Propos recueillis par Daoud Boughezala, Basile de Koch, Élisabeth Lévy, Gil Mihaely et Marc Cohen
Élisabeth Lévy. Trois d’entre nous ont fait campagne avec vous en 2002, et nous revoilà dix ans après ! Votre candidature à la présidentielle de 2012 nous offre l’occasion de juger ce qu’il reste de nos accords et de nos désaccords.
Commençons par une mauvaise blague : j’ai récemment vu la marionnette de Jospin aux Guignols se plaindre de votre nouvelle candidature… Vous voulez encore faire perdre la gauche, mon cher Jean-Pierre ?
Cette question est réglée depuis longtemps. Il me suffit de rappeler mes thèmes de campagne de 2002 : je pense avoir été l’un des rares hommes politiques à dénoncer l’hubris du capitalisme financier, la logique à court terme des marchés et le risque inquiétant de leur omnipotence. Souvenez-vous du discours de Vincennes (9 septembre 2001) où j’ai présenté mes orientations fondamentales, rappelant notamment que l’horizon de l’Histoire, ce n’étaient pas les marchés financiers mais les nations et les peuples. Je prônais déjà l’élargissement des missions de la Banque centrale, le redressement de l’Europe à partir des nations, la restauration d’une politique industrielle impulsée par un État stratège, sans compter quelques repères fermes dans des domaines comme l’École, l’immigration et la sécurité. La crise ouverte en 2008, et plus encore la crise de l’euro auraient dû, en bonne logique, amener les socialistes qui m’ont transformé en bouc émissaire du 21-Avril à réviser leur jugement.
ÉL. Mais c’est votre positionnement « Ni droite ni gauche » qui vous a permis de créer le « rassemblement républicain » autour de ces thèmes !
Je n’ai jamais employé cette expression « ni droite ni gauche ». J’ai dit − ce qui est tout à fait différent : « Au-dessus de la droite, au-dessus de la gauche, telles qu’elles sont devenues, il y a la République ! » J’ai levé le voile sur la collusion entre la droite et le PS. L’Acte unique, ratifié en 1986 par un gouvernement de droite avec l’appui du PS, puis le traité de Maastricht, voté en 1992 à l’initiative du PS avec le soutien de Chirac, Balladur, Giscard et Sarkozy, ont bien révélé l’allégeance commune des deux partis majoritaires au néo-libéralisme alors triomphant. Allégeance plus ou moins grimée aux couleurs de l’Europe. Ainsi, dans la même période, la gauche se détournait du peuple et la droite abandonnait la nation.[access capability= »lire_inedits »]
ÉL. Enfin, rappelez-vous, c’était « bonnet rose » et « rose bonnet » !
Non, vous apportez de l’eau au moulin de mes adversaires. J’en ai appelé beaucoup plus profondément à la République, qui se trouve bien au-dessus de la gauche et de la droite, telles qu’elles sont devenues, et qui est le seul cap susceptible de redonner du sens et une vision à l’action politique. Tout ce qui s’est passé depuis 2008 m’a malheureusement donné raison. Presque tous les dirigeants, de droite comme de gauche, se retrouvent coincés par les effets de la dérégulation à laquelle ils ont prêté la main ! J’invite donc les responsables des dégâts qu’ils déclarent aujourd’hui vouloir combattre à faire leur autocritique. Ce serait un gage de leur sincérité future.
ÉL. Je ne comprends toujours pas : pourquoi, en ce cas, continuer à vous dire de gauche ? Peut-on se réclamer d’une gauche rêvée en dénonçant la gauche réelle ?
La gauche, c’est d’abord une idée, vieille de deux siècles. Elle se définit, dès 1789, par la foi dans un nouveau départ de l’humanité fondé sur la raison, sur l’égalité des hommes et sur la citoyenneté. Ce sont des valeurs universelles qui vont à l’encontre de la fixité des origines et des valeurs de l’Ancien Régime, l’inégalité des hommes assignés à un ordre, la tradition et le privilège garantis par le droit divin. En même temps, je sais très bien que la France a existé avant la République. Dans La France est-elle finie ?, je rappelle que la France a été la matrice de la République, que l’Édit de Nantes a précédé la liberté de conscience affirmée par la Révolution et que, par conséquent, la France, depuis longtemps, portait en elle les valeurs républicaines. La République rompt avec l’ordre ancien qui définissait les Français par leur appartenance à tel ou tel ordre : elle ne fait pas pour autant table rase du passé. Pour moi, la République est le nom moderne de la France. C’est pourquoi il faut protéger la langue française, enseigner notre histoire telle qu’elle s’est faite depuis le partage de l’empire de Charlemagne, préserver les valeurs de transmission liées à l’École, les valeurs simples que sont la bonne éducation, la politesse, le travail bien fait, etc. Ce sont des valeurs de civilisation qui appartiennent aussi bien à la gauche qu’à la droite, et qu’il faut savoir protéger. Bref la gauche, selon moi, doit aussi veiller à la « transmission » : l’École, de ce point de vue est le meilleur exemple du redressement nécessaire.
