste même à cela, à cet assaut final d’attendrissement niaiseux et téléphoné. Ainsi vont les génies de ce métier : Raimu, Saturnin Fabre, Darry Cowl, de Funès, Jacqueline Maillan, Jean Poiret, Michel Serrault et quelques autres acteurs et comédiens hors norme qui ont en commun une folie pure, un sens inné d’une mécanique qu’on appelle le rire. Mécanique qui, comme chacun le sait, est l’unique réponse possible à l’indépassable mélancolie.


Art noir

Quand vient l’automne, de François Ozon

Sortie le 2 octobre

Bien malin celui qui pourrait définir d’un mot ou même d’une phrase l’univers de François Ozon. Il est à lui tout seul la négation de la notion de cinéma d’auteur. Allez donc trouver le lien entre le flamboyant mélo Sous le sable, avec Cremer et Rampling, et Potiche, le tordant « boulevard » avec Deneuve et Depardieu (décidément)… Son nouveau film, Quand vient l’automne, n’échappe pas à cette « règle ». Cette fois, il nous propose un drame vénéneux en Bourgogne. Vénéneux, oui, parce qu’au centre de cette ténébreuse affaire familiale, on trouve un plat de champignons toxiques. Tout commence donc par un petit repas en famille au cours duquel une fille plutôt revêche se délecte des champignons concoctés par sa retraitée de mère. S’ensuit une histoire dont on se gardera bien de révéler ici les méandres et autres surprises surgies d’un passé sulfureux. Hélène Vincent, Josiane Balasko et Ludivine Sagnier mènent un bal parfaitement réglé.

© FOZ/FRANCE 2 CINEMA/PLAYTIME

Art d’antan

Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque

Sortie le 23 octobre

Alain Delon aimait à raconter qu’à l’âge de 14 ans, il avait fugué du domicile familial pour tenter de rejoindre les États-Unis avec son meilleur ami. Ils n’avaient pas dépassé Romorantin. Mais on se dit à l’énoncé d’un tel projet que le petit fugueur s’était peut-être inspiré d’un film vu au Régina, le cinéma paternel de Bourg-la-Reine : Les Disparus de Saint-Agil réalisé par Christian Jaque en 1938. Il aurait été séduit par les trois collégiens de la bande des « Chiche-Capon » (dont l’un est joué par Mouloudji), qui rêvent de partir pour l’Amérique… Avec Erich von Stroheim et Michel Simon à son casting, ce film est une pure merveille qui mêle très habilement film d’enfance et polar sur fond de fausse monnaie. Il s’en dégage un charme irrésistible sur lequel les années passent, donnant une nouvelle preuve que nombre de films de Christian-Jaque doivent être définitivement réhabilités, depuis ces Disparus jusqu’à Un revenant, Fanfan la Tulipe, L’Assassinat du père Noël, Boule de suif et tant d’autres.

DR

Double peine

L’agression d’un jeune homosexuel à Pantin par deux Algériens survient dans un contexte géopolitique précis favorisant la montée de l’antisémitisme et le passage à l’acte chez des esprits fragiles ou incultes. Au Parisien, la victime affirme qu’elle ne sait pas si elle restera en France.


Le 8 octobre dernier, à Pantin (93), Noam* était victime d’une triple agression : antisémite, homophobe et une tentative de viol par deux Algériens en situation irrégulière. Les deux agresseurs présumés ont été placés en détention provisoire. « Ce viol, parce que c’est un viol, cela fait partie de ma vie », confie la victime au Parisien. « Être juif et homosexuel en France, c’est la double peine » dit le jeune homme de 22 ans à CNews. Le Parisien relatait sa mésaventure dans son édition de vendredi :

Le 8 octobre, à 20h20, Noam rentre du travail et va au tabac s’acheter des cigarettes, quand il est abordé par deux inconnus qui lui réclament « une clope ». L’un est assez jeune, l’autre, juste un peu plus vieux, semble zoner sur les bords du canal. Les caméras filmeront ces deux hommes, qui n’ont cessé d’importuner les passants. Noam finit par céder et leur tend son paquet. Puis ils le poussent à l’écart. Ils font défiler son compte Instagram et tombent sur le drapeau d’Israël. Les massacres du Hamas ont juste un an. Noam a écrit une story. Puis apparaît un autre symbole aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT. À partir de là, les deux hommes partent en vrille, éructent des « sale pédé » et « sale juif ». Toujours sous le choc, Noam affirme qu’il était la « cible parfaite » parce que gay et juif.

Une ligne de téléphone consacrée à l’écoute de plaignants de ce genre d’affaire enregistre une dizaine d’appels par jour. L’histoire de Noam représente un nouveau type d’agression d’après ses avocats : « un schéma d’agression se met en place pour exprimer une volonté de souiller et d’humilier les victimes ».

Comme d’autres Français, mais de façon encore plus fréquente, des élèves juifs subissent du harcèlement et des persécutions à caractère antisémite dans les écoles, des juifs de tous âges sont agressés et violentés dans les rues et les transports en commun.  De plus en plus, ce sont des personnes en situation irrégulière et sous obligation de quitter le territoire qui blessent, violent et tuent. Ces délinquants, partis d’outre Méditerranée pour trouver une terre d’accueil dans un pays plus laxiste envers leurs dérèglements et délits que leur pays d’origine sont les auteurs d’une grande partie des agressions que subissent nos concitoyens et en particulier les juifs depuis le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza.

Qui est responsable de cette situation qui ne fait que s’aggraver ? Bien sûr l’inaction des politiques, voulue ou non, face à l’immigration de masse, contribue de façon significative à augmenter le nombre de populations connues pour leur antisémitisme viscéral, mais c’est aussi dans la population française d’origine, et spécifiquement dans ses élites cultivées que se développe aujourd’hui un antisémitisme qui ne veut pas dire son nom.

Ainsi, Emmanuel Macron, en déclarant que la guerre menée par Israël contre le Hezbollah relève de la barbarie, met de l’huile sur le feu antisémite. Chacun sait désormais le lien qui est fait dans les banlieues entre les événements dramatiques du Proche-Orient et le sort des juifs en France. Cette affirmation du président de la République témoigne d’un contexte géopolitique général qui attribue à Israël la seule responsabilité du désastre actuel à Gaza et au Liban.

En France, l’antisémitisme qui se taisait dans notre pays depuis 1945 a repris vigueur par la grâce d’un antisionisme rabique qui n’est pas uniquement le fait de la France insoumise. La diabolisation des Israéliens et de leur Premier ministre par une partie de l’opinion publique, celle qui a été éduquée dans les universités de la République, désormais envahies par une pensée wokiste aux idées courtes mais à la haine solide, donne de la nourriture intellectuelle à des personnalités incultes et possiblement fragiles qui passent aujourd’hui quotidiennement à l’acte.

Les juifs désormais sont sur le départ pour la première fois depuis longtemps. Chassés des pays arabes à la naissance de l’État juif dont l’existence est non seulement menacée mais refusée depuis toujours, les juifs sentent que leur présence en Occident est remise en question. Alors qu’Israël représentait pour les sionistes le pays qui permettrait aux juifs de ne pas dépendre du bon vouloir et des caprices sanglants de leurs maîtres, les bons esprits d’Occident, manipulés par les mensonges de la propagande islamiste, se permettent ouvertement de douter de la légitimité des actions de défense de l’Etat des juifs.

* Le jeune homme témoigne sous pseudos dans différents médias

Un « Monde » sans pitié

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« L’infiltration » du Hamas en territoire israélien du 7 octobre 2023. DR.

Le Monde dissimule à peine, mais avec brio, sa vision manichéenne du Proche-Orient et son parti pris propalestinien. Derrière une mécanique sémantique de précision, s’entend une petite musique anti-israélienne, jusque dans la couverture des massacres du 7-Octobre. Une lecture mot à mot et entre les lignes s’impose.


Cela ne se discute pas. Avec ses 500 000 abonnées en ligne, son équipe de 500 journalistes et ses quelque 18 millions d’euros engrangés en 2023 au titre des aides publiques à la presse, Le Monde est ce qu’il convient d’appeler un grand quotidien. Un journal de référence, comme on dit, lu chaque jour par tous les ministres de la République, tous les parlementaires et tous les directeurs de la presse parisienne. Autant dire que son traitement de l’actualité au Proche-Orient est crucial. D’autant que peu de rédactions peuvent se payer comme lui des correspondants permanents sur place. Résultat, sur cette question brûlante, nombre d’organes de presse subissent de façon disproportionnée l’influence du quotidien vespéral.

Se doutent-ils que la ligne de leur journal favori est, sur la politique israélienne, nettement moins centriste qu’elle ne l’est en matière de politique française ou américaine ? Et que, dès que l’on se rapproche de Tel-Aviv, elle rejoint en réalité les positions de l’extrême gauche ? Certes, ce parti pris n’est jamais avoué clairement. Il faut parfois avoir l’ouïe fine pour entendre la petite musique anti-israélienne jouée tous les jours dans les pages consacrées au Proche-Orient. Si l’on veut comprendre comment fonctionne cette mécanique sémantique de précision, une analyse mot à mot est souvent nécessaire. Décortiquons ci-dessous sept phrases typiques de la prose du Monde, extraites de divers articles parus dans ses colonnes depuis le 7 octobre.

