L’ex-candidat à la présidentielle s’est confié à Christine Kelly, sur CNews, jeudi. Il refuse de faire un mea culpa: «je ne reconnaîtrai jamais le contraire de la vérité comme on voudrait que je le fasse». En se concentrant sur leur pouvoir d’achat, les Français oublient de s’occuper de la crise civilisationnelle aiguë venue les frapper…
Zemmour ne fut pas un prétentieux. Il ne fut pas non plus victime de son ubris (mot redevenu à la mode) car l’échec, ici, est du ressort de la politique, non de la tragédie, et que l’histoire n’est pas finie. Il fut téméraire peut-être, imprudent sans doute voire présomptueux, il fut surtout courageux. Courageux dans ses propos de chroniqueur, dans son désir de dire une vérité tue, courageux dans l’action, courageux dans l’échec. Courageux dans un combat qu’il entend poursuivre.
Au rendez-vous de CNews avec Christine Kelly, il n’a pas fait de mea culpa. S’il a reconnu des erreurs, dans sa conduite, la raideur (le moins qu’on puisse dire) de ses propos, il a également martelé : « Je vous le dis et le redis : je ne reconnaîtrai jamais le contraire de la vérité comme on voudrait que je le fasse ». Cette vérité, c’est la certitude de la libanisation, dans 15 ans, d’une France, non plus désunie et fracturée, mais communautarisée. Et Zemmour d’expliquer, sans minimiser d’autres facteurs, son échec, par la peur qu’ont eue les Français du « destin de la France ». Peur qu’il aurait pu apaiser ? Pas sûr tant les peuples sont peureux : on connaît « le vote utile ». Quant aux LR, mesurent-ils la puissance de déconstruction, dans le domaine civilisationnel et sociétal, d’Emmanuel Macron ? Une heure après l’émission de CNews, le président Macron récitait son discours, tiré de la poche d’Elisabeth Borne, avant de s’envoler sur le front de l’Ukraine.
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Le lendemain, BHL, fidèle au rôle qu’il tient depuis des décennies, rendait compte, dans les media, de l’expérience douloureuse qu’il faisait— impensée— de la France rance que nous avions sous les yeux.
Sans rappeler l’abstention— problème politique majeur— beaucoup s’étonnent du score du RN. Le plafond de verre est brisé —tant mieux— mais il ne faut pas cacher la vérité : le RN récolte là où Zemmour a semé dans l’opinion. C’est lui qui, éveillant, à cor et à cris, les esprits, a lancé les grands thèmes de la campagne —migratoire, identitaire et sécuritaire— et normalisé le parti frontiste. Pourquoi le score élevé de RN au premier tour des présidentielles ? Parce que Marine Le Pen n’avait rien dit qui fâche — et ce fut un bon calcul — s’attachant à répondre « aux préoccupations des Français » c’est-à-dire « le pouvoir d’achat », ce leurre qu’on agite devant les yeux du peuple. Du coup elle a diabolisé — ironie du sort !— Zemmour qui rêvait (on le voit maintenant) d’une impossible union des droites. Là où l’un pense « destin », l’autre agite — pas seulement elle — le leurre du « pouvoir d’achat » comme si les paniers de la ménagère se rempliraient dans une France sans ressources dont tout montre — école, université, immigration, langue, mœurs— qu’elle est en train de sombrer.
Après le vote, les analyses ont repris le même train qu’avant. Pas plus qu’il n’y a de projet présidentiel pour le quinquennat à venir, on ne parle d’un avenir, encore moins d’un destin de la France. On préfère éplucher, région par région, les scores des vainqueurs dans une France divisée en trois. On se réjouit d’un retour aux sources parlementaires avec un vrai contre-pouvoir. La France de la pierre et des actions cotées en Bourse se réjouit, ceux qui nient le réel aussi tandis que BHL fait son thrène télévisuel. En écoutant, jeudi, le président et l’ex-candidat, on se demandait si tous les deux vivaient dans le même pays. Le vote n’a pas porté sur un choix politique ou de personnes, mais sur la vérité : ce que dit Zemmour demeure-t-il toujours vrai, après son échec personnel ?
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À CNews, Zemmour a mis de l’eau dans son vin : il s’est gardé, évidemment, de toute remarque à l’encontre de la vague bleue qui lui venait en pleine figure. Mais il serait faux de dire qu’il est un oiseau mazouté, rejeté sur le sable à marée basse. Le RN a par ailleurs un besoin urgent d’assistants parlementaires, de conseillers techniques (300). Marine Le Pen ne pourra faire fi des ressources humaines venues de Reconquête ! Quant à Zemmour, dans le cas où il est promis à un avenir politique, il fait l’apprentissage du job, comme on dit, en mesurant déjà la fidélité de ses compagnons d’aventure…
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