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Tu finiras zadiste, mon fils

Un point de chute bigarré pour tous les gauchistes de l'Hexagone


Tu finiras zadiste, mon fils
Un zadiste présente ses respects à des gendarmes à Notre-Dame-des-Landes, mai 2017. SIPA. 00859449_000041

La République française peut bien laisser des communautés pacifiques vivre en vase clos comme des amish. Permettre aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes de tenter une expérience de vie alternative offrirait un point de chute bigarré à tous les gauchistes de l’Hexagone.


Après les assassinats de quatre personnes au Super U de Trèbes par notre compatriote Radouane Lakdim, et pendant qu’une partie des habitants de la cité du djihadiste abattu opposait une résistance aux policiers, une femme concluait son témoignage, livré à un journaliste sur un ton préoccupé, mais remarquablement mesuré pour l’occasion, par cette question : « Qu’allons-nous faire de ces gens ? »

Un passeport pour Mossoul

Si l’État islamique ne s’était pas empressé, à peine créé, de déclarer la guerre au monde, si des musulmans épris de radicalité ne s’étaient pas portés volontaires pour la faire à tout ce qui n’est pas eux, aux mécréants comme aux mélomanes ou aux femmes visibles, si les fils d’Allah qui rêvent de califat s’étaient contentés de vivre leur aventure eschatologique dans la foi, l’observance et la prière plutôt que dans le vol, le viol et le meurtre, nous autres, hommes libres, aurions une réponse pleine de bon sens et d’humanité pour la dame du supermarché. Que faire de « ces gens-là ? » : leur délivrer un passeport, leur offrir un vol sec pour Mossoul, et tous nos vœux de bonheur. On pourrait même, quitte à rêver à un islam fait de paix et de tolérance, imaginer que notre République puisse accepter une entrave à sa laïcité et tolérer au sein de la nation une enclave inoffensive et islamique, afin de permettre à ceux de ses enfants adoptifs qui préfèrent la soumission à la liberté, et le boudin hallal sous vide intellectuel à la beauté des femmes libres et malignes, de ne pas désespérer d’être nés en Occident. Si seulement ces cons-là avaient un autre modèle de survie que la prédation et le crime, je ne serais pas hostile à la création d’un « Raqqa-sur-Ariège », et nous vivrions peut-être tous en paix. Hélas, dans la réalité, la question posée devant le Super U de Trèbes reste entière. Qu’allons-nous en faire ? Bombarder là-bas et surveiller ici, c’est encore le plus sûr.

 Les uns nous font la guerre quand les autres demandent qu’on leur foute la paix

La situation de « ces gens-là » ne souffre aucune comparaison avec celle des zadistes de Notre-Dame-des-Landes, mais n’est pas sans rapport. Les uns nous font la guerre quand les autres demandent juste qu’on leur foute la paix, mais dans les deux cas, une jeunesse française est tentée par des formes de séparation et adresse à la nation une demande de divorce. Répondant à ces envies sécessionnistes de nature totalement opposées, j’entends, venus de la droite, les mêmes appels à la répression, les mêmes rappels à l’indivisibilité de la République et les mêmes accusations de laxisme quand la force tarde à faire appliquer strictement la loi. Ce manque de discernement me chagrine. Alors que nous ne sommes pas foutus de mettre hors d’état de nuire quelques milliers de crapules multirécidivistes pourries par l’argent facile de la drogue et décomplexées dans le crime par le Coran, il faudrait s’empresser de réprimer des gens qui vivent dans la boue depuis de nombreux hivers pour savoir, à leur corps défendant, si un autre monde est possible. Alors que les politiques de la ville (entendez : de la banlieue) sont un gouffre où disparaissent des milliards avec les résultats que l’on sait, l’État ne pourrait supporter le manque à gagner des taxes et cotisations sociales d’une poignée de paysans sans terre ? Moi qui me sens définitivement jacobin, moi qui souffre depuis longtemps d’un pouvoir qui transige sur tout et tout le temps, je trouve cette nouvelle et martiale intransigeance un peu sévère.

