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Zemmour, Sarkozy et les pécheurs médiatiques

Une faute d'orthographe dans le bouquin de Zemmour? Le jackpot pour la presse!


Zemmour, Sarkozy et les pécheurs médiatiques
D.R.

Une coquille s’est glissée dans l’incipit du livre évènement d’Eric Zemmour publié aujourd’hui, provoquant les railleries de neuf journalistes parisiens sur dix.


Les médias se sont rués dessus avec l’ébahissement ravi de celui qui trouverait un lingot d’or dans sa poubelle. Une faute d’orthographe dans le nouveau livre de Zemmour ! Et à la première ligne ! Certes, il ne s’agit que d’une faute d’accent somme toute modeste (une confusion entre « pêcher » et « pécher », pour ceux à qui l’information aurait échappé), mais on fait avec ce qu’on a. L’occasion était trop belle d’essayer de discréditer celui que tout le monde perçoit désormais comme un futur candidat (de poids) à la présidentielle. « Dès les premiers mots, Eric Zemmour commet une faute d’orthographe », titre Ouest France ; variante « Dès les premières lignes » (La Dépêche) ou « la première page » (Vanity Fair) ; « Eric Zemmour : cette GROSSE faute d’orthographe qui ouvre son livre ! » (Public, on aura reconnu le style) ; « grosse boulette », « grosse faute d’orthographe »… et « belles fautes d’orthographes » (Le Monde). Bref, tout ceci doit nous faire comprendre qu’Eric Zemmour n’est en réalité qu’un lourdaud qui tente sans succès de faire des phrases. Et ceci, « alors qu’il a souvent clamé son amour pour la littérature et la langue française », comme le dit mesquinement Sputnik news.

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Yann Barthès, chef de la patrouille médiatique progressiste

Faisant preuve du grand esprit d’investigation qui leur est coutumier, ce sont les équipes de Yann Barthès qui ont triomphalement brandi cet accent circonflexe fautif lors de l’émission de Quotidien de mardi dernier. Alors que La France n’a pas dit son dernier mot sort aujourd’hui, 16 septembre, et que sa promotion par Zemmour va tout juste commencer, Quotidien a offert aux médias une belle opportunité de ne traiter le sujet que par un persiflage insignifiant.

Zemmour n’avait qu’à faire plus attention, dira-t-on. C’est vrai, bien sûr. Une faute sur la première page, ce n’est vraiment pas très malin. Mais l’auteur de ces lignes se rappelle très précisément un autre livre, d’une autre personnalité politique plus que majeure dans l’espace français, qui a cependant bénéficié d’une bienveillance médiatique dont Zemmour n’oserait jamais rêver – malgré des fautes d’orthographe plus importantes, et de loin, qu’un pauvre accent circonflexe. 

Un peu de tenue !

Je n’avais pas voulu y consacrer un article à l’époque, par pure retenue. Il n’est pas très élégant de rapporter les fautes de français d’un livre, quand bien même elles sont particulièrement stupéfiantes (je n’en avais que blagué avec certains membres de votre magazine favori). C’était probablement aussi l’opinion des journalistes qui avaient recensé le livre à l’époque. Qu’importe, la comparaison est trop frappante.

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En juillet 2019, Passions, le livre où Nicolas Sarkozy racontait son ascension au pouvoir, sortait en librairie et restait en tête des ventes pendant tout l’été. Tous les grands médias s’en sont fait l’écho. Les interviews enamourées de Sarko ont fleuri. Et on n’a pas trouvé la moindre mention de ce qui crevait absolument les yeux : des centaines de fautes d’orthographe – honnêtement. Seul un petit article narquois du Canard enchaîné notait (modestement) deux fautes de passé simple spécialement incongrues : « nous nous mirent en route » (p. 13), « nous obtinrent plus de consommation » (p. 265). Mais il faut dire que dans tout le reste du livre, le nombre d’erreurs grammaticales et de conjugaisons fautives est tout simplement honteux pour l’éditeur (avec notamment les confusions innombrables entre les premières personnes de l’imparfait et du passé simple, et du futur et du conditionnel). Sachez par exemple que les trafiquants étaient « peu habitués à ce que l’on s’occupa de si près de leurs si juteux commerces » (p. 163) ; qu’une grande partie des élites françaises a « baignées » dans la culture européenne (p. 275)…

J’en concluais malicieusement à l’époque que notre ancien président était bien le vrai auteur du livre : on n’aurait pas idée d’embaucher un nègre d’un niveau pareil !

Traitement différencié

Je suis un peu gênée de faire de Nicolas Sarkozy, avec deux ans de retard, une victime collatérale de cette ridicule controverse. Mais avouons qu’un traitement si différencié entre les deux livres en question laisse songeur. Même nos plus grands quotidiens, qui ont quand même une véritable déontologie, se sont sentis autorisés (à gauche) ou contraints (à droite) de commenter cet accent circonflexe. 

Qu’aurait-il fallu pour que la situation soit différente, d’un côté ou de l’autre ? Sans doute que Zemmour se plaise à jouer le rôle du vieux patriarche plutôt que celui de candidat dans l’arène, bien sûr. Que la décence (ô monde idéal !) soit plus répandue dans la sphère médiatique. Ou, tout simplement, que les équipes de Quotidien lisent plus que la première phrase des livres.

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