ÉL. Peut-être voulez-vous parler de valeurs qui n’appartiennent ni à la gauche ni à la droite » …
Vous poussez le bouchon un peu loin ! Il existe encore à gauche des gens fidèles à l’héritage de la culture républicaine ! J’aimerais que la gauche tout entière se réapproprie l’héritage républicain, qu’elle ferme cette parenthèse « libérale -libertaire » qui a accompagné idéologiquement son ralliement au néolibéralisme.
Gil Mihaely. Si vous appartenez toujours à cette famille politique, pourquoi n’avez-vous pas, à l’image de Jean-Michel Baylet, participé aux primaires « citoyennes » qui avaient précisément pour but de la rassembler ?
Ces primaires m’auraient mis à la merci du courant central social-libéral du PS. Les deux candidats en tête, Aubry et Hollande, diffèrent par leurs tempéraments, mais défendent une ligne politique voisine. J’aurais donc été en concurrence avec Montebourg, dont le score a d’ailleurs surpris beaucoup de monde. Je n’avais ni envie ni intérêt à me mettre dans cette situation qui m’aurait lié par la suite. Je suis conscient que ma candidature m’expose à tous les coups, mais cela importe peu quand on considère l’importance des enjeux. La hargne des bien-pensants et de leurs journaux est pour moi un brevet de vertu républicaine. Dans la crise gravissime que nous traversons, ma voix est plus légitime que d’autres et il est de mon devoir de la faire entendre.
G M. Si Montebourg avait remporté les primaires, vous seriez-vous présenté ?
Montebourg développe deux analyses très intéressantes, l’une sur la nécessité de reprendre le contrôle du système financier, et l’autre sur la protection de notre industrie. Il est plus évasif sur d’autres questions, par exemple sur la crise de l’euro. J’ai été l’un des rares à critiquer, en 1992, le transfert de la souveraineté monétaire de la France et des autres pays européens à un aréopage de banquiers irresponsables dont l’unique mission était de lutter contre l’inflation. J’ai refusé que l’on transpose à toute l’Europe les statuts de la Bundesbank et que l’on fasse une monnaie européenne calquée sur le mark. L’idée qu’en piquant son mark à l’Allemagne on allait corseter du même coup la puissance allemande était une idée courte. Le mark était une monnaie faite sur mesure pour l’Allemagne, pas pour la plupart des autres pays européens − dont la France ! Le constater n’est pas tomber dans la germanophobie.
GM. Faut-il comprendre que, pour vous, l’inflation ne représente pas un danger ? Les Allemands ne partagent pas ce point de vue…
Il suffit d’allumer la radio ou la télévision pour comprendre à quel point l’ignorance historique conduit certains journalistes à dire des sornettes sur les Allemands. Ce n’est pas l’inflation mais la déflation qui a conduit au nazisme. La politique du chancelier Brüning a créé 8 millions de chômeurs au début des années 1930. Si les Allemands sont traumatisés par l’inflation aujourd’hui, la confiscation de 85 % de leurs avoirs en banque au moment de la création du deutschemark par les Américains y est peut-être pour quelque chose ! Évidemment, l’inflation n’est pas aujourd’hui le principal danger (du fait de la pression exercée par les pays à très bas coût). Ce qui menace, c’est la déflation !
Basile de Koch. Vous n’avez toujours pas répondu à la question qu’Élisabeth a tenté à plusieurs reprises de vous poser sur l’obsolescence des vieux clivages… Mais ce n’est pas la première fois que vous esquivez de la sorte : c’était déjà le cas il y a dix ans ! Alors si vous pouviez répondre à cette question aujourd’hui, ça nous éviterait de vous la reposer dans dix ans…
Je dois me méfier de mes « soutiens » quand ils interprètent mal ma pensée. Mon parcours parle pour moi. Je suis un homme de gauche mais un homme de gauche indépendant, bref je suis d’abord un républicain. D’autres ont évolué en sens inverse. Nous pouvons nous retrouver sur la République et ce qu’elle signifie.
ÉL. Beaucoup de « gens de droite » vous ont rejoint en 2002 ! Je le sais, j’y ai contribué en les persuadant les uns après les autres que vous ne retourneriez pas ensuite au bercail.
Nous nous sommes très bien entendus avec beaucoup de ces républicains « venus de l’autre rive », parce qu’ils ont éprouvé ce besoin d’un dépassement nécessaire. Mais puis-je vous suggérer de ne pas vous-même « revenir au bercail » ?
BdK. Il est vrai néanmoins que l’Histoire vous a donné raison. Vous vouliez faire bouger les lignes ? Eh bien, elles bougent. Outre Montebourg, Mélenchon, Dupont-Aignan et même Marine Le Pen ont adopté les grandes lignes de votre discours économique, alors …
Vous avez raison, en gros. Sauf sur un point : la nature du Front national n’a pas changé. Il s’est développé et prospère toujours sur la xénophobie ! Quant à mon discours économique, il est trop finement argumenté pour pouvoir être repris par le premier venu …
BdK. Mais je ne vous parle pas de ça … Posons le problème autrement. En 2002, vous étiez le seul à défendre haut et fort la souveraineté budgétaire et fiscale, l’Europe confédérale redressée et le remplacement de la monnaie unique par une monnaie commune : nous vous en donnons volontiers acte. Mais, dix ans plus tard, pourquoi vouloir à tout prix n’être encore que le candidat d’une fraction minoritaire de la gauche – alors même que vos idées pourraient être l’épicentre d’un rassemblement beaucoup plus large ?