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« Lors de son opération “Déluge d’Al-Aqsa”, débutée le 7 octobre, le groupe islamiste du Hamas a infiltré plusieurs centaines de ses combattants en territoire israélien, tuant sur place ou prenant en otage des membres des forces de sécurité et des civils. »

Benoit Le Corre et Pierre Lecornu

Trois jours après les exactions du 7 octobre, le doute n’est plus permis. Selon d’innombrables sources présentes sur place, un massacre de dimension inédite vient d’avoir lieu sur le territoire de l’État hébreu, avec pour objectif d’assassiner un maximum d’Israéliens. Les terroristes sont rentrés par milliers (en non par centaines) dans le district Sud à bord de camions, jeeps, motos, vedettes rapides et parapentes. Un véritable déluge, comme l’indique très bien le nom de code choisi par les cerveaux de l’opération. Mais au Monde, lorsqu’il s’agit de rassembler les faits dans un papier de synthèse, pas question d’employer les grands mots, ni d’étaler trop de pitié pour les victimes. Sans doute pour ne pas donner l’impression d’avoir une quelconque sympathie envers l’État juif. On remarquera aussi un certain penchant pour un vocabulaire tout en retenue. Prenez le verbe « infiltrer », par exemple. Selon le Larousse, il signifie, du moins quand il est appliqué à des êtres humains : « Se glisser quelque part, y pénétrer furtivement. » L’arrivée en nombre de soudards surexcités, tirant sur tout ce qui bouge, violant des femmes et éructant de joie, peut-elle être décemment qualifiée de furtive ? Autre détail qui dit tout de l’égarement du journal : son souci d’indiquer les pertes telles qu’elles ont été constatées parmi des « membres des forces de sécurité » avant celles des « civils ». Or au moment où ces lignes sont écrites, on sait déjà que le bilan des morts du 7 octobre compte davantage d’Israéliens désarmés, notamment des vieillards, des femmes et des enfants, que de soldats. La bonne foi journalistique exigeait donc de mentionner en priorité le fait le plus important, à savoir que le « Déluge d’Al-Aqsa » est d’abord une attaque contre la population d’un pays, pas seulement contre son armée. Sauf si bien sûr on essaie de manière insidieuse de s’inscrire dans le narratif mensonger du «crime de guerre », dont La France insoumise fait au même moment son cheval de bataille.

Benjamin Barthe, lorsqu’il était correspondant du Monde au Proche-Orient. DR.

« Cette bizarrerie géographique est pourtant le fait des fondateurs d’Israël. »

Benjamin Barthe

Dans les jours qui suivent le massacre du 7 octobre, Le Monde, qui n’aime rien tant que de donner des leçons d’histoire à ses lecteurs, publie un article pour raconter celle de Gaza. Et n’hésite pas pour l’occasion à relayer une grossière fake news. Ainsi donc, à en croire l’auteur, la « bizarrerie géographique » qu’est Gaza (à savoir que le territoire palestinien est séparé en deux parties, dont l’une est cette enclave située entre l’Égypte et Israël) serait la conséquence d’une décision prise par ceux qui ont créé l’État hébreu en 1948. Un minimum de connaissance des événements permet pourtant de savoir que la résolution 181 de l’ONU, votée en 1947, propose avant même la déclaration d’indépendance d’Israël, la création d’un État arabe coupé en deux morceaux distincts, dont l’un recouvre justement l’actuelle bande de Gaza. Si l’année suivante, lors de la guerre israélo-arabe, les circonstances du conflit conduisent les troupes de Ben Gourion à ne pas y pénétrer, laissant le champ libre à l’armée égyptienne, Tsahal finira en 1956 par y planter son drapeau à la faveur de la crise de Suez… avant que les Américains lui demandent l’année suivante de se retirer. N’en déplaise à Monsieur Barthe, la « bizarrerie géographique » que constitue Gaza est au moins autant le fait des Nations unies en 1947, des forces égyptiennes en 1948-1949 et de l’administration Eisenhower en 1957, que celui des fondateurs d’Israël. Mais il est tellement tentant de prendre des accents complotistes et de présenter les juifs comme les seuls responsables de ce qui est « bizarre » au Proche-Orient.

Des soldats israéliens en repos, 13 octobre 2023. Jonathan Alpeyrie/SIPA

« Gaza : l’injustifiable politique de la terre brûlée d’Israël »

Éditorial

Comme on l’a vu plus haut, Le Monde a fait preuve d’une pudeur de gazelle dans sa couverture du massacre du 7 octobre, restant le plus froid possible et minorant certains faits. Double standard oblige, la contre-offensive d’Israël, elle, a droit aux grandes orgues. Dans son éditorial du 6 mars, non signé et engageant en ce sens l’ensemble de la rédaction, les mots qui claquent sont de sortie. Tsahal, est-il ainsi affirmé dans le titre, mènerait rien de moins qu’une « politique de la terre brûlée ». Un terme que même le très anti-israélien Josep Borrell n’a jamais osé utilisé, y compris quand il a accusé, notamment lors d’une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU le 12 mars, l’État hébreu d’utiliser la faim comme « arme de guerre » à Gaza. Sans doute parce qu’il sait que la « politique de la terre brûlée »est une qualification juridique autrement plus grave, comme le Protocole I de la convention de Genève le mentionne : « Une Puissance occupante ne peut pas détruire des biens, situés en territoires occupés, qui sont indispensables à la survie de la population. La politique de la “terre brûlée” menée par un occupant, même lorsqu’il se retire de ces territoires, ne doit pas affecter ces biens. » À l’heure actuelle sur la planète, seul le conflit au Darfour est considéré par les observateurs internationaux comme relevant de la stratégie de la terre brûlée.

Rassemblement pro-Hamas à Aman, 16 août 2024. DR.

« Il n’y a pas d’équivalence entre l’antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste, utilisé par certains membres de La France insoumise, et l’antisémitisme fondateur, historique et ontologique du Rassemblement national. »

Arié Alimi et Vincent Lemire

Soyons honnêtes. La phrase ci-dessus est extraite d’une tribune parue dans Le Monde. Si elle ne traduit donc pas la position du journal, elle montre en revanche quelles opinions infâmes celui-ci est prêt à accueillir dans ses pages de façon bienveillante. Faut-il détailler ici en quoi essayer de diminuer les torts de l’antisémitisme de gauche, au prétexte qu’il serait « contextuel », est abject ? Non, évidemment. Quiconque a vu les images de Rima Hassan participant à un rassemblement pro-Hamas à Aman en août dernier sait ce dont l’« antisémitisme contextuel, populiste et électoraliste » est capable, et quelles atrocités il a sur la conscience.

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« Visage de la diplomatie du Hamas, vu comme un modéré au sein du mouvement palestinien, Ismaïl Haniyeh était au cœur des efforts visant à mettre fin aux hostilités dans la bande de Gaza. »

Hélène Sallon

Comment montrer, à mots couverts, que l’on pleure à chaudes larmes la mort du numéro un du Hamas, donc de l’un des terroristes les plus sanguinaires de la planète ? En le faisant passer pour une colombe, pardi ! Comme le fait avec beaucoup de talent cette nécrologie d’Ismaïl Haniyeh, mort le 31 juillet 2024 à Téhéran suite à une attaque israélienne survenue au lendemain de la prestation de serment du nouveau président iranien Massoud Pezeshkian devant le Parlement, à laquelle il venait d’assister.

Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas de 2017 à 2024. DR.

« Face aux attaques d’Israël, l’Iran peine à trouver la bonne riposte »

Ghazal Golshiri et Madjid Zerrouky

Le Monde ne se contente pas de regretter la disparition des ennemis les plus cruels d’Israël. Il loue aussi l’action des vivants. Le titre ci-dessus est à cet égard un petit chef-d’œuvre d’encouragement déguisé. Procédons par étape logique et découvrons ce qu’il exprime en réalité. D’abord l’élément de contexte, « Face aux attaques d’Israël », qui place le récit du point de vue de Téhéran, puisque, côté Israël, on considère au contraire que l’action de Tsahal n’est pas une attaque mais une contre-attaque. Ensuite la proposition principale, « l’Iran peine à trouver la bonne riposte », qui indique en creux que les mollahs cherchent quelque chose, et que cette recherche est conduite par eux avec les meilleures intentions du monde puisque la chose recherchée est affublée de l’adjectif « bon ». Accusation spécieuse, objecteront certains. Et pourtant que ne dirait-on si, par exemple, Le Monde spéculait en France sur les « attaques » de Macron contre Marine Le Pen et sur la « bonne » réponse que celle-ci pourrait bien lui apporter. Supposons que le journal écrive : « Face aux attaques d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen peine à trouver la bonne riposte ». Inimaginable bien sûr. Alors qu’en revanche le titre « Face aux attaques de Marine Le Pen, Emmanuel Macron peine à trouver la bonne riposte » est tout à fait concevable. CQFD. Dans le conflit larvé israélo-iranien, les faveurs du Monde vont à l’Iran.

