On peut débattre de Notre-Dame-des-Landes, de son projet d’Ayraultport, de la stratégie de pourrissement lâche des gouvernements successifs de François Hollande, de la ZAD et les zadistes.
On peut – et même on doit – réfléchir au problème du bétonnage croissant des sols français, à l’heure où la biodiversité s’effondre, et où les évolutions démographiques d’une part et le réchauffement climatique d’autre part, vont faire des terres arables et des « puits à carbone » naturels que sont les forêts des ressources presque aussi précieuses que l’or bleu de l’eau potable. Encore faut-il ne pas se limiter aux aéroports et aux contournements des grandes villes, et inclure dans cette réflexion par exemple les quantités astronomiques de béton consacrées à l’implantation des éoliennes et à la construction des routes qui y conduisent….
Mais quoi qu’il en soit, on ne peut débattre utilement que si l’on essaye de s’astreindre à un discours de vérité, loin des postures de principe et des facilités du « storytelling ».
Il est parfaitement compréhensible qu’un certain nombre de médias aient très mal pris la volonté du gouvernement de limiter leur accès aux actuelles opérations d’évacuation de la ZAD. Dire en substance à des journalistes « vous ne pourrez pas sortir du circuit balisé et vous serez en permanence escortés, mais c’est pour votre bien » et « seules les images officielles du ministère permettront une information objective » est maladroit au possible, et rappelle furieusement les grandes heures de l’Union Soviétique, ou des moustaches de Plekszy-Gladz…. Précisons tout de même, c’est fondamental, que ces contrôles d’accès ne sont pas des interdictions et de surcroît reposent sur de véritables exigences de sécurité, ce qui continue à distinguer la France de la Bordurie.
Pour autant, ce n’est pas une raison pour se complaire dans l’histoire simpliste des braves zadistes non-violents harcelés par les séides brutaux d’un état policier néo-fasciste, et j’exagère à peine ! Parler de « résistance » évoque au choix le début des années 40 ou le village d’Astérix, et en tout cas n’est pas d’une grande objectivité, tout comme laisser les zadistes se qualifier eux-mêmes de « pacifistes » sans apporter dans l’article la moindre nuance à ce jugement pour le moins discutable. Quant au projet de « vivre tranquille à notre façon », les commerçants du secteur impactés par les « réquisitions citoyennes » auraient beaucoup à dire là-dessus….
On trouve les habituelles imprécisions relatives à l’emploi de grenades par les forces de l’ordre : F4 ? MP7 ? De désencerclement ? Les effets ne sont pas franchement les mêmes, le cadre légal non plus ! Que les journalistes ne soient pas des spécialistes de maintien de l’ordre est normal, mais alors qu’ils aient au minimum le bon sens et l’humilité de « savoir qu’ils ne savent pas ».
On oublie aussi trop souvent de rappeler que les zadistes ont d’ores et déjà obtenu gain de cause : l’aéroport ne sera pas construit. En outre, des voies légales ont été mises en place pour présenter d’éventuels projets d’aménagement. Dès lors, pourquoi continuer l’affrontement ?
En apparence, il s’agit de garder en dehors de tout projet reconnu des terres que certains zadistes se sont de facto appropriées – j’ignorais qu’un petit groupe d’activistes, ultra-minoritaires même parmi les opposants à l’aéroport, disposait d’un droit d’expropriation…. Mais voilà un objectif à peu près aussi crédible que celui des étudiants de Tolbiac qui exigent la démission d’Emmanuel Macron – il n’y a semble-t-il parmi eux que ce brave chien qui ait peut-être compris la notion de suffrage universel – et veulent « créer leurs propres savoirs » à coups de tables rondes et d’assemblées générales, évidemment sans laboratoires, ni protocoles expérimentaux, ni modèles statistiques fiables, ni enquêtes de terrain. En bref, un projet tellement irréaliste qu’il est permis de douter de sa sincérité.
Ne s’agit-il donc pas plutôt pour quelques extrémistes d’utiliser la ZAD comme prétexte pour « casser du gendarme » ? Qu’on en juge à l’aune de certains faits, à mon avis révélateurs.
D’abord les banderoles ACAB, inscription d’une subtilité typique de l’extrême-gauche : All Cops Are Bastards : « tous les flics sont des salauds ». Ahmed Merabet et Arnaud Beltrame apprécieront.
Ensuite, les matériels utilisés par les « zadistes pacifistes » : cocktails molotov, jets d’acide sur les gendarmes, lancement de fusée anti-grêle contre un hélicoptère de la gendarmerie (Et si l’hélicoptère s’était écrasé ? Sur des militaires ? Des zadistes ? Des journalistes ?), lancement de fusées de détresse et de fusées lance-amarre sur des gendarmes mobiles (en tir tendu évidemment, eux ils peuvent), installation de bouteilles de gaz dans des barricades enflammées….
Enfin, les modes opératoires en eux-mêmes : outre la recherche quasi-systématique de l’affrontement physique et le caillassage, on note de nombreuses agressions en dehors même du contexte de maintien de l’ordre. Ainsi, plusieurs gendarmes ont été attaqués et blessés pendant une simple liaison, dont un militaire brûlé et un autre touché à l’acide. A l’heure où j’écris ces lignes, on compte plus de 40 gendarmes blessés en moins d’une semaine.
On peut rêver au grand soir et croire nécessaire la brutalité révolutionnaire, mais la moindre des choses est alors de l’assumer, et de ne pas chercher à se poser en victime, de ne pas s’indigner devant l’emploi de la force lorsque soi-même on a choisi la violence. Le choix de l’illégalité pour des raisons politiques, s’il peut dans certains cas être légitime, est lourd de conséquences et ne saurait être fait à la légère, ni pour satisfaire une posture de principe ou un désir d’action pour l’action assez largement égocentrique.
Un retour d’expérience global de Notre-Dame-des-Landes sera nécessaire, et l’État devra faire le constat de ses (nombreuses) fautes stratégiques et reconnaître ses torts, en particulier vis-à-vis des habitants de la région de Notre-Dame-des-Landes. S’ils espèrent être pris au sérieux et participer réellement au débat public, les zadistes devront faire de même. Souhaitons qu’ils s’y astreignent.
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