Selon Xavier Bertrand, « courir après l’extrême droite, c’est courir à notre perte ». Non, LR ne court pas après le RN, et le président de la Région Hauts-de-France ne devrait pas s’abandonner au jeu puéril consistant à appeler « fachos »[1] les électeurs de Marine Le Pen ou Jordan Bardella. Un message à son intention de la part d’un ami qui lui veut du bien…
Xavier Bertrand a déclaré récemment dans Le Parisien du 16 mars, au sujet des Républicains, que « courir après l’extrême droite, c’est courir à notre perte » et que tout en désapprouvant la ligne de la direction du parti, il allait cependant soutenir la liste conduite par François-Xavier Bellamy pour les élections européennes du 9 juin. Il incitait à « revenir aux fondamentaux », à « l’héritage gaulliste et chiraquien »[2]. Il y a, dans cet extrait, de quoi nourrir la réflexion politique, notamment au sujet de cette idée-force que Xavier Bertrand ne se lasse jamais de répéter, incriminant la droite parce qu’elle courrait après l’extrême droite. Sans vouloir offenser Xavier Bertrand, heureusement que son projet ne s’arrête à ce seul avertissement car il serait alors vraiment trop pauvre, en dépit du caractère séduisant de cette injonction pour tous ceux qui prétendent dicter à la droite ce qu’elle doit penser, autoriser ou dénoncer… C’est mon premier point de désaccord. Si j’étais lui, je m’interrogerais en effet sur la parfaite concordance de mon point de vue avec la banalité ressassée par la gauche politique et médiatique (pas un numéro du Monde sans ce poncif de course après l’extrême droite) et je me méfierais de cette similitude. Attitude au demeurant catastrophique d’un côté et de l’autre puisqu’elle la fait monter inexorablement…
La faiblesse régalienne du macronisme doit être dénoncée
Ma deuxième contradiction est sur le fond. Que la ligne de la direction de LR ne soit pas forcément enthousiasmante et que le duo Ciotti-Wauquiez ne brille pas de mille feux est une évidence. Mais ce constat n’interdit pas de considérer avec lucidité l’importance des problématiques de sécurité et de justice pour la droite. Elles sont devenues encore plus cruciales aujourd’hui où la faiblesse alternative du macronisme, entre poussées de fièvre sans résultats et résignation impuissante, ne cesse pas de susciter la nostalgie d’une autre politique ou de faire espérer un changement radical où le verbe ne se substituera pas à l’action avec des forces régaliennes qui seront encouragées et soutenues.
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Il y a donc une confusion très dommageable pour la droite, dont l’esprit central devrait s’inspirer d’un humanisme vigoureux, d’une sévérité allant aussi loin qu’une conception roborative de la démocratie le permet, à laisser entendre, comme le fait Xavier Bertrand, que l’extrême droite serait dépositaire d’une pensée originale dans ces domaines, que ses propositions représenteraient un scandale alors qu’au mieux elles relèvent du bon sens, au pire d’un excès demeurant dans le registre de l’acceptabilité politique.
Absurdes frilosités
LR ne court donc pas après le RN (Xavier Bertrand ne devrait pas s’abandonner au jeu puéril du garde des Sceaux continuant à le nommer FN) puisque les exigences de sécurité et de justice n’ont pas été inventées par le RN. Même s’il a été éclaireur sur certains points, mais on n’écoutait pas le « diable » Jean-Marie Le Pen, elles existaient depuis toujours au cœur de la droite longtemps effarouchée, dans son expression, par d’absurdes frilosités. Il est piquant aussi de voir célébrer par Xavier Bertrand les « fondamentaux, l’héritage gaulliste et chiraquien ». Quand on examine en détail la carrière, les pensées et les choix du général de Gaulle, on ne peut qu’être frappé par son absolu pragmatisme. Certaines de ses phrases rapportées par ses proches, notamment sur l’immigration algérienne, auraient fait paraître le RN comme modéré. Et il avait raison ! Quant à Jacques Chirac, sorti du discours de Dominique de Villepin à l’ONU, loué pour son avertissement sur « le monde qui brûle », dangereux avec son principe de précaution et incendiaire avec son refus de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe, je ne crois pas qu’il ait des leçons, avec son immobilisme, à donner à la droite d’aujourd’hui.
Le bon vieux temps du RPR
Sur le fond, le RPR des années 80, avec des intuitions fulgurantes sur ce qu’allait devenir notre France de communautés juxtaposées, avait élaboré un programme dont la lucidité et le courage intellectuel font pâlir les piètres audaces de maintenant.
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Je devine bien ce qui fait peur à Xavier Bertrand. C’est l’idée à mon sens erronée que la moindre similitude entre LR et RN serait une catastrophe, annonciatrice de l’union des droites alors qu’actuellement la ligne Ciotti a trop à faire pour être préoccupée par cette aspiration et que Marine Le Pen n’en veut pas. Restent Zemmour et « Reconquête ! », mais en panne de simple conquête ! Je suis un ami de Xavier Bertrand, je lui veux du bien. Aussi, quel que soit son futur – il n’est pas indigne de le rêver superbe -, puis-je lui demander d’arrêter net cette lancinante banalité d’une droite qui suivrait à la trace l’extrême droite, à supposer d’ailleurs que cette définition générique ait encore du sens : pour Jean-Yves Camus, son spécialiste, elle n’en a plus.
LR, et les structures l’ayant précédé, n’ont besoin de personne, et encore moins du FN puis du RN, pour trouver seuls leur chemin.
[1] https://www.ouest-france.fr/elections/presidentielle/entretien-xavier-bertrand-a-ouest-france-jai-bien-lintention-detre-candidat-en-2027-d8f5b8a0-c29d-11ee-af40-0572f37cda9b
[2] https://www.leparisien.fr/politique/xavier-bertrand-courir-apres-lextreme-droite-cest-courir-a-notre-perte-16-03-2024-BV552QA7PRAZ7NSPC37SDBR65Y.php
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