Tirs de missiles balistiques iraniens visant des cibles en Irak et en Syrie, 15 janvier 2024.

« Procéder ainsi n’emprunte-t-il pas au terrorisme que l’on prétend combattre ? »

Editorial

Finissons cette rapide autopsie du diable qui se cache dans les détails en nous penchant sur l’affaire de bipeurs piégés. Pour Le Monde, cette opération est immorale. La meilleure manière de le faire savoir : suggérer, au moyen d’une question rhétorique, qu’Israël a, ce jour-là, carrément repris les méthodes des Etats voyous. Quand il y dix ans, François Hollande validait des dizaines d’opération homo (pour homicide), consistant à faire supprimer par des commandos français des djihadistes identifiés en Afrique noire, avec parfois des dommages collatéraux sur les populations civile, allez savoir pourquoi, jamais le journal n’a parlé de terrorisme d’Etat, mais juste d’ « éxécutions ciblées ». Idem quand Barack Obama a demandé que l’on neutralise, mort ou vif, Oussama Ben Laden et que le chef d’Al Qaida a fini par être abattu, sur ses ordres, par des Navy Seals: pas question de se demander si le président américain n’aurait un peu agi de manière criminelle en vengeant le 11-Septembre. Derrière ses protestations de modération et son style ostensiblement circonstancié, Le Monde dissimule mal sa vision orientée du Proche- Orient. Vous avez dit islamo-gauchisme ?

Barnier, en quête du peuple oublié

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Le Premier ministre Michel Barnier en déplacement à L'Arbresle (69), le 25 octobre 2024 © Bony/SIPA

Le Premier ministre savoyard pense qu’il n’aura pas le temps de faire de grandes lois. Il entend consulter les cahiers de doléances des gilets jaunes pour alimenter sa réflexion.


C’est au-dessus de leur force : les « progressistes » restent hermétiques aux colères françaises, quand elles pointent l’enfermement mental des dirigeants mondialistes. Cela fait sept ans qu’Emmanuel Macron, en chute dans les sondages (78% de mécontents) se montre incapable d’entendre les gens ordinaires. Ses certitudes universalistes lui suffisent. Or la dénonciation feutrée de cette pathologie politique est venue, hier, de Michel Barnier, dans Le Parisien-Dimanche : le Premier ministre, en quête du peuple oublié, a annoncé vouloir consulter les cahiers de doléances, rédigés par les Français en 2019 après la révolte populaire des gilets jaunes. Il faut donc comprendre que les avis des citoyens d’en bas avaient été enterrés par les décideurs d’en haut, une fois le calme revenu. Cette révélation d’une indifférence du pouvoir n’en est certes pas une, tant la mascarade tient lieu de communication chez M. Macron. Néanmoins, ce mépris élitiste pour les opinions de « ceux qui ne sont rien » est devenu explosif. La crise de la démocratie mériterait, au contraire, l’humilité des puissants, incapables de reconnaître leurs erreurs. Le Premier ministre a compris ce besoin de proximité et de dialogue. Ceci lui vaut la mansuétude de l’opinion. Reste à savoir jusqu’où M. Barnier, homme prudent, est prêt à aller s’il veut répondre aux exaspérations des oubliés. Pour beaucoup, ils ont pris ou vont prendre le chemin du RN et de ses alliés, snobés par le Premier ministre. Ce sont ces mêmes proscrits qui, aux Etats-Unis, s’apprêtent à voter le 5 novembre pour Donald Trump, traité de « fasciste » par Kamala Harris. A une semaine du scrutin, la démocrate, soutenue par le show-biz à paillettes, semble à la peine.

A lire aussi, du même auteur: Retailleau contre l’immigration, ou la fin de règne des déracinés

Une révolution des mentalités redonne du crédit aux pestiférés d’hier, aux Etats-Unis comme en France. Dans son dernier livre[1], Philippe de Villiers admet avoir souffert de son « destin de souffre-douleur archétypal ». Pour autant, le pionnier du souverainisme s’impose aujourd’hui, dans un univers où les élites se délitent, parmi les résistants les plus écoutés, et pas seulement sur CNews dans son émission à succès du vendredi soir. « Une génération de survivants-combattants va poindre », veut croire le promoteur du Puy-du-Fou, du Vendée Globe et de la mémoire vendéenne. Mais nombreux sont, dès à présent, les Français qui ne veulent pas voir leur pays mourir.

Ce réveil existentiel est loin d’être minoritaire. Il pourrait peut-être accompagner, chez des indigènes malmenés par le nouvel occupant islamisé, la reproduction inversée d’une dynamique de décolonisation, prônée par la gauche chez les peuples extra-européens. En attendant, mêmes les réflexes pavloviens de la bien-pensance ont pris un coup de vieux. Rien n’est plus convenu que la réflexion d’Eddy Mitchell, l’autre jour sur France Inter, disant des électeurs RN : « Je suis contre ces gens-là ». Thierry Ardisson ne se rehausse pas davantage quand il qualifie, sur France 5, le public de Cyril Hanouna (C8) de « cons » et de « têtes pleine d’eau ». Idem pour Anne Roumanoff, disant du JDD qu’il est « un journal d’extrême droite ». En 2016, Hillary Clinton avait qualifié de « déplorables » les électeurs de Trump, avant de perdre la présidentielle. Alain Minc a dit d’eux, hier soir sur BFM, qu’ils étaient des « sous-développés ». Ceux qui insultent au lieu d’écouter accélèrent leur chute. Leur monde rêvé est faux. D’ailleurs, il s’effondre.

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[1] Mémoricide, Fayard

Bisounours queers vs Bad travelos

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DR.

Face à l’émergence de voix critiques s’opposant à l’idéologie transgenre, les militants radicaux se déchirent quant à l’attitude à adopter pour riposter.


Le 7 octobre, le site StreetPress informait ses lecteurs que soixante-quatre des militants venus protester, à l’appel de l’AG Paname Antifa, contre les séances de dédicaces organisées par les éditions Magnus, dont celle de Marguerite Stern et Dora Moutot pour leur essai Transmania, avaient été placés en garde à vue. Après avoir obligé les organisateurs à annuler la réunion prévue dans le 11ème arrondissement et à se replier finalement sur une péniche dans le 5ème, ces militants s’étaient regroupés non loin de celle-ci, obligeant les forces de l’ordre à intervenir.

Stern et Moutot menacées

Les policiers ont retrouvé sur les manifestants des fumigènes et de la peinture mais aussi des mortiers d’artifice, des matraques télescopiques et des explosifs. Pour leur défense, certains de ces activistes « non-binaires » déclarèrent à StreetPress ne pas être venus pour en découdre : « On est une bande de trans et de bisounours queers », geignit Aurélie en se plaignant d’avoir dû partager avec Anna, une jeune femme trans, « une cellule de cinq mètres carrés sans matelas ». Bref, ça pleurnicha, ça gémit, ça jérémiada tant que ça put. Iels prétendirent être de pauvres victimes du système policier, patriarcal et hétéronormatif – et StreetPress fut tout heureux de présenter cette milice trans comme une joyeuse bande de militants pacifistes agressés par la police[1].

À lire aussi, du même auteur: De Judith Butler à Laure Adler

Oui mais non, écrivent en substance, deux jours plus tard, des militantes trans se réclamant d’une «bande armée de travelos » dans un texte rageur paru sur le « site d’infos anticapitaliste, antiautoritaire et révolutionnaire » Paris-Luttes.Info[2] : il y avait bien, parmi les activistes arrêtés, des individus violents et prêts à tout pour nuire à la « sauterie transphobe » organisée par les éditions Magnus. « Que les bisounours se tiennent sages si iels le veulent, certaines d’entre nous auraient coulé la péniche et tous ses fafs avec si nous en avions eu loccasion », écrivent ces charmantes créatures en traitant au passage les « journaleux » de StreetPress de « poucaves » (mot d’origine rom voulant dire « mouchard » ou « traître ») pour avoir relayé les discours victimaires et « innocentistes » rapportés ci-dessus. Pour mener le combat trans contre les « fascistes », il n’est pas prévu d’autres moyens que « la force et la violence, et donc l’éclatage des têtes » de ces derniers. Les menaces de mort que reçoivent Marguerite Stern et Dora Moutot sont par conséquent « valides et légitimes ». Les signataires de cet appel à l’ultra-violence disent être « de celles qui ont formé un black bloc le 6 mai dernier devant Assas » et « de celles qui ont cramé le compteur électrique et fracassé les vitres » de l’ISSEP à Lyon, là où étaient prévues des réunions avec les auteurs de Transmania. Décidées à éviter comme la peste les « espaces terriblement cis ou hétérochiants » et à chercher la baston partout où cela s’avère nécessaire pour s’émanciper de « l’aliénation capitalo-hétérosexiste », les travelos anarchistes affirment vouloir continuer « de poursuivre Stern et Moutot partout où elles iront jusqu’à ce qu’elles n’osent plus sortir de chez elles. » Quant aux « journaleux de StreetPress », ils feraient mieux de « garder leurs torchons pour eux » s’ils ne veulent pas subir l’ire de ces furies qui prévoient d’ores et déjà de prochaines et belliqueuses actions contre le patriarcat, les fascistes, les « mascus », les policiers, les « pacificateurs », la presse sirupeuse, etc. 