Je veux rassembler, mais pas à partir de la droite. Qu’entends-je par là ? Les idées de liberté, d’égalité et de fraternité ont été critiquées dès le départ en France par Bonald, Joseph de Maistre et, en Angleterre, par Edmund Burke, parce que leur contenu universaliste ne permettait pas, selon eux, de rendre compte des particularités humaines. Je crois, pour ma part, que tout en les comprenant, il faut dépasser les particularités. Peu importe qu’un être humain soit jaune, noir ou blanc : il est d’abord un être humain.
BdK. Vous auriez pu faire figurer les rouges dans votre énumération. Si je vous suis, même les gens de droite sont des êtres humains ?
Même eux, je ne les exclus pas du genre humain …
BdK. Je peux en tout cas vous dire que des gens de droite se réclamant de Bonald ou de Burke − dont généralement ils n’ont jamais entendu parler −je n’en connais pas…
On peut se réclamer d’idées dont on ignore qui les a professées au départ …
BdK. Connaissez-vous des électeurs de droite qui professent des thèses contre-révolutionnaires au nom de l’absolutisme et du droit divin ? En avez-vous rencontrés qui affirment que tous les hommes ne sont pas égaux ?
Il faut avoir l’oreille fine. On peut être imprégné d’une tradition idéologique sans la connaître, peut-être même sans le savoir. Il y a des préjugés et un sectarisme de droite comme il y a des préjugés et un sectarisme de gauche. Je m’en tiens également éloigné. Pour moi, le monde de l’universalisme a, sur celui des particularismes, l’avantage de la solidité. La société des identités, des communautés voire des communautarismes trouve en face d’elle l’idée républicaine, celle d’une société de citoyens. Dans une perspective séculaire, je fais confiance à la force de l’idée républicaine.
ÉL. Excusez-moi, c’est exactement le contraire ! La République est en train de s’effondrer devant les injonctions conjointes et contradictoires de « diversité » et de « métissage ». Vous devriez en parler à vos amis de gauche…
Certaines femmes et certains hommes de gauche se croient en effet « plus à gauche » parce qu’ils défendent la « différence », alors qu’ils tournent le dos aux idéaux universalistes. Au nom de la « différence », ils piétinent sans en avoir pleinement conscience l’égalité dont ils nourrissent par ailleurs les envolées lyriques de leurs discours stéréotypés. Cela dit, si l’absolutisme de la particularité est mortifère, l’universalité ne saurait être un absolu. Du reste, de même qu’il y a des différences entre Herder et Bonald, il n’y a pas eu une seule expression de l’universalisme révolutionnaire. « La Révolution est un bloc », disait Clémenceau. Force est cependant de reconnaître que, dans cette cathédrale, il y avait beaucoup de chapelles … Robespierre lui-même disait avec bon sens que Paris n’était pas la capitale du monde et que les peuples n’aimaient pas les missionnaires bottés. Ce sont les plus inconséquents des révolutionnaires, les Girondins, qui ont déclaré la guerre à l’Autriche et à la Prusse. Quant au métissage, je suis pour : y a-t-il plus belle reconnaissance de l’égalité ?
ÉL. Je me demande si l’inconséquence n’est pas parfois préférable à la certitude. Mais passons. Ne croyez-vous pas que ce qu’il y a de plus universel aujourd’hui, c’est le capitalisme ?
Le capitalisme mondialisé se fiche éperdument des valeurs. Ou plus exactement, il ne s’intéresse qu’à une seule valeur, l’argent. C’est le seul universel qu’il connaisse.
BdK. Je reviens à la charge, mon général ! Voyez-vous une quelconque filiation entre ce libéral anglais de Burke et ce patriote français de Dupont-Aignan ?
Non, Dupont-Aignan s’inscrit plutôt dans la filiation de de Gaulle.
BdK. Il sera ravi de l’apprendre ! Mais alors, son petit particule Debout la République n’appartient pas à la droite telle que vous la définissez…
De Gaulle lui-même, dont le père était dreyfusard, a compris que la devise de la France libre ne pouvait pas seulement être « Honneur et Patrie » mais aussi « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dans un magnifique discours du 22 juin 1940, il a développé l’idée que, si la France ne restait pas dans le camp de la liberté, elle cesserait d’être une grande nation. Ce pourquoi son choix n’était pas seulement celui de l’honneur, mais, plus profondément encore celui de l’intérêt national
ÉL. Mais enfin, vous êtes plus proche de Dupont-Aignan que du moins moderniste des socialistes.
J’ai beaucoup d’estime pour lui, je trouve son parcours politique intéressant. Mais comme le disait Eisenhower, les hommes sont ce qu’ils sont et Nicolas Dupont-Aignan ne vit pas dans la stratosphère : comme moi à Belfort, il doit se faire réélire à Yerres. Lui a choisi la droite, moi la gauche. Moi, j’ai choisi la meilleure : celle des ouvriers d’Alstom, de Peugeot, etc. Notez par ailleurs que je me suis toujours défini comme républicain et non comme souverainiste. Pour moi, comme pour le général de Gaulle, la souveraineté et la démocratie sont les deux faces d’une même médaille. L’affirmation de la souveraineté nationale doit aller de pair avec l’exigence démocratique, celle d’une République sociale.
BdK. Je ne lâche pas : et Péguy, il était de gauche ?
Péguy était un être complexe dont se réclament aujourd’hui à la fois la droite et la gauche.
BdK. Et alors quoi, seul Péguy a le droit d’être complexe ? Moi aussi, j’ai envie d’être complexe !
Je ne vous en empêche pas. Bien au contraire ! Qui a fait plus d’efforts que moi pour comprendre la manière dont raisonnent les gens de droite ? Je suis prêt à faire encore un effort pour vous.
BdK. Ça finit par être vexant ! C’est comme si, dans le métro chevènementiste, la première classe était réservée aux universalistes-de-gauche labellisés, tandis que les autres étaient relégués en seconde, et encore : juste le temps de leur choper leur bulletin de vote …
La droite et la gauche sont deux familles constituées de courants multiples. Lorsque je dis que je suis un homme de gauche, c’est en raison de mon parcours, de mon action et sans doute aussi de ma philosophie. Mais cette histoire ne m’empêche pas de penser librement et de tendre la main aux républicains de l’autre rive chaque fois que l’intérêt général le commande, et je pense l’avoir suffisamment démontré. En revanche, à l’exception du général de Gaulle qui a su accueillir les socialistes à Londres et les communistes pendant la Résistance, je ne vois pas beaucoup de républicains de droite qui aient emprunté la même démarche. Le programme national de la Résistance n’est pas franchement de droite, à ce que je sache ! C’est au cœur de l’épreuve que le dépassement a pu avoir lieu. Eh bien, le temps de l’épreuve est devant nous. Pour surmonter cette crise profonde, il faudra donc rassembler, et au-delà de la gauche.
ÉL. Vous appelez au rassemblement, mais vos troupes se sont bien dispersées. De Henri Guaino à l’Élysée à Éric Coquerel au Front de gauche en passant par le PS, les Verts et même le FN, les chevènementistes de 2002 se sont répartis sur tout l’échiquier politique.
Un seulement et un seul a rejoint le FN, Bertrand Dutheil de la Rochère, qui a oublié que 1789 séparait la droite de la gauche. Il a sans doute une circonstance atténuante : trop d’aïeux, de trop haut lignage… Mais vous avez raison : mon armée est petite. Comme disait Barrès, « le ventre et l’esprit se nourrissent à des sources différentes »…
ÉL. Au lieu de bondir à la simple évocation du FN, comme si l’important était de se disculper, vous devriez peut-être vous demander pourquoi des gens qui ne viennent pas de l’extrême droite ont franchi le pas. Des idiots ? Des salauds ?
Le noyau organisationnel du Front national a des racines historiques assez fétides dans la collaboration et dans l’OAS. Ceux qui le rejoignent aujourd’hui le font pour d’autres raisons, mais il est trop facile de faire de l’immigration la source de tous nos maux ! C’est un bouc émissaire facile. Enfin, il faut le redire : le Front national est, de toute façon, une impasse politique.
ÉL. Quelques mois avant de rallier le FN, au moment des grandes célébrations du 10 mai 1981, Bertrand Dutheil de la Rochère a publié sur Causeur un texte avec lequel vous seriez bien plus d’accord que moi. Il était le même homme qu’aujourd’hui, non ?
Je vous ai déjà dit − par ironie bien sûr − que je lui accordais des circonstances atténuantes, même s’il a été exclu dans l’heure du MRC − et à juste titre.
BdK. Donc, c’est moins grave qu’il ait rejoint le « noyau fétide » !
Non, c’est suicidaire.
ÉL. Mais enfin, vous voyez bien que Marine Le Pen cherche plutôt à capter les frustrés de la République que les ennemis de la République !
Vous ne pouvez pas faire comme si la fille ne procédait pas du père. Qu’elle cherche à récupérer les frustrés de la République devrait inciter les républicains à se mettre davantage à la hauteur …
BdK. En parlant de « faire barrage au FN », vous reprenez l’imprécation « antifasciste » de l’après-21 avril 2002 ?
Non ! Il n’y a jamais eu de menace fasciste dans les deux semaines qui ont suivi le 21-Avril. C’était une « manip ». Pour reconquérir l’électorat qui cède aux sirènes du Front national, il faut s’attaquer au chômage, aux inégalités, repenser l’Europe, et surtout organiser le grand retour de la République.
