Un Premier ministre appelle ses concitoyens à boycotter le livre d’un opposant ; son ministre de l’Intérieur demande sa mise au ban, sur la base d’un truquage éhonté de ses propos ; des médias, des associations, des intellectuels dénoncent en boucle l’ennemi du peuple ; des journalistes réclament que l’on fasse taire cette voix dissidente – et se réjouissent bruyamment d’avoir en partie gagné.
Ça ne se passe pas dans la Russie des années 1950, mais dans la France de 2014.
Qu’ils soient de gauche ou de droite, « mariage pour tous » ou « manif pour tous », adversaires ou partisans d’Eric Zemmour, ceux qui chérissent la liberté d’expression doivent savoir, après son limogeage par iTélé, qu’elle est aujourd’hui menacée.
On peut être en désaccord partiel ou radical avec Eric Zemmour, on peut critiquer et réfuter ses thèses. Elles ne sortent pas du cadre de l’acceptable, tel qu’il est défini par la loi et la décence commune. Si on pense que ses idées sont dangereuses, il faut les combattre, argument contre argument, conformément à l’héritage des Lumières et à l’art français de la polémique. Mais sur ce champ de bataille, une arme devrait être proscrite : celle qui consiste à faire taire l’adversaire.
C’est pourtant celle qu’a choisie iTélé, en supprimant « Ça se dispute » son émission la plus populaire, donc la plus rentable. Cette décision, qui sacrifie ses profits à ses « valeurs », peut sembler noble et vertueuse. On aimerait cependant savoir comment le groupe Canal +, propriétaire de iTélé, a pu, des années durant, oublier ces « valeurs » qui lui sont si chères et contribuer à la diffusion d’idées si détestables. On aimerait aussi comprendre ce qui l’autorise à faire si peu de cas du public d’Eric Zemmour.
Rappelons que c’est sur la base d’un dossier mensonger concocté (involontairement ou pas) par un journaliste italien et ficelé par Jean-Luc Mélenchon qu’a été lancée une campagne demandant explicitement aux médias employant Zemmour de le licencier. Autrement dit, ce n’est pas pour ce qu’il a dit ou écrit qu’on veut le bâillonner, mais pour ce qu’on lui fait dire.
Rappelons que de trop nombreux journalistes, et pas seulement à iTélé, se sont joints avec ardeur à ces campagnes maccarthystes.
Rappelons que des millions de Français se reconnaissent dans les thèses exprimées par Eric Zemmour et que des millions d’autres, sans être d’accord avec lui, souhaitent qu’il puisse s’exprimer librement.
Quand des puissances politiques, médiatiques et économiques se coalisent pour exclure du débat public une partie des électeurs/téléspectateurs, c’est la démocratie qui est en jeu.
Nous ne laisserons pas faire. Montaigne dit qu’il faut « frotter sa cervelle contre celle d’austruy ». Nous continuerons à débattre de tous les sujets, y compris les plus sensibles – et surtout ceux-là –, même avec ceux dont les idées nous déplaisent – et surtout avec eux. Les censeurs peuvent gagner des batailles. C’est la liberté de penser (et de se disputer) qui gagnera la guerre.
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