Prétentieux

Ironie de l’histoire et conclusion badine et interrogative. Sur son site, StreetPress annonce mener actuellement « la plus grande enquête participative sur l’extrême droite » et appelle la population à dénoncer « les actions et les méfaits des groupuscules ou militants d’extrême droite » qui se multiplieraient « partout dans l’hexagone ». Pour le moment et jusqu’à preuve du contraire, la très grande majorité des actions violentes contre des individus dans les universités, les librairies, les lieux publics ou privés, sont le fait de groupuscules d’extrême gauche se réclamant du féminisme, de l’antifascisme, de l’antiracisme, de l’écologisme et des mouvements queer : conférences perturbées ou carrément annulées, librairies taguées et caillassées, tentatives d’incendies, menaces sur les propriétaires des lieux prévus pour telle ou telle réunion, regroupements agressifs devant les lieux en question, menaces directes sur les intervenants pouvant conduire jusqu’à la nécessité d’une protection policière particulière, etc. Et ne parlons pas des cris de haine antisionistes et antisémites et des appels à l’intifada et à la guerre civile scandés lors de manifestations pro-palestiniennes qui voient leurs rangs gonflés par les mêmes activistes d’extrême gauche, idiots utiles de l’islamisme.

À lire aussi, Charles-Henri d’Elloy: Nicolas Bedos, le beau bouc émissaire

S’ils veulent avoir de la matière pour leur enquête contre les « méfaits et les violences » en France, les journalistes de StreetPress feraient décidément mieux de se pencher sur les groupuscules ultra-violents et les activistes radicaux de l’extrême gauche, ainsi que sur cette… « bande armée de travelos » qui les menace directement.

Mais peut-être ne prennent-ils pas au sérieux cette fameuse bande et ont-ils sur elle la même opinion que Fred (André Pousse) sur la clique de petits malfrats transsexuels commandée par Rosemonde (Mario David), alias Jacky après sa « transition », dans le film de Michel Audiard “Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages” : « Pour moi, la Rosemonde et sa bande de gouines, c’est rien que des grosses prétentieuses, des insolentes. Je dirais même des personnes malsaines. » Après tout, il n’est pas impossible que ces militantes en transe ultra-violente ne soient en réalité que des affabulatrices, des trouillardes et des crâneuses profitant des circonstances pour se vanter et se faire plus méchantes qu’elles ne sont, allez savoir ! Ce qui n’enlève rien au caractère malsain de leurs délires.

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[1] https://www.streetpress.com/sujet/1728313380-militants-garde-vue-arrestations-violence-manifestants-dedicaces-editeur-extreme-droite-magnus-papacito-stern-moutot

[2] https://paris-luttes.info/trans-ultra-violence-18736

Signé André Juillard

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© Blake & Mortimer - Tome 30

La parution dans quelques jours du 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’annonce d’ores et déjà comme l’événement BD de l’année. Il est l’œuvre du scénariste Yves Sente et du dessinateur André Juillard, héritier de la ligne claire, qui nous a quittés l’été dernier. Son trait à l’élégance sentimentale a marqué le 9ème art en renouvelant l’esthétique féminine…


Il arrive jeudi ; dans quatre jours, il va déferler sur les librairies de France. Vous ne pourrez y échapper, Old Chap ! Les romans de la rentrée littéraire n’y survivront pas. Ils ne font pas le poids face à cette locomotive de l’édition. En obélisque ou en pyramide, Signé Olrik, le 30ème album des aventures de Blake et Mortimer s’érigera en numéro 1 des ventes jusqu’à Noël. Le monde du livre est tributaire de son plan de conquête commerciale. C’est lui, 62 pages seulement, qui draine les foules, et non l’autofiction faisandée de quelques auteurs en mal d’amour-propre. 

Réalisme non réducteur

Le public veut du style et des uniformes, se perdre dans les paysages brumeux des Cornouailles et sonder le mystère celte. Et puis, nous sommes curieux de connaître la destinée chaotique d’Olrik, notre méchant préféré à fine moustache, sachant fumer avec un porte-cigarette et piloter un Espadon. Cette sortie est aussi l’occasion d’évoquer le dessinateur et scénariste André Juillard (1948 – 2024), auvergnat né à Paris expatrié en Bretagne, disparu en plein cœur de l’été, dont l’œuvre charnelle court sur une cinquante d’années. Dans la revue Casemate (octobre 2024), Yves Sente a trouvé les mots justes pour se souvenir de son compagnon de travail : « André, c’était quelqu’un ». Tout est dit. Intimidant et fraternel. Un grand professionnel à la technique irréprochable et un artiste à l’érotisme chaste. Un auteur majeur de la bande-dessinée reconnaissable à sa puissance d’évocation et à son réalisme non réducteur. Ce chantre de la ligne claire qui ne veut pas dire transparence béate s’est servi justement de sa pureté pour ouvrir d’autres dimensions, d’autres trappes émotionnelles, d’autres infra-mondes intérieurs. Avec Juillard, on est d’abord séduit par la beauté des planches, leur harmonieuse composition, leur lumineux éclat et puis, l’imagination se met à cavaler, elle ne s’arrêtera plus. 

A lire aussi, Jean-Baptiste Noé: Olrik: quand la fiction retrouve le XXe siècle

On pourrait croire qu’une telle maîtrise est un frein à la fiction, que le cadrage et la précision anesthésient le regard, que les détails masquent les élans ; au contraire, le talent de Juillard est de faire naître l’émoi dans la rigueur, la folle passion dans un décor d’apparence académique mais recélant mille anfractuosités. Le Grand Prix 1996 de la ville d’Angoulême n’était pas un dilettante du crayon, il ne croyait pas au don inné. Le travail aura guidé sa main. Seules des heures et encore des heures passées à son atelier et ces gestes sans cesse répétés auront été la condition minimale pour construire une œuvre. « J’ai besoin de dessiner tous les jours » disait-il, même s’il trouvait très ennuyeux de dessiner des trains ou des scènes de repas.  Juillard, fortement marqué dans sa jeunesse par l’art grec puis égyptien, se fit connaître dans la BD historique avec notamment Les 7 vies de l’Épervier, puis la série Blake et Mortimer le propulsera au rang de valeurs sûres du métier. Il était l’égal de Moebius, Giraud ou Druillet. Un illustrateur reconnu dans la presse, un dessinateur au succès populaire et un artiste côté dans les galeries. Tous les ingrédients pour enflammer durablement les collectionneurs.  C’est à l’âge de vingt ans que ma génération l’a découvert avec Le Cahier bleu publié à partir de 1993 dans la revue A suivre. Il en était le scénariste et le dessinateur. Nous avons eu alors un choc esthétique et nous sommes tombés amoureux de ces héroïnes aux cheveux courts dont le regard pénétrant ne nous laissait pas indifférent. 

Carnets secrets…

Il aura renouvelé l’esthétique féminine en abordant un territoire peu foulé par ses homologues masculins, une forme de désir contenu, de sensualité abrasive et cependant intimidante, peut-être, fut-il dans son expression picturale, celui qui s’approcha le plus près de l’impossible définition du charme. Juillard le prouva, par la suite, dans ses Carnets secrets 2004 – 2020 publiés chez Daniel Maghen qui sont sa pièce maîtresse.

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Recherche inconnue désespérément

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L'éditrice et romancière Anne-Sophie Stefanini © Dorian Prost

Mystères au Cameroun…


Ça commence par une phrase qui pourrait paraître anodine: « Une femme a disparu et tout le monde la cherche. » Elle va pourtant entraîner la narratrice, Constance, dans un labyrinthe complexe où la fiction chevauche la réalité, sans que l’on sache vraiment si le fil de la narration conduit à la vérité. Constance a 17 ans lorsqu’elle découvre la capitale du Cameroun, Yaoundé, ville sans feux rouges, mais aux sept collines et à l’atmosphère moite, admirablement décrite par Anne-Sophie Stefanini, romancière et éditrice parisienne. « Les images de la ville se succédaient et la lumière orange des lampadaires au sodium créait un brouillard magique », écrit-elle avec la précision digne d’André Gide, l’écrivain attiré par l’Afrique.

Coup de foudre à Yaoundé

Nous sommes au début des années 2000. Constance est lycéenne, elle flotte dans ses habits trop grands pour sa silhouette. Elle est à Yaoundé parce qu’elle a dit à sa prof de français qu’elle voulait voyager et écrire. Comme son lycée invitait une jeune Camerounaise à venir deux mois à Paris, l’échange fut donc possible. À la fin du voyage, Constance rédigera un texte qui sera publié dans le journal des élèves. Un homme de dix ans son aîné, Jean-Martial, l’attend à l’aéroport. Elle en tombe amoureuse. Déambulation dans la ville, la nuit, danse dans des cafés révolutionnaires ; découverte d’un quartier populaire, Biyem-Assi, de la maison de Jean-Martial, de l’odeur d’un frangipanier ; connaissance de l’histoire violente de la décolonisation du pays. On fumaille, on boit des bières. Le décor est planté. Il restera pour toujours dans la tête de la jeune fille.