ÉL. Vous savez bien que ce sont aussi les ratés de l’intégration des immigrés et les difficultés d’assimilation de l’islam qui sont en cause. Croyez-vous vraiment que les gens qui sont tentés par le FN veulent sortir de l’euro ? Le mot « République » suffit-il à effacer la fragmentation géographique et culturelle des classes populaires ? Gilles Kepel a montré le poids croissant de l’appartenance musulmane dans deux villes de la banlieue parisienne. Et quand Claude Guéant propose de réduire de 10 % le flux d’immigration légale, toute votre famille si sympathiquement universaliste pousse des hurlements parce que, pour elle, le petit Blanc, prolo déclassé ou menacé de l’être, est un salopard xénophobe et rétrograde. Et votre priorité est de faire savoir à la bonne presse que vous n’avez pas succombé à la tentation lepéniste ! Vous regardez trop Canal + !
Il doit y avoir erreur sur la personne : la bonne presse et Canal+ me font rarement des fleurs et, pour ma part, je n’éprouve nul mépris pour le prolo déclassé. Revenons aux choses sérieuses. La tendance au repli communautaire s’est renforcée dans notre société de plus en plus plombée par un chômage de masse. J’ai l’impression que Gilles Kepel confond l’islamisation avec le communautarisme. Celui-ci se manifeste − il est vrai − surtout sous la forme du respect de prescriptions alimentaires et religieuses, comme la nourriture halal ou l’observation du ramadan, mais c’est sous la pression de la communauté. Si on regarde les statistiques, la fréquentation des mosquées par les musulmans en France n’est guère supérieure à celle des chrétiens dans les églises. Ce repli communautariste illustre, en réalité, la tendance à l’exclusion sociale. Il se drape dans le voile religieux, voire fondamentaliste, pour marquer son extériorité à une société jugée « impie » et que, d’ailleurs, les valeurs républicaines irriguent de moins en moins …
ÉL. L’immigration massive n’a-t-elle pas freiné le processus d’intégration ?
Il est évidemment plus difficile d’intégrer en période de crise économique. Mais on ne parle que des trains qui déraillent. J’ai rencontré, il y a peu de temps, un pneumologue d’origine algérienne qui souhaite pouvoir continuer à travailler en France ; eh bien, il m’a fallu une demi-heure pour comprendre qu’il n’était pas français, tant il s’exprimait dans un langage choisi. À long terme, je crois fondamentalement à la capacité d’intégration de la France. Bien sûr, il y a des réticences ; mais si la France s’aimait un peu plus, si on enseignait son histoire non pas comme une faillite, mais comme une somme d’efforts toujours inachevés pour faire triompher les idéaux républicains, elle intègrerait plus facilement. C’est parce que ses élites se sont détournées d’elle qu’il lui est plus difficile de « faire France » avec ses étrangers.
Daoud Boughezala. En attendant le triomphe de la Raison républicaine, on a l’impression que vous êtes tiraillé entre deux temporalités et donc entre deux logiques. Vous vous réclamez d’une gauche éternelle et d’idéaux qui n’ont rien à voir avec les dogmes du capitalisme mondialisé auxquels se soumet la gauche réelle. Donc vous êtes tenté de prôner le dépassement des clivages d’hier. Et vous ne ménagez pas vos critiques aux uns ni aux autres. Et en même temps, vous finissez toujours par vous inscrire dans cette gauche réelle, comme si l’allégeance au mythe devait obligatoirement l’emporter. Votre nouvelle mission, si je vous ai bien entendu, est de « mettre François Hollande à la hauteur des défis de la France ».
Pas plus lui qu’un autre. Sarkozy aussi, et les Français de manière générale, il faudrait les mettre à la hauteur ! D’ailleurs, Nicolas Sarkozy, sur la question monétaire, est allé dans le sens que je souhaitais en avançant la proposition d’adosser le Fonds européen de stabilité financière (FESF) aux ressources de la Banque centrale. Dommage qu’il ait retiré sa proposition ! La période historique particulière que nous traversons exige, comme pendant l’Occupation, un rassemblement républicain très large. La crise du capitalisme financier offre l’occasion de sortir de l’impasse néo-libérale et de s’unir dans l’effort de redressement de la France et de l’Europe. Ne jouons pas avec les mots : vous connaissez mon parcours. J’ai été l’un des auteurs du Programme commun de la gauche ; c’est moi que Mitterrand a chargé de rédiger le projet qui a inspiré les 110 propositions de 1981. En 1983, nos chemins ont commencé à diverger. Je ne pensais pas que nous irions jusqu’à l’application de l’Acte unique, qui a levé toutes les restrictions aux mouvements de capitaux, à l’intérieur de l’Union européenne mais aussi vis-à-vis des pays tiers ; ni jusqu’à l’abandon de la souveraineté monétaire de la France, prélude à l’abandon de la souveraineté budgétaire et fiscale − ce vers quoi M. Sarkozy nous conduit avec son projet de « nouveau traité européen ».
GM. Mais enfin, François Hollande en fera autant …
L’itinéraire de François Hollande n’est pas le mien, mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Or, François Hollande est tout saufki un imbécile. Au regard de la crise actuelle, il a besoin de préciser ses analyses et ses préconisations ; par exemple, est-il prêt à poser la question de la Banque centrale comme je le fais dans Sortir la France de l’impasse . C’était mon « plan A ». Mais il suppose l’accord de l’Allemagne. Et puis il y a le « plan B », qui est la mutation de l’euro monnaie unique en monnaie commune − c’est-à-dire en monnaie utilisée par tous les pays d’Europe pour leurs échanges extérieurs, chacun retrouvant en interne sa propre monnaie, les parités étant révisées périodiquement pour permettre de corriger les écarts de compétitivité entre pays européens. Quelle est la position de François Hollande et du PS sur ces perspectives ? Nous n’avons pas encore eu des réponses claires. Mais avec l’accélération de la crise, les lignes commencent à bouger de part et d’autre.
DB. Quoi qu’il en soit, à la fin, vous vous rallierez à François Hollande. N’avez-vous jamais l’impression de ne pas être vraiment libre ?
Vous savez tout mieux que moi ? Être libre, c’est avoir l’esprit libre. Pour le reste, toute campagne a sa logique J’ai été très content d’entendre François Hollande chanter une ode à la croissance à l’université d’été de La Rochelle, dans le bien-nommé Collège de l’Oratoire, mais je ne l’ai pas encore entendu dire par quel moyen il compte sortir de la logique de la réduction de la dette par l’austérité. C’est seulement par l’organisation de la croissance à l’échelle européenne qu’on parviendra à réduire l’endettement et les déficits.
ÉL. Emmanuel Todd affirme au contraire que toute relance dans le cadre libre-échangiste ne fera que relancer l’économie chinoise…
Comment, en effet, protéger notre industrie ? Tout d’abord, on doit substituer une perspective de croissance en Europe à la perspective de récession dans laquelle nous sommes engagés aujourd’hui à travers les plans d’austérité que Mme Merkel veut généraliser à l’ensemble du continent. Il faudrait mettre en œuvre un plan européen d’investissement et de croissance, soutenu par l’intervention de la Banque centrale. La politique de l’euro fort, de la rente et de la finance a laminé la production au détriment du monde du travail et des salariés. Nous devons impérativement restaurer notre base productive. Encore faut-il s’attaquer aux vraies causes de son érosion. L’euro est une monnaie branlante mais surévaluée de 25 % par rapport à son cours de lancement, qui s’élevait à 1,16 dollar et qui a atteint 1,60 dollar en 2008 et 1,37 dollar aujourd’hui. Comment notre industrie, handicapée par une monnaie aussi écrasante, pourrait-elle redevenir compétitive ? Cela, M. Sarkozy n’en a pas soufflé mot dans son discours de Toulon du 1er décembre. Pour ma part, je crois plus à l’efficacité de la protection monétaire qu’à la reconstitution d’un tarif extérieur commun dont ni l’Allemagne, ni la Grande-Bretagne, ni les pays européens « libéraux » ne veulent.
ÉL. Au sujet de l’intervention de la BCE et de la dette, vous savez bien que Nicolas Sarkozy s’est heurté au refus allemand. Que faut-il faire, passer au « plan C », c’est-à-dire la rupture unilatérale ?
Non, il faut instaurer un débat public européen avec tous les acteurs politiques et sociaux en Allemagne, mais aussi dans les autres pays européens. Contester les orientations monétaires de la CD-CSU, ce n’est pas de la germanophobie ! Plutôt que de ranimer des querelles franco-françaises, M. Juppé ferait mieux de s’interroger sur la meilleure manière de défendre les intérêts de la France et, j’ajoute, ceux de l’Europe.
ÉL. Vous pensez − sans doute à raison − que, pour sortir du marasme, les pays européens doivent mener des efforts concertés. Mais il faut, disiez-vous, prendre acte de la réalité. Or, la réalité c’est que, depuis des années, il n’y a pas en Europe de gouvernants prêts à aller dans la direction que vous indiquez.
Il y a des élections en France et en Italie en 2012, et en Allemagne en 2013. Notre tâche est d’organiser le débat républicain en amont de ces élections. Un débat sans tabou.
GM. Que vous inspire l’appel à la décroissance lancé par les Verts, notamment dans son articulation avec la question énergétique ?
Toutes les énergies viennent du soleil. Les énergies fossiles sont issues de la photosynthèse, les énergies renouvelables viennent, soit directement du soleil comme le solaire, le thermique ou le photovoltaïque, soit du vent lorsqu’il s’agit des éoliennes, qui lui aussi, indirectement, vient du soleil. Seul le nucléaire ne vient pas du soleil, mais de la matière. Pour la France, le nucléaire est une énergie abondante et bon marché. Il sera indéfiniment renouvelable, grâce au réacteur de quatrième génération qui fabriquera lui-même son combustible. Il est absurde que la France, qui est à l’avant-garde mondiale dans ce secteur, renonce à sa capacité de produire une énergie qui coûte 45 euros le mégawatt/heure, contre 70 euros pour le gaz, 90 euros pour l’éolien et 250 euros pour le solaire photovoltaïque. J’ajoute que l’électricité produite à partir des centrales nucléaires permet aussi de soulager le déficit de notre balance commerciale.
ÉL. D’accord, mais peut-être faut-il réfléchir au paradigme de la croissance qui érige le « toujours plus » en horizon indépassable − et à l’arrivée le « droit acquis » en dogme. Faut-il laisser cette réflexion aux adeptes de la couche lavable ?
Les pays émergents ont confiance dans leur avenir, dans leur technologie et dans leur industrie. Ils ne se posent pas la question de la décroissance, contrairement à l’Occident qui fait de « l’heuristique de la peur », théorisée par le philosophe allemand Hans Jonas, le guide de son action. Il faudra bien, cependant, prendre en compte la croissance démographique et économique de l’Asie et anticiper l’épuisement des énergies d’origine fossile, donc préparer la transition énergétique et modifier le contenu de notre croissance. Bref, il ne faut pas renoncer à la croissance mais changer notre modèle de croissance.
ÉL. Reste que de bas en haut de l’échelle sociale, on apprécie la réussite d’une existence à l’aune des biens matériels qu’on a pu accumuler
Vous voyez midi à votre porte, chère Élisabeth. Tout le monde ne vit pas très bien en France. Le revenu médian s’élève à 1500 euros par mois. De plus en plus de gens ont du mal à joindre les deux bouts. Je suis l’élu d’une région ouvrière et industrielle, qui connaît en même temps un chômage élevé. Pour autant, quand je parle de la nation ou de la République, je ne fais pas de la croissance matérielle l’objectif ultime. Bien sûr qu’il y a des valeurs qui sont aussi et peut-être plus importantes que l’accumulation des biens matériels.
Marc Cohen. En attendant, il ne faudrait pas que la campagne électorale soit réservée aux bac+12. Si la bataille se joue sur des enjeux aussi pointus, personne n’y comprendra rien et tout le monde dira n’importe quoi. Même nous si ça se trouve…
Il faudra expliquer simplement aux Français les données complexes du problème, en présentant des cas concrets, en montrant, par exemple, la situation intenable dans laquelle l’Italie est embourbée. Voilà un pays qui doit lever 300 milliards d’euros dans l’année qui vient, et qui doit emprunter à 7 %. C’est intenable ! Alors que les banques peuvent emprunter à la Banque centrale à 1,25 % ! C’est grotesque ! Tout le monde peut comprendre que l’enjeu principal de la crise est le maintien de la base productive des pays industrialisés, donc l’avenir de nos retraites et de l’assurance-maladie. Il faut bien faire comprendre aux électeurs que la France ne peut sacrifier, sur l’autel de l’euro fort tel qu’il a été façonné par ses dirigeants, de gauche et de droite, sa substance économique, son modèle social et sa démocratie.
MC. Pour la majorité des gens, il n’est pas évident d’établir le lien entre des causes complexes qui appartiennent à la sphère technique de la finance et les effets économiques et sociaux tels qu’ils peuvent les constater tous les jours…
Il faut politiser les enjeux. C’est un conflit entre les marchés financiers et les peuples. C’est la survie de notre pays dont il est question. Notre base industrielle a diminué de moitié depuis 1980 : hier 6 millions de personnes travaillaient dans l’industrie. Aujourd’hui 3,2 millions. Tout le monde peut comprendre que cette dégradation ne peut se poursuivre. Le temps est venu pour la France de se réveiller, parce qu’une France sans usines serait une France tout simplement sortie de l’Histoire, une France finie …
DB. En attendant, sortons quelques instants de nos frontières. Vous avez approuvé la résolution 1973 de l’ONU, qui a autorisé les frappes de l’OTAN en Libye pour protéger la population civile. Il y a vingt ans, alors que Saddam Hussein avait envahi un État souverain, vous vous étiez opposé à la première guerre du Golfe. N’y a-t-il pas là une contradiction ?
Je n’ai rien approuvé du tout. Sur l’intervention en Libye, le Parlement n’a été sollicité sur un vote que le 11 juillet 2011. Je me suis abstenu pour tenir compte du contexte des révolutions arabes en Tunisie et en Égypte, mais j’ai exprimé de fortes réserves. L’intervention en Libye, décidée par la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, repose sur le principe de la responsabilité de protéger les populations civiles, principe reconnu par l’ONU en 2005. Rien à voir avec l’ingérence qui n’est pas un droit et que l’ONU condamne. J’ai émis des réserves en ce qui concerne l’interprétation de la résolution 1973 parce que la responsabilité que l’on prend en soutenant un mouvement qui se réclame des droits de l’homme ne s’arrête pas lorsque celui-ci est victorieux. Si la protection des civils était légitime à Benghazi, elle continuait à l’être à Syrte. Il y avait là une politique du « deux poids, deux mesures » difficile à admettre.
Je suis convaincu que l’interprétation extensive de la résolution 1973 nuira, à l’avenir, à la notion de « responsabilité de protéger ». Ni la Chine ni la Russie ne s’y laisseront reprendre.