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La France perdrait-elle son crédit ou son âme si elle tolérait en son sein, un peu comme l’Amérique a ses amish, une enclave où se rassembleraient ceux qui rejettent son modèle de développement, son électricité nucléaire, son agriculture subventionnée et ses élevages industriels et ignobles, mais aux normes, ses centres commerciaux démodés et ses villes cernées de ronds-points ? Que perdrions-nous si nous laissions vivre sur ces terres des artisans et des paysans, libres et précaires, fiers et fragiles, qui ne demandent qu’à subvenir à leurs besoins, loin de ces armées de bons à pas grand-chose qui, assis devant des écrans, ponctionnent et distribuent, administrent et gèrent, prélèvent et sanctionnent ? À quoi renoncerions-nous si nous acceptions que d’autres travaillent la terre, le cuir et le bois, sans assurances et sans mutuelles, sans contrats et sans retraites, loin des notaires et des notables qui sont venus leur rappeler à grand renfort de gendarmes qu’il n’était pas envisageable que l’on se passât d’eux ? Quelle réponse adressons-nous à ces jeunes qui préfèrent les rigueurs naturelles d’une vie rurale aux laideurs de nos urbanismes et au confort neurasthénique de l’embouteillage, du boulot et du métro ?

« Si tu continues à déconner… »

La loi, rien que la loi ! Telle est notre réponse. Je la trouve un peu courte et un peu sèche. Pour ces enfants de la patrie qui ne sont ni diplômés ni héritiers, mais qui ont, du loup, ce courage qui manque au chien, il y aurait deux issues possibles : le prolétariat, la location de sa force de travail à d’autres, possédants, exploitants, propriétaires, ou l’entreprise individuelle, 7 jours sur 7 à la tâche pour une misère, pris en étau entre les emprunts à rembourser aux usuriers et les conditions imposées par la grande distribution. « On manque toujours de prolétaires », chantait Gilles Servat dans l’ancien monde. Le nôtre n’a même plus besoin d’eux, la mondialisation les a remplacés par d’autres moins exigeants et moins chers. Alors quand ces idéalistes qui dédaignent le monde nomade et la société de services promis par M. Attali et qui choisissent la vie pauvre, mais digne, de ceux qui assurent la production plutôt que celle, plus prospère et plus chic, de ceux qui la commercialisent sur le net, j’aimerais que l’on cherche au moins un compromis pour les laisser vivre dans leur réserve d’Indiens, parce que c’est tout ce qu’ils demandent, et parce qu’entre les augmentations de salaire à Air France et le statut des cheminots, c’est quand même bien peu de chose.

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Il y aurait un autre avantage, et même deux, à permettre à ces zadistes de tenter une expérience de vie alternative. Cela nous permettrait d’abord de répondre enfin à tous ceux qui braillent dans les manifs, traîne-savates ou casse-vitrines, que oui, un autre monde est possible, qu’il est même là-bas, tout près, troisième route à gauche après Nantes, et bonne chance ! Cela nous donnerait ensuite une réponse toute trouvée à ceux de nos enfants qui décrochent scolairement : « Attention à ton travail, si tu continues à déconner, tu finiras zadiste, sans télé, sans aïe-pod, pad ou phone et sans chiottes. » Le problème est qu’ils pourraient bien nous répondre « chiche ». Mais après tout, après le capitalisme, n’est-ce pas cela aussi, le monde libre ?

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Causeur #57 - Mai 2018

Article extrait du Magazine Causeur




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Cyril Bennasar, anarcho-réactionnaire, est menuisier. Il est également écrivain. Son dernier livre est sorti en février 2021 : "L'arnaque antiraciste expliquée à ma soeur, réponse à Rokhaya Diallo" aux Éditions Mordicus.

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