On pourrait en rester là. Mais Jean-Martial lui parle d’une professeure qui a disparu et qu’il admirait, et même peut-être davantage. Communiste, elle soutenait la révolte des étudiants. Constance écoute. Un roman nait en elle. Elle ne le sait pas encore. Jean-Martial l’envoûte. Ce n’est pas un garçon comme les autres. Il dit : « Je ne suis pas un enfant des rues, je n’ai pas traîné dehors, j’ai passé mon temps à lire, protégé par des barrières. » Il ment. Elle le découvrira plus tard, à ses dépens. Comme l’inconnue, Jean-Martial finit par disparaitre à son tour. Les mails de Constance restent sans réponse.

Rebondissements

Vingt-ans après, mère d’un petit Ruben, enseignante, elle revient à Yaoundé pour présenter son roman où il est question de l’inconnue rebelle qui a disparu. Elle a fini par imaginer sa vie. Mais la fiction correspond-elle à la réalité ? Elle prévient Jean-Martial de sa venue. Le silence, toujours, pour réponse. Constance rencontre de nouvelles personnes – j’ai failli écrire de nouveaux personnages. Terence, un journaliste ayant étudié en France, l’invite à enquêter sur la disparition de l’inconnue. Il faut mettre un point final à l’histoire. Dans son dialogue imaginaire avec Jean-Martial, Constance avoue : « Si je ne la retrouvais pas, je renonçais aussi à te retrouver. » Anne-Sophie Stefanini signe un quatrième roman maîtrisé. Même si l’intrigue exige parfois une concentration monacale, car les rebondissements ne manquent pas, tout se tient.

En refermant le livre, j’ai pensé à la phrase de Duras dans Hiroshima mon amour : « Cette ville était faite à la taille de l’amour. » Comme Yaoundé.

Anne-Sophie Stefanini, Une femme a disparu, Stock. 240 pages

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Anatole France, une question de lecture

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Anatole France (1844-1924). Photo DR.

Il y a cent ans mourait le prix Nobel de littérature 1921. Le nouvel essai que lui consacre Guillaume Metayer démontre que son étiquette d’écrivain néoclassique lui a été collée par ses lecteurs nationalistes.


Il y a 100 ans mourait le prix Nobel de littérature 1921. Une biographie et un essai – à propos de l’appropriation « nationaliste » de son œuvre – permettent un diagnostic : le « Cadavre » (dixit les surréalistes) bouge encore.

On passera assez vite sur la biographie de Henriette Chardak : elle est copieuse, enlevée, personnelle (le ton) et apporte tous les détails souhaités à qui voudrait les connaître. Elle intègre naturellement la bibliothèque – rayon « Références ».

On s’attardera plus sur l’essai de Guillaume Métayer, qui a beaucoup d’audace, voire de témérité. Jugez vous-même : Anatole France (1844-1924) ET le nationalisme littéraire (sujets de son livre) – on fait plus « glamour » (a priori, évidemment).

Anatole France et le nationalisme littéraire sont deux points aveugles de la critique contemporaine – à tort. Et comme Métayer connaît son sujet par cœur, il expose clairement les tendances nostalgiques de France, son écriture et ses idées en partie néo-classiques, sa posture sceptique face aux excès de la Révolution française (à distance, donc, du mythe révolutionnaire), son passage par le boulangisme qui en fait un presque « précurseur du nationalisme » (« presque » seulement, et Métayer désamorce le « piège »), son conflit avec les catholiques intransigeants (Massis), etc.

Son livre érudit a un seul défaut : son côté « universitaire » qui, parfois, rend la lecture un peu laborieuse. Voire répétitive. Exemples ?
« La critique de la Révolution française », on la lit dans la partie qui lui est consacrée ET dans le sous-chapitre intitulé « Anatole France et le mythe de la Révolution Française ».
« Le culte de l’Antiquité, une tradition française », on en trouve de larges échos dans « La tradition selon Anatole France ».

En outre, comme la confrontation des idées et des engagements de France avec ceux de Barrès, Jules Lemaître, Bourget, Gyp, Maurras, voire Gonzague Truc et Massis (rôle important du catholique Massis dans une certaine prise de distance avec le sceptique France), « achoppe » souvent sur les mêmes points (nationalisme, tradition, catholicisme, scepticisme), on se trouve à « relire » tel développement sur la tradition, ou sur le scepticisme ondoyant de France. Seul argument qui justifie les redites : si les thèmes et les notes sont repris, les interprètes diffèrent : Maurras, Barrès, Lemaître, Massis, Bernanos, etc.
D’aucuns pourront se repaître de la lecture de ces textes, peu accessibles pour certains. Mérite de Métayer donc : nous permettre de les lire.

Sa conclusion ? « C’est dans cette réception nationaliste d’Anatole France que se cache sans doute l’un des plus puissants mobiles de l’oubli dont l’écrivain a été victime depuis des décennies ». En clair : la « lecture » de cette droite nationaliste littéraire a en partie conditionné la réception première de France et contribué, en dépit de son évolution politique ultérieure (vers le socialisme), à en fixer la lecture, à le figer dans la statue du « grand écrivain français néo-classique » – que ne manqueront pas de dégommer les surréalistes.

Coda – quant à son socialisme ultime. Métayer en signale le paradoxe et l’ironie : « les circonvolutions du scepticisme francien ne l’ont pas empêché de soutenir les débuts de l’un des plus terribles totalitarismes, dont il avait pourtant dépeint par avance à merveille la matrice sanguinaire dans Les Dieux ont soif et même délivré l’antidote ».


À lire

Anatole France et le nationalisme littéraire : scepticisme et tradition, de Guillaume Métayer, Le Félin, 2024.

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Anatole France, une résurrection, d’Henriette Chardak, Le Passeur, 2024.

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Les Dieux ont soif, d’Anatole France, (préf. Guillaume Métayer), Calmann-Lévy (éditeur historique de France), 2024.*

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À signaler, la réédition d’une rareté : Alfred de Vigny, d’Anatole France. Assortie d’une préface d’une érudition sèche, sans ornements – sa signature – de Michel Mourlet – France-Univers, 122p.

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École: ce n’est plus le Moyen Âge!

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Saint Augustin enseignant la rhétorique à Carthage, Ottaviano Nelli, xve siècle © Bridgeman Images

Une exposition sans prétentions spectaculaires nous apprend que nous devons beaucoup à l’école du Moyen Âge : l’intérêt porté à l’enfant, l’explication de texte, l’apprentissage du par cœur… Autant de méthodes qui ont permis la transmission du savoir des siècles durant. Alors que le Moyen Âge est, chez les Béotiens, synonyme d’obscurantisme, peut-être a-t-il quelque chose à nous apprendre.


La vidéo d’une petite fille de 3 ans frappée et humiliée en classe par sa maîtresse le mois dernier a donné à voir une version assez originale du fameux « Choc des savoirs » annoncé en grande pompe en octobre 2023 par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, pour « élever le niveau de notre école ». Le choc, pour cette fillette, n’a visiblement pas été celui des savoirs. Quant à l’école, TikTokisée en cette brève séquence devenue follement médiatique – à l’inverse des courtes vidéos tout aussi édifiantes réalisées en plein cours par bon nombre de collégiens dans le dos de leurs professeurs, mais que l’on ne voit pas tourner en boucle sur les chaînes d’information –, elle a déserté le terrain pourtant fécond du baratin politico-administratif pour rejoindre celui, non moins fertile, du bla-bla émotionnel.

Le vocabulaire mi-martial (« la bataille des savoirs commence par l’exigence »), mi-tragique (« lutter contre les inégalités de destin ») et globalement incompréhensible (« les compétences psychosociales ») du « Choc des savoirs » s’est heurté à la torgnole d’une institutrice de l’Éducation nationale apparemment assez peu au point sur ses propres compétences psychosociales. Torgnole qui a indigné – à raison – la terre entière. On se serait toutefois passé du ton véhément de ces figures d’habitude si promptes à pontifier sur la femme-en-rupture-de-ban-avec-le-dictat-de-la-maternité mais qui, vu les circonstances, nous ont asséné du « moi qui suis maman de trois enfants » à longueur de plateaux de télévision.

Soyons clairs : dans un pays qui a décidé d’envoyer sa progéniture à l’école dès l’âge de 3 ans, la maternelle est un subtil mélange d’élevage, d’éducation et d’instruction. Dans le bruit et une agitation de basse-cour, entre les colères et les chagrins, les pipis inopinés des uns et les vomis improvisés des autres, les professeurs de la petite école réalisent un grand et noble travail : faire passer de très jeunes enfants du gros gribouillage hallucinatoire, du dessin sans queue ni tête, (presque) invariablement répété d’une feuille sur l’autre, à la petite lettre d’un alphabet commun, maladroitement formée et posée en équilibre précaire sur une ligne imaginaire comme une promesse d’écriture à venir. Contre toute attente, c’est entre le jeu de dînette, les chansonnettes entonnées sans conviction sur un banc, le découpage de papier crépon et le récit décousu d’une journée minuscule que notre civilisation prend forme.

