Plongées dans une guerre civile depuis 2014, les différentes parties prenantes du conflit yéménite ne semblent pas être sur la voie de la réconciliation.
La guerre civile yéménite est atroce ; il est inutile de s’attarder sur ce lourd constat. Ce qui compte c’est d’y mettre fin au plus vite et pour cela, il est important d’en comprendre les causes. Il y a certes les traditionnelles surinfections opportunistes dues aux intrusions étrangères issues d’Al Qaïda ou de Daesh mais toutefois, l’essentiel de ce conflit consiste à un affrontement entre »rebelles houthis » et »forces loyalistes » et la terminologie médiatique voire diplomatique dissimule la réalité du sujet: les causes profondes du conflit sont religieuses et historiques.
Un pays, plusieurs nations ?
Les houtis sont des musulmans chiites de tradition zaïdite alors que le reste de la population est essentiellement sunnite, essentiellement concentrée dans le nord-ouest du Yémen. Suite à une révolution dynastique et religieuse en 1962, la monarchie fut abolie au profit des républicains sunnites.
Ce gouvernement rebelle – depuis lors réputé loyaliste, prit le nom République du Yémen du nord ce qui eut pour effet de satisfaire la communauté internationale: pour l’Arabie contiguë les sunnites étaient au pouvoir et pour les socialistes une monarchie avait disparu.
En 1838 les Anglais obtiennent une concession sur Aden peuplée de moins de 1000 personnes et en firent un grand port, puis une colonie qui sera endeuillée en 1947 par la question palestinienne.
De 1963 à 1990 l’histoire erratique de la zone voit se dérouler toutes sortes de guerres où les alliances se font et se défont mais les massacres, les séditions et les attentats sont constants. En 1970 le Yémen du sud (Aden) devient indépendant et en 1990 les deux territoires sont unifiés en un seul Yémen. Cette »unification » sera l’œuvre de Ali Saleh, un militaire obtus nationaliste, socialiste (assassiné en 2017) qui utilise le crépuscule de l’URSS pour capter la république marxiste du Yémen du sud.
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Le fiasco était prévisible et pourtant, à ce jour les Nations Unies et tous les pays ne reconnaissent qu’un »gouvernement officiel », le Yémen est alors devenu un champ de bataille entre Arabie et Iran, sunnites et chiites, avec une crise humanitaire immense, un début de génocide, peut-être un jour une guerre entre Iran et Arabie. Fort heureusement, Donald Trump à d’autres objectifs en tête.
Ne pas attiser le conflit
En effet, celui-ci ne souhaite ni action militaire ni provoquer un vaste conflit régional : il sait mieux que quiconque que l’Iran est épuisé, divisé, vulnérable et peut tomber seul, alors qu’une action militaire ne ferait que renforcer l’Arabie Saoudite de Ben Salmane.
Ainsi, le drame du Yemen est à l’image de celui de la Syrie, de l’Irak ou encore du Kurdistan : une séquelle de la carte Sykes de 1918. Un péché originel anglais et une grave faute de l’ONU qui ne reconnaît que le pouvoir central du Yémen et ignore les revendications du nord-ouest, obligeant ainsi à vivre ensemble ceux qui ne le souhaitent pas, tout en empêchant ceux qui le voudraient.
Ainsi, comme démontré dans notre ouvrage »Théorie générale de la nation- L’architecture du monde » ainsi que d’autres travaux. Le cas du Yémen ne sera réglé que si le nord et le sud font sécession d’autant plus qu’une telle solution rencontre des échos favorables, y compris en Orient.
Le prince héritier et ministre de la défense d’Abu Dabi Mohammed ben Zayed Al Nahyane, notamment, accorde son soutien au Conseil de transition du sud Yémen du général Aïdarous al-Zoubaïdi lequel est expressément favorable à la partition du pays. D’autre part, une sécession aurait le double avantage d’assurer la paix dans la région tant en diminuant l’influence Iranienne.
Enfin, plus récemment, les Houthis ont proposé un cessez le feu et un plan de paix à l’Arabie Saoudite le 21 septembre, ainsi, il est bien possible que les deux Yémen, artificiellement et maladroitement fusionnés redeviennent les deux états qu’ils n’auraient jamais dû cessé d’être.
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