En affirmant que les Israéliens sont nos garde-frontières dans une nouvelle guerre de civilisations, le leader du parti « Reconquête » fait un tabac auprès des Français juifs ayant réalisé leur alyah.
Il faut croire que les consignes du CRIF – pas une voix juive pour Zemmour - ne sont pas parvenues à Netanya. Mercredi soir, le fondateur de « Reconquête » a reçu un accueil triomphal dans cette cité balnéaire sise à une trentaine de kilomètres au nord de Tel Aviv. Un bon millier de personnes se sont déplacées, aussi a-t-il fallu trouver en urgence une salle plus grande.
Eux ou nous
Netanya, c’est un petit bout de France en Israël. Dans les rues, les magasins, les bistrots, on entend plus le français, souvent mâtiné d’un vieux reste d’accent pied-noir, que l’hébreu. Nombre de juifs français ont choisi d’émigrer pour fuir les territoires perdus, leur insécurité, leur islamisation et leur antisémitisme. Beaucoup, comme les parents de Zemmour, ont passionnément aimé la France : « vous avez chanté avec Aznavour, ri avec de Funès et tellement aimé Brigitte Bardot », résume le natif de Constantine. Et puis, ils ont dû retirer leurs enfants de l’école publique, certains ont entendu crier « mort aux juifs » sous leurs fenêtres. Zemmour évoque Jacqueline, qui a quitté la porte de Vincennes après l’attentat de l’Hyper Casher. Elle voulait que ses enfants soient en sécurité. Son fils Nathan, 20 ans, est mort le 7 octobre en se défendant avec courage, observe l’orateur avant d’inviter la salle à se recueillir.
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En d’autres périodes, la venue de Zemmour se serait déroulée dans une sympathique ambiance de juifs couscous. Mais l’atmosphère n’est pas à la vérité si je mens. « C’est eux ou nous », résume le député Yossi Taieb, membre du Shas (parti religieux séfarade). « Ce sera nous !!! », scande la salle. Am Israël Haï » – le peuple d’Israël vivra : le chant, entonné sur toutes les bases militaires du pays pour se donner du cœur au ventre, monte de centaines de poitrines.
L’antisémitisme dans l’hexagone inquiète
Comme tous les Israéliens, les habitants de Netanya suivent avec angoisse les nouvelles du front, pleurant chaque soldat tombé au combat comme s’il était leur fils ou leur frère. Mais en plus eux se demandent ce qui se passe dans le pays qu’ils ont quitté, où tous conservent famille et amis. Alors que l’effet loupe des informations leur donne le sentiment que la France est livrée à des hordes antisémites, ils se sentent poursuivis par le malheur. « Vous avez été chassés du Maghreb et le Maghreb vous a suivis » : Zemmour enrage que des gens qui aimaient la France aient dû la quitter, tandis qu’on accueillait tant d’autres qui la détestent. Murmure approbateur dans la salle. Zemmour les comprenait là-bas, il les comprend ici. Il sait bien qu’ils n’ont pas choisi l’alyah pour échapper à « l’extrême droite ». D’ailleurs, beaucoup ont fait le combo : Zemmour au premier tour, Marine au second.
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Les Israéliens aiment penser qu’ils se battent pour l’Occident tout entier. Ils se sentent moins seuls. Et justement, c’est ce qu’est venu leur dire Zemmour, encore secoué par sa visite de Kfar Aza, l’un des kibboutz martyres: « Les barbares sont à vos portes. Les barbares sont à vos portes. Votre combat dépasse les frontières d’Israël ». « Enfin, le monde ouvre les yeux », commente Roger, la soixantaine replète. Sur la scène, l’orateur parle de la chasse aux juifs qui sévit partout, du cri Allahu Akbar qui résonne partout et que d’aucuns, ironise-t-il, veulent faire passer pour un cri de paix. « C’est une guerre de la civilisation judéo-chrétienne contre la civilisation islamique. Un affrontement millénaire se prépare qui décidera de notre survie, de notre liberté ». Voire. En admettant qu’il existe encore quelque chose que l’on puisse appeler civilisation judéo-chrétienne, nous menons le combat à coups de bougies, de nounours et de « nous ne cèderons pas ». Ici, chacun a un enfant ou un ami au front. C’est comme ça tout le monde doit y passer, dit Michaël, deux fils au combat. Dans Soumission, Houellebecq parlait de ces Français qui n’ont pas d’Israël. Pour ces Israéliens qui continuent à parler l’hébreu (et l’anglais) avec notre épouvantable accent, il n’y a plus de retour possible. La France, c’est du passé.
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