Ce métier, celui de maître d’école, est à l’honneur à la tour Jean-sans-Peur, dans le 2e arrondissement de Paris. Certains ayant parlé, à l’occasion de la raclée de septembre, de pratiques éducatives d’un autre âge et d’un autre temps, « L’école au Moyen Âge » est, par comparaison et sur ce thème de l’instruction, une petite exposition bien intéressante. Encore qu’on puisse se demander si l’époque médiévale est toujours d’un autre âge et d’un autre temps, vu qu’aujourd’hui l’école choisit de plaquer sur cette période de mille ans les obsessions sociétales des dix dernières années. Des exercices de collège, en 2024, proposent ainsi de trouver des métiers dans le Paris du xive siècle qui plaisent (sic) à deux frères et leur sœur (cette dernière « craignant de n’être acceptée nulle part parce qu’elle est une fille »), de chercher « les raisons pour lesquelles on ne connaît pas beaucoup de femmes chevaliers », et de « donner son avis sur la manière de tomber amoureux dans les romans de chevalerie ». On ne change vraiment d’époque que lorsqu’on lit la liste des mots qu’un collégien est censé ignorer et qui nécessitent une explication : le mors d’un cheval, vermeil, se signer, le Credo, en font partie. On serait presque tenté, pour une fois, d’écouter l’éminent médiéviste Patrick Boucheron parler de manuels scolaires « désespérants ». Mais ils ne sont désespérants pour lui que dans la mesure où ils continuent à cultiver l’héroïsme des grands commencements, à parler de cathédrales et de châteaux forts et non de révolte ou de joyeuse profanation.

L’exposition de la tour Jean-sans-Peur n’est pas éblouissante. Rien d’immersif, pas de parcours sonore ou olfactif, pas de reconstitution de l’ambiance d’une salle de classe au xiie siècle. Juste une série de panneaux sur des thèmes liés à l’instruction : « Alphabétisation », « Scolarisation », « Outils pédagogiques », « Maîtres et Élèves », « Établissements scolaires », « Salles de classe », « Programmes scolaires », « Apprendre à écrire, à compter, à chanter », etc. Des premières écoles monastiques à la centaine d’écoles parisiennes du xve siècle, en passant par l’ordonnance de Charlemagne (789), on se fait une idée de ce qu’ont pu être l’instruction et l’apprentissage au fil des siècles. Bien peu d’écoliers maîtrisaient les Arts libéraux (grammaire, logique, rhétorique, arithmétique, géométrie, musique et astronomie). Seul un petit nombre d’entre eux allait à l’université, mais tous acquéraient, à partir de 7 ans, la maîtrise de savoirs devenus indispensables dans une société marchande comme l’était la société féodale médiévale : il fallait pouvoir noter les dettes des clients, vérifier les comptes du domaine ou de la boutique, compter son bétail.

Le maître d’école devait, lui, passer par l’université et y obtenir l’autorisation d’enseigner (la licence). Il était (déjà) peu rémunéré, mais son arrivée était vécue comme une chance par les habitants, qui lui offraient parfois un habit neuf ou des provisions. À part la chaire, les salles de classe étaient peu meublées, les bancs ne faisant leur apparition qu’à la fin du Moyen Âge : les élèves s’asseyaient sur de la paille ou de petits tabourets. Les livres étaient rares, car ils coûtaient cher, l’équivalent d’un troupeau. Quant au papier, il était trop onéreux pour qu’on puisse y former ses premières lettres : on gribouillait sur de l’écorce, des palettes de bois chaulées ou des tablettes cirées. On apprenait à lire dans la Bible, avant que ne viennent s’ajouter, tardivement, les fables et les romans de chevalerie. Les élèves étaient généralement punis à coups de badine de bouleau sur la tête, les mains ou le visage en cas de manquement à la discipline : interdiction de parler, de ricaner, de courir, de se suspendre aux cloches ou de s’enfuir (sauf en cas de peste). À partir du xie siècle toutefois, les éducateurs partisans de la méthode douce interdirent de blesser les enfants jusqu’au sang ou de leur casser un membre. On devait se lever au passage d’un ancien, réciter le psautier et recopier des formules toutes faites – « Je m’appelle untel. Je suis un bon garçon, Dien m’aime » – formules auxquelles s’ajoutaient parfois des réflexions plus personnelles : « Untel et untel sont de méchants garçons. »

Voici, en gros, l’école d’un autre âge et d’un autre temps. On est loin des tableaux blancs interactifs, des tables en U, du collège unique et de la fac pour tous, du bureau du maître à même hauteur que ceux des élèves (à défaut de pouvoir l’installer un peu plus bas encore), des manuels scolaires labellisés et des cours d’empathie. Nous devons pourtant beaucoup à l’école du Moyen Âge. Nous lui devons l’intérêt porté à l’enfant, contrairement à l’Antiquité qui considérait que « la seule justification de l’enfance était de se dépasser et de conduire à l’homme fait », comme l’a montré Henri-Irénée Marrou dans sa magistrale Histoire de l’éducation dans l’Antiquité. Nous lui devons d’avoir donné du prix à la mémoire, en ritualisant le par cœur à travers la récitation à voix haute des psaumes, ce par cœur tant décrié par les humanistes du xvie siècle, mais dont George Steiner aimait à rappeler qu’il était avant tout un apprentissage par le cœur. Nous lui devons encore l’explication de texte au bac de français, héritage des lectures commentées des maîtres carolingiens, cette glose qui passait par les mots et la grammaire du texte pour accéder à son sens général et l’intention de son auteur : « Toi qui fouilles les écrits de Virgile sans les commenter, tu ne rongeras que la seule écorce sans goûter la noix. » (Maître Egbert de Liège cité par l’historien Pierre Riché). À l’heure de la « règle Mbappé », moyen mnémotechnique employé par certains professeurs pour que les élèves de primaire n’oublient pas que le n devient m devant les consonnes m, b et p, à l’heure des poésies laborieusement apprises strophe par strophe sur une dizaine de jours, du passé simple récité sans les deux premières personnes et des QCM de littérature, il n’est peut-être pas inutile de se souvenir du Moyen Âge autrement que comme d’un millénaire obscurantiste plein de moines pérorant férule à la main.

Comme dirait Christine de Pizan (1364-1430) dont la statue dorée ne dit pas grand-chose à grand monde, mais qui fut présentée lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques Paris 2024 comme une star médiévale du féminisme : on n’a bien souvent que les résidus des héritages qui nous reviennent.


À voir

« L’école au Moyen Âge », exposition à la tour Jean-sans-Peur, jusqu’au 5 janvier 2025.

À lire

Henri-Irénée Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, 1948.

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Pierre Riché, L’Enseignement au Moyen Âge, CNRS éditions, 2016.

L'Enseignement au Moyen Age

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Une girouette nommée Zineb

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Zineb El Rhazoui, Versailles, 18 juillet 2022 © Abd Rabbo-POOL/SIPA

La journaliste franco-marocaine, ancienne de Charlie Hebdo, est passée du statut de lanceuse d’alerte contre l’islamisme à défenseuse des pogroms en Israël. Elle fait l’objet d’une enquête pour «apologie du terrorisme».


Il est parfois lourd de nuages sombres, le vent qui fait tourner la girouette…

Elle se nomme Zineb El Rhazoui. Dieu sait que nous l’avons portée aux nues lorsque, voilà quelques années, elle savait mieux que personne nous mettre en garde, nous l’Occident, contre l’expansionnisme islamiste, ses menées, ses réseaux, ses ruses, ses pièges. Elle parlait. On l’écoutait, on l’admirait pour son courage, on saluait en elle une lucidité qui faisait tellement défaut à notre intelligentsia, à nos élites. Faut-il avouer que la part de séduction n’était pas mince dans l’intérêt qu’elle suscitait ? Un phrasé n’appartenant qu’à elle, identifiable entre tous, rehaussé d’une subtile pointe d’accent d’Orient. Une diction aussi claire que la pensée exprimée. Une dialectique parfaitement maîtrisée, ornée de la juste dose d’érudition, de culture européenne et orientale qui, subtilement, en impose sans jamais écraser. Avec cela, une charmante présence à l’écran. Nous tenions l’oracle à la parole d’or. Je me souviens de commentateurs qui n’hésitaient pas à évoquer une parenté, sur les plans de la témérité, de l’audace, de la clairvoyance, avec notre Jeanne d’Arc…

Curieux personnage

Une Jeanne d’Arc qui aurait fait volte-face et changé de bannière. L’oriflamme que Zineb el Rhazoui brandit haut aujourd’hui semble aujourd’hui être celle de l’islamisme conquérant, de préférence dans ses prolongements terroristes. Découvrant cette mue des plus inattendues, nous sommes tombés de haut. Il est vrai que nous ignorions à peu près tout de ce qu’est vraiment cette femme.

Très opportunément, une enquête du Figaro signée Paul Sugy[1] nous apporte l’éclairage qui nous manquait, tant sur sa personnalité, que sur son parcours et ses véritables convictions.