GM. A-t-on, selon vous, fait une interprétation trop extensive de la résolution 1973 ?
Certainement. Que fallait-il faire ? Après l’intervention justifiée sur Benghazi, on aurait pu favoriser un processus politique et faire en sorte que la région soit moins déstabilisée qu’elle ne l’est aujourd’hui. D’ailleurs, le black-out total des informations sur le terrain est assez déconcertant.
GM. Et les affrontements entre milices ne sont pas de bon augure non plus…
Regardez le résultat de la guerre en Irak. L’Iran est devenu la puissance dominante de la région. À la veille de la première guerre du Golfe, j’avais reçu le secrétaire américain à la Défense de l’époque, Dick Cheney, qui souhaitait connaître mon avis sur les conséquences. Je lui ai fait part de mon inquiétude quant au risque d’intégrisme, l’écrasement de l’Irak baassiste et laïque ouvrant un boulevard à l’expansion du courant islamiste fondamentaliste. En Libye, on court maintenant un risque similaire.
ÉL. Faudrait-il appliquer le principe du moindre mal et privilégier les dictatures autoritaires et laïques au détriment des dictatures islamistes et théocratiques ?
Il faut toujours raisonner en tenant compte du contexte historique. Forgée à la fin du XIXe siècle, la philosophie de la Nahda (la renaissance, en arabe) a donné naissance d’abord à des mouvements parlementaires auxquels ont succédé des révolutions nationalistes, des régimes socialistes laïques. Ces régimes nationalistes arabes se sont développés dans les années 1950, en Égypte avec Nasser en 1952, puis à partir de 1958 en Syrie et en Irak avec les révolutions baassistes. Ils ont, au départ, bénéficié d’une certaine vitalité, puis se sont sclérosés. Une génération nouvelle a émergé, obéissant à un paradigme culturel nouveau. C’est la génération Internet. Elle réclame la démocratie. Des élections sont organisées. Elles donnent une majorité au courant islamiste qui n’est pas le courant réformateur de la Nahda. Maintenant, il faut faire avec.
GM. Vous avez été nommé au ministère de la Défense quelques semaines après l’affaire de la grotte d’Ouvéa, en Nouvelle-Calédonie. Que pensez-vous de l’interprétation de ces événements que donne Mathieu Kassovitz dans son film L’Ordre et la morale ?
Ma campagne me laisse peu de temps pour aller au cinéma. J’ai vu La Haine, de Kassovitz. L’opposition entre les « Beurs » et les « keufs » m’a paru extrêmement réductrice. Concernant la prise d’otages d’Ouvéa, nommé ministre de la Défense peu après, je me souviens seulement que j’ai suspendu l’officier de gendarmerie responsable du transport du blessé qui est mort dans la voiture qui l’emmenait à l’hôpital.
ÉL. Il y a dix ans, vous critiquiez ouvertement l’hyperpuissance américaine. Aujourd’hui, considérez-vous que c’est la Chine qui est la nouvelle puissance impériale ?
J’ai toujours distingué le peuple américain de l’administration américaine. L’Amérique d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Renouer avec la politique de George W. Bush ne serait pas une bonne chose pour les États-Unis ni pour l’Europe et le monde d’ailleurs. Même si la crise du capitalisme financier a démontré les limites du modèle américain, le tournant Obama, en 2008, a soulevé un vent de liberté et de nouveauté qui me fait souhaiter sa réélection en 2012. Obama a compris que le monde est devenu multipolaire, que les intérêts de l’Amérique sont interdépendants de ceux des autres acteurs internationaux et qu’il doit gérer le rapport avec la Chine, puissance montante du XXIe siècle. Quant à l’Europe, elle doit échapper à la tenaille du G2, cette Chinamérique qui est la bipolarité du XXIe siècle et organiser sa résilience, sa capacité de survie en tant qu’ensemble de nations libres et démocratiques. En tout cas, j’espère que la voie ouverte pas Obama ne se refermera pas. S’il pouvait être élu pour quatre mandats comme Roosevelt, ce serait très bien.
GM. Ce n’est plus possible aujourd’hui, il y a la limite des deux mandats…
BdK. Reste toujours la solution Poutine : des pauses entre deux doubles mandats pendant vingt ans renouvelables…
MC. Au soir du 21-Avril, l’ambiance était glaciale rue de Paradis, au siège du Pôle républicain. Vos propres partisans semblaient obnubilés par le piètre score de Jospin, et beaucoup se sentaient coupables de ne pas avoir « voté utile » dès le premier tour.
Le résultat m’a également surpris et déçu, mais je n’ai éprouvé aucun sentiment de culpabilité. J’ai défendu une autre politique, voilà tout. Et la suite m’a donné raison. Le vote « Front national » était et reste une impasse. Comme le disait le chancelier Adenauer, « les Français sont ce qu’ils sont et il n’y en a pas d’autres ». Je n’abandonnerai jamais la rude tâche de former l’esprit public. J’espère y parvenir aussi avec ceux qui se disaient mes partisans. Même avec vous, on devrait pouvoir y arriver ![/access]
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