Dans son dernier ouvrage À qui profite le djihad? (Éditions du Cerf, mars 2021), le criminologue Xavier Raufer nous renseigne sur les notions de « terrorisme d’État » et de « stratégie indirecte ».
Dans son enquête, Xavier Raufer cite beaucoup de noms liés au terrorisme. Il a eu l’occasion de rencontrer des djihadistes et leurs proches, en particulier dans la famille Ben Laden. Ce livre explique lucidement et sans tabou le fonctionnement et les motivations qui se cachent derrière les attentats liés au djihadisme. Selon lui, l’ingérence des pays occidentaux au Moyen-Orient est vouée à l’échec car ils ne comprennent rien à cet univers lointain. Souvent, ils y créent plus de dégâts qu’autre chose. Iran, Liban, Irak, Syrie : le Moyen-Orient est le théâtre de conflits incessants depuis près de 100 ans et les Occidentaux n’y sont pas pour rien… Nous autres occidentaux, nous n’avons pas les codes de l’Orient. « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples » écrivait déjà de Gaulle dans ses Mémoires de guerre en 1941 alors qu’il était en route pour Le Caire ! Le journaliste et politologue franco-libanais Antoine Sfeir a écrit un essai en 2006 – Vers l’Orient compliqué[1] – pour tenter de répondre à la question de l’échec des interventions des pays de l’Ouest en Orient. Son livre se concentrait alors sur les raisons de la présence américaine au Moyen-Orient. Xavier Raufer, lui, s’intéresse plus particulièrement à la présence des djihadistes dans les pays de l’axe chiite et au terrorisme d’État.
Fin connaisseur de cet « Orient compliqué », Xavier Raufer nous explique tous les soubassements géopolitiques qui ont permis l’émergence de l’État islamique dans la région. Il indique comment se font ces guerres propres au Moyen-Orient, leur lot de trahisons habituelles : ainsi, face au djihadisme, une analyse adaptée et une stratégie indirecte sont nécessaires. Pour vaincre cet ennemi, il nous faut comprendre comment les djihadistes raisonnent : « l’ennemi (pour l’instant) de mon ennemi (actuel) est mon ami (temporaire). » Et bien évidemment, il n’y a pas de terrorisme sans un État derrière (Arabie Saoudite, Iran…). Derrière chaque attentat perpétré en Occident il y a donc souvent un État du Moyen-Orient qui tire les ficelles ou qui est plus ou moins complice des djihadistes. Le terrorisme d’État existe, et il faut ne pas oublier de le considérer lorsqu’un attentat est commis sur notre sol.
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Dans le dernier numéro de la revue de géopolitique Conflits (mai-juin 2021), Xavier Raufer estime ainsi que l’attentat du Bataclan du 13 novembre 2015 et celui de Bruxelles en 2016 représentent « un enchaînement d’opérations bien trop complexe pour avoir germé dans le seul esprit de voyous alcooliques, drogués et hypnotisés par le radotage de litanies coraniques » ! En conversation avec Charles Gave et Jean-Baptiste Noé, Raufer enfonce le clou (voir notre vidéo plus bas) : « il n’est pas possible de monter une opération de commando lourde et durable sans un réseau logistique de soutien »… Il y rappelle que dans le cadre des attentats du 11 septembre 2001, aucune personne du comité de soutien n’a été arrêtée. Ce groupe de logistique était implanté dans l’ambassade de l’Arabie saoudite, ce qui figure pourtant dans un rapport du Congrès – longtemps classifié – qui livre en détail l’attentat de cette année zéro de la “guerre contre le terrorisme”. On y trouve par exemple le nom de Mussaed Ahmed al-Jarrah, leader du réseau logistique du 11 septembre, qui n’était autre que le chef de cabinet du prince de la famille al-Saoud, ambassadeur de l’Arabie Saoudite à Washington ! Les médias européens n’ont jamais dévoilé cette révélation embarrassante, regrette Raufer…
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L’essayiste précise également que l’État islamique ne date pas de 2014. Il existait déjà depuis trente ans sous divers noms : Jund al-Sham (les soldats du Levant), Jamaat al-Tawhid Wal-Jihad (association monothéiste et guerre sainte), Al-Qaida en Mésopotamie, État islamique en Irak et au Levant pour devenir enfin l’État islamique (aussi appelé Daesh). Raufer affirme et démontre que l’État islamique n’était au départ ni une banale cellule terroriste, ni une simple guérilla, ni une rébellion, mais bien une armée de mercenaires au service des États de la région. Dans le dernier numéro de Causeur, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin expose ses analyses sur ces sujets. Agissements passés des islamistes, dangers présents au Moyen-Orient et menaces futures, À qui profite le djihad ? dresse le tableau complet de ces périls. Le livre parvient à décoder ce que nous ne savons pas pour prendre de court le terrorisme, plutôt que de se concentrer sur ce que nous connaissons déjà. Un livre à se procurer pour comprendre les enjeux et la géopolitique du terrorisme.
Xavier Raufer À qui profite le djihad ? Éditions du Cerf.
[1] Vers l’Orient compliqué, Stéphane Sfeir, 2006, Grasset.