Étrange personnage. Une diva, en fait, qui aurait trouvé son rôle magistral non dans l’art lyrique mais dans la croisade politique. Une ancienne camarade livre dans l’article ce portait assez surprenant : « Dès qu’elle est arrivée en France elle a débarqué comme une rock star, avec ses grands manteaux et ses lunettes Gucci. Elle avait quelque chose en plus des autres, elle était drôle, cultivée, elle avait une histoire d’amour marrante avec un chef touareg, elle était touchante et libre, elle racontait sans pudeur ses avortements à Charb. Elle était un personnage ! »

A lire aussi, Elisabeth Lévy: Annus horribilis

Charb, de Charlie Hebdo, bien sûr. Elle y collabore. En diva. Notes de frais à l’avenant, présence aléatoire, colères tonitruantes. Il semble que, pour ces motifs, elle n’y aurait pas fait long feu. Or, survient la tuerie, le massacre des frères Kouachi. Les rafales passées, elle s’insère à la perfection dans le petit cercle des survivants, elle qui se pavanait en vacances au Maroc lors de l’attentat. En France, elle s’y trouve cependant lorsqu’il s’agit de rassembler autour d’elle une petite clique pressée de se gaver de la fortune toute soudaine du journal dont le numéro d’après l’attentat s’est vendu à 8 millions d’exemplaires. Le pactole. Faire de l’argent sur le cadavre de leurs amis n’arrête pas ces gens, Zineb El Rhazoui en particulier.

Le nouveau visage de Zineb El Rhazoui

Suit une période conjugale avec un banquier de chez Rothschild en charge de la « finance islamique ». Installation à Dubaï. Existence sur le mode mille et une nuits. Luxe, calme, volupté. Et bistouri du chirurgien esthétique des stars pour, au passage, s’améliorer la frimousse. Il se peut que les cagnottes en lignes ouvertes pour financer sa sécurité en France, et qui continuent de courir, aient pu aider quelque peu à ces rafistolages dispendieux. À ce moment-là, il semblerait qu’elle se consacre aussi à une passion de toujours, la peinture. Son registre préféré dans ce domaine, nous apprend Paul Sugy, l’autoportrait. On s’en serait douté. Narcissique un jour…

La barbarie terroriste du 7-Octobre perpétrée par le Hamas en Israël l’extirpe de cette forme de somnolence idéologique. Plus exactement, c’est la riposte inévitable d’Israël qui lui fait reprendre l’étendard de la lutte. La lutte pro-islamiste désormais. Israël qu’elle considère être un état colonial et « génocidaire ». Un « Daech qui a réussi », ose-t-elle toute honte bue.

Elle ne condamne évidemment pas les massacres du 7-Octobre qui sont pour elle « un acte de résistance et de désespoir ». Cela lui vaut d’ailleurs, à l’initiative du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau – qui fut jadis l’un de ses plus ardents soutiens – l’ouverture d’une enquête pour « apologie du terrorisme ». Cela au grand dam, on s’en doute, de nos médias d’insalubrité publique qui, on peut le supposer, s’apprêtent à dérouler sous les pieds de la malheureuse victime le tapis rouge qui convient afin qu’elle puisse de nouveau dérouler sa dialectique si bien huilée. L’article en donne un aperçu. N’a-t-elle pas le front de déclarer, en effet, s’efforçant de rejeter toute accusation d’opportunisme ou de trahison : « Je n’ai pas hésité à faire mon devoir en dénonçant le terrorisme islamiste lorsqu’il a frappé notre pays. C’est au nom du même principe que je dénonce la dérive sanguinaire du gouvernement israélien. » Est-il seulement besoin de commenter l’obscénité de cette mise en parallèle ?

Vent mauvais

Girouette : sert à indiquer la direction du vent, écrivais-je en commençant. Il me semble que derrière la volte-face stupéfiante de cette femme, de ce personnage singulier à la psychologie manifestement complexe, erratique, se profile une tendance que je me permettrais de qualifier de lourde. Lourde par sa puissance quasi souterraine, et lourde, pesante, par la décrépitude morale qu’elle traduit.

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Le revirement de Zineb El Rhazoui s’inscrit dans le vent mauvais qui s’immisce chez nous depuis une année à présent, notamment chez les élites, les gens qui sont au sommet. La riposte d’Israël après la tentative exterminatrice du 7-Octobre n’a pas eu d’effet « libérateur » que chez cette militante, elle a aussi ouvert chez nous, en grand, les vannes aux eaux encore dormantes et toujours fétides d’un antisémitisme mal maquillé en antisionisme. Cela en soi est terrifiant. Révoltant au plus haut point. L’histoire nous a pourtant appris, et pas seulement celle du vingtième siècle, ce sur quoi débouche le flux de ces eaux-là lorsqu’il devient crue. La sauvagerie totalitaire, la dictature obscurantiste, voilà où cela mène inexorablement.

Cette musique antisémite en contrepoint du chant antisioniste on l’entend ces jours-ci dans la bouche des Villepin, des Kouchner et d’autres aussi. Mais le grand et beau ténor, le virtuose en la matière n’est autre – quel chagrin de devoir écrire cela ! – que le président de la République. Notre président de notre République. À l’unisson avec une Zineb El Rhazoui, voilà qu’il va jusque’à imputer à l’Etat d’Israël – démocratie alliée et amie de la France, me semble-t-il – le recours à la barbarie ! Pire encore, il y a ces propos que, comme si souvent avec le personnage il convient de ranger dans la catégorie amusante mais lassante du « j’ai pas dit ce que j’ai dit et on n’a pas à dire pour moi ce que j’ai dit quand je dis que je ne l’ai pas dit. » Ces défenses sont d’une puérilité consternante. Elles sont surtout l’accablante expression d’un intellect à la dérive. Rappelons ces propos : « M. Netanyahou ne doit pas oublier que son pays a été créé par une décision de l’ONU. » Comment ne pas entrevoir derrière ces mots une menace ? Menace à peine voilée dont la traduction en clair pourrait être : « M. Netanyahou ne doit pas oublier que ce qu’une décision de l’ONU a fait, une autre décision de l’ONU peut le défaire. »

En réalité, c’est la montée en puissance de ce vent-là, porteur de l’idée d’une disparition à terme de l’État d’Israël, que nous indique la volte-face, finalement moins sidérante qu’il n’y paraît, de Zineb El Rhazoui. Il s’agit de bien autre chose que d’un caprice de diva, d’une foucade de passionaria égarée. Aussi, ne nous faisons aucune illusion. Lorsqu’elle viendra déployer ses talents dans ce registre chez nous, en France, il y aura du monde pour applaudir. Y compris – et peut-être même surtout – du beau monde.

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[1] https://www.lefigaro.fr/actualite-france/elle-a-vrille-comment-zineb-el-rhazoui-est-passee-d-icone-laique-a-avocate-du-hamas-20241024

Tant qu’il y aura des films

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Benoît Poelvoorde et François Damiens © Laurent Thurin-Nal

Un acteur en majesté, un polar bourguignon gouleyant et une merveilleuse reprise, c’est le tiercé gagnant et francophone d’un mois de cinéma polyphonique comme il se doit.


Art brut

L’Art d’être heureux, de Stefan Liberski

Sortie le 30 octobre

Le film pourrait s’appeler L’Art d’être Benoît Poelvoorde et tiendrait ainsi sa promesse. Il s’intitule plus platement L’Art d’être heureux, mais on ne lui en veut pas car, justement, brille en son centre un acteur-roi, un phénomène d’écran dont chaque apparition relève du funambulisme détraqué : au fil des scénarios et des réalisateurs, ça passe ou ça casse, ça frise le génie pur ou ça s’écrase dans le cabotinage. On dit Poelvoorde « fragile » (euphémisme) en dehors des plateaux, en feignant de croire qu’il est « fort » quand on dit « Action ! » (« Pourquoi faire ? » dixit Depardieu). C’est cette éventuelle faiblesse qui rend son jeu improbable, imprévisible et incroyable. Depuis 1992 et l’iconoclaste C’est arrivé près de chez vous, de Rémy Belvaux et André Bonzel, l’acteur belge alterne les tournages de films d’auteur, de comédies réussies et de pochades sans nom. Sans lui, Podium de Yann Moix ne serait qu’une épure de bonne idée. Il en est de même pour Les Randonneurs et Le Vélo de Ghislain Lambert, tous deux de Philippe Harel, comme des Convoyeurs attendent de Benoît Mariage. Il est lumineux dans Trois cœurs de Benoît Jacquot (après Depardieu, encore un « proscrit », soit dit en passant) autant que dans Normale d’Olivier Babinet. On s’en voudrait d’oublier ce qui est peut-être son meilleur rôle, sa composition la plus dingue, la plus névrotique et donc la plus enthousiasmante, dans le trop méconnu Les Portes de la gloire, réalisé par Christian Merret-Palmair en 2000 : représentant de commerce hallucinant et halluciné, il passe ses soirées à revoir Le Pont de la rivière Kwaï en se prenant pour son héros.

Le réalisateur de L’Art d’être heureux, Stefan Liberski, a manifestement vu ce film en écrivant son scénario et en imaginant le personnage joué par Poelvoorde. On ne risque pas de lui reprocher cette inspiration de haut vol. Son personnage principal, qui se nomme Jean-Yves Machond, est un « peintre mondialement méconnu et globalement malheureux qui décide de changer de vie et d’aller chercher l’inspiration dans une petite ville normande au bord de la mer », précise le synopsis. Machond offre surtout à Poelvoorde l’occasion d’ajouter un nouveau spécimen à sa collection de perdants magnifiques, de ratés flamboyants et d’abrutis géniaux. Une coupe de cheveux indescriptible, une « veste d’artiste » ridicule dans laquelle il flotte littéralement, un esprit de sérieux affligeant : en quelques traits saillants, Poelvoorde tient son personnage du début jusqu’à la fin. Il est lamentable face aux femmes comme face à l’art, la mer ou les emmerdements. Une incapacité constante, admirablement tenue, face à tout et à tout le monde. Et le voilà qui se retrouve en caleçon au bord d’une route, seul, toujours seul, ou bien dans sa maison d’architecte aussi moderne qu’inhabitable parce que, comme lui, sans fondations… Le tout sur fond d’une critique assez réjouissante des impasses de l’art contemporain radical qui ne sait plus distinguer un sexe féminin d’un hérisson. On ira jusqu’à pardonner au réalisateur, qui semble sérieusement croire à son propos sur le bonheur, de faire sombrer son film dans la mièvrerie en inventant une progéniture cachée à son héros. Poelvoorde résiste même à cela, à cet assaut final d’attendrissement niaiseux et téléphoné. Ainsi vont les génies de ce métier : Raimu, Saturnin Fabre, Darry Cowl, de Funès, Jacqueline Maillan, Jean Poiret, Michel Serrault et quelques autres acteurs et comédiens hors norme qui ont en commun une folie pure, un sens inné d’une mécanique qu’on appelle le rire. Mécanique qui, comme chacun le sait, est l’unique réponse possible à l’indépassable mélancolie.


Art noir

Quand vient l’automne, de François Ozon

Sortie le 2 octobre

Bien malin celui qui pourrait définir d’un mot ou même d’une phrase l’univers de François Ozon. Il est à lui tout seul la négation de la notion de cinéma d’auteur. Allez donc trouver le lien entre le flamboyant mélo Sous le sable, avec Cremer et Rampling, et Potiche, le tordant « boulevard » avec Deneuve et Depardieu (décidément)… Son nouveau film, Quand vient l’automne, n’échappe pas à cette « règle ». Cette fois, il nous propose un drame vénéneux en Bourgogne. Vénéneux, oui, parce qu’au centre de cette ténébreuse affaire familiale, on trouve un plat de champignons toxiques. Tout commence donc par un petit repas en famille au cours duquel une fille plutôt revêche se délecte des champignons concoctés par sa retraitée de mère. S’ensuit une histoire dont on se gardera bien de révéler ici les méandres et autres surprises surgies d’un passé sulfureux. Hélène Vincent, Josiane Balasko et Ludivine Sagnier mènent un bal parfaitement réglé.

© FOZ/FRANCE 2 CINEMA/PLAYTIME

Art d’antan

Les Disparus de Saint-Agil de Christian-Jaque

Sortie le 23 octobre

Alain Delon aimait à raconter qu’à l’âge de 14 ans, il avait fugué du domicile familial pour tenter de rejoindre les États-Unis avec son meilleur ami. Ils n’avaient pas dépassé Romorantin. Mais on se dit à l’énoncé d’un tel projet que le petit fugueur s’était peut-être inspiré d’un film vu au Régina, le cinéma paternel de Bourg-la-Reine : Les Disparus de Saint-Agil réalisé par Christian Jaque en 1938. Il aurait été séduit par les trois collégiens de la bande des « Chiche-Capon » (dont l’un est joué par Mouloudji), qui rêvent de partir pour l’Amérique… Avec Erich von Stroheim et Michel Simon à son casting, ce film est une pure merveille qui mêle très habilement film d’enfance et polar sur fond de fausse monnaie. Il s’en dégage un charme irrésistible sur lequel les années passent, donnant une nouvelle preuve que nombre de films de Christian-Jaque doivent être définitivement réhabilités, depuis ces Disparus jusqu’à Un revenant, Fanfan la Tulipe, L’Assassinat du père Noël, Boule de suif et tant d’autres.

DR

Double peine

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Capture d'écran CNews.

L’agression d’un jeune homosexuel à Pantin par deux Algériens survient dans un contexte géopolitique précis favorisant la montée de l’antisémitisme et le passage à l’acte chez des esprits fragiles ou incultes. Au Parisien, la victime affirme qu’elle ne sait pas si elle restera en France.


Le 8 octobre dernier, à Pantin (93), Noam* était victime d’une triple agression : antisémite, homophobe et une tentative de viol par deux Algériens en situation irrégulière. Les deux agresseurs présumés ont été placés en détention provisoire. « Ce viol, parce que c’est un viol, cela fait partie de ma vie », confie la victime au Parisien. « Être juif et homosexuel en France, c’est la double peine » dit le jeune homme de 22 ans à CNews. Le Parisien relatait sa mésaventure dans son édition de vendredi :

Le 8 octobre, à 20h20, Noam rentre du travail et va au tabac s’acheter des cigarettes, quand il est abordé par deux inconnus qui lui réclament « une clope ». L’un est assez jeune, l’autre, juste un peu plus vieux, semble zoner sur les bords du canal. Les caméras filmeront ces deux hommes, qui n’ont cessé d’importuner les passants. Noam finit par céder et leur tend son paquet. Puis ils le poussent à l’écart. Ils font défiler son compte Instagram et tombent sur le drapeau d’Israël. Les massacres du Hamas ont juste un an. Noam a écrit une story. Puis apparaît un autre symbole aux couleurs arc-en-ciel de la communauté LGBT. À partir de là, les deux hommes partent en vrille, éructent des « sale pédé » et « sale juif ». Toujours sous le choc, Noam affirme qu’il était la « cible parfaite » parce que gay et juif.

Une ligne de téléphone consacrée à l’écoute de plaignants de ce genre d’affaire enregistre une dizaine d’appels par jour. L’histoire de Noam représente un nouveau type d’agression d’après ses avocats : « un schéma d’agression se met en place pour exprimer une volonté de souiller et d’humilier les victimes ».

Comme d’autres Français, mais de façon encore plus fréquente, des élèves juifs subissent du harcèlement et des persécutions à caractère antisémite dans les écoles, des juifs de tous âges sont agressés et violentés dans les rues et les transports en commun.  De plus en plus, ce sont des personnes en situation irrégulière et sous obligation de quitter le territoire qui blessent, violent et tuent. Ces délinquants, partis d’outre Méditerranée pour trouver une terre d’accueil dans un pays plus laxiste envers leurs dérèglements et délits que leur pays d’origine sont les auteurs d’une grande partie des agressions que subissent nos concitoyens et en particulier les juifs depuis le 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza.

Qui est responsable de cette situation qui ne fait que s’aggraver ? Bien sûr l’inaction des politiques, voulue ou non, face à l’immigration de masse, contribue de façon significative à augmenter le nombre de populations connues pour leur antisémitisme viscéral, mais c’est aussi dans la population française d’origine, et spécifiquement dans ses élites cultivées que se développe aujourd’hui un antisémitisme qui ne veut pas dire son nom.

Ainsi, Emmanuel Macron, en déclarant que la guerre menée par Israël contre le Hezbollah relève de la barbarie, met de l’huile sur le feu antisémite. Chacun sait désormais le lien qui est fait dans les banlieues entre les événements dramatiques du Proche-Orient et le sort des juifs en France. Cette affirmation du président de la République témoigne d’un contexte géopolitique général qui attribue à Israël la seule responsabilité du désastre actuel à Gaza et au Liban.

En France, l’antisémitisme qui se taisait dans notre pays depuis 1945 a repris vigueur par la grâce d’un antisionisme rabique qui n’est pas uniquement le fait de la France insoumise. La diabolisation des Israéliens et de leur Premier ministre par une partie de l’opinion publique, celle qui a été éduquée dans les universités de la République, désormais envahies par une pensée wokiste aux idées courtes mais à la haine solide, donne de la nourriture intellectuelle à des personnalités incultes et possiblement fragiles qui passent aujourd’hui quotidiennement à l’acte.

Les juifs désormais sont sur le départ pour la première fois depuis longtemps. Chassés des pays arabes à la naissance de l’État juif dont l’existence est non seulement menacée mais refusée depuis toujours, les juifs sentent que leur présence en Occident est remise en question. Alors qu’Israël représentait pour les sionistes le pays qui permettrait aux juifs de ne pas dépendre du bon vouloir et des caprices sanglants de leurs maîtres, les bons esprits d’Occident, manipulés par les mensonges de la propagande islamiste, se permettent ouvertement de douter de la légitimité des actions de défense de l’Etat des juifs.

* Le jeune homme témoigne sous pseudos dans différents médias