En 2021, Yves Ravey publie « Adultère ». Les cartes postales de l’été, la série de Pascal Louvrier
Quand on lit un roman d’Yves Ravey, né en 1953, dans la même ville que Victor Hugo, auteur d’une vingtaine d’ouvrages, on se dit qu’il ne faut décidément rien attendre de l’homme. Il est fourbe, cupide, lâche. Balzac l’avait déjà montré, mais avec d’interminables descriptions. Simenon avait noirci le trait, et ôté le gras. Yves Ravey travaille sur l’os. C’est presque un travail de chirurgien opérant sur un champ de bataille. Le chirurgien de guerre va directement à l’essentiel, sa main ne tremble pas, il faut faire vite, l’hémorragie due à une kalachnikov ne permet pas la digression.
Le pessimisme de la Grâce
Les romans de Ravey sont courts, bien ficelés, avec une chute aux petits oignons. Les dialogues sont enchâssés dans le récit, ça forme une masse compacte comme un ventre soutenu par une puissante ceinture abdominale. C’est surtout, j’insiste, sans espoir de rédemption. La grâce a quitté l’homme depuis la nuit des temps. C’est même sûrement une invention diabolique, cette histoire de grâce et de lumière.
Retrouvez les autres cartes postales de Pascal Louvrier ici
Avec Adultère, paru en 2021, on n’échappe pas à ce constat pessimiste. Jean Seghers est un type insignifiant qui dirige une station-service dans un coin paumé de la France. L’entreprise est en faillite. Son veilleur de nuit, Ousmane, marié à Amina, deux enfants, lui réclame ses indemnités. Il croit que sa femme, Remedios – pas la Remedios de « La Nuit catalane », nouvelle de Paul Morand, une femme de caractère celle-là – entretient une liaison avec son vieil ami de lycée, Walden, président du tribunal de commerce, qui est prêt à racheter la station-service. Un crime va être commis, pas celui que l’on croit. Une enquête est menée qui ennuie l’adjudant de gendarmerie Bozonnet. Mais survient l’experte en assurance, Brigitte Hunter, cassante et surexcitée, en chaussures basses, vernies. À un moment du récit, une trouvaille de Ravey fait mouche. Le narrateur : « Hunter m’a interrompu : Vous pensez à voix haute, Seghers ? Dommage que je n’aie pas été plus près pour vous entendre. »
La dernière page est inattendue et jouissive. Ravey a tout compris : la morale est une sacrée tromperie.
Yves Ravey, Adultère, Minuit double.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !