Woody et les robots


J’ai contracté à la fin de mon adolescence l’habitude de voir chaque année un film de Woody Allen. Sans les habitudes, la vie serait plus désespérante encore. J’ai rarement été déçu et Magic in the Moonlight m’a enchanté. On croit au milieu du film que Woody, après s’être converti au narcissisme, cède à la tentation du spiritualisme et et même du spiritisme : il n’en est rien. Il demeure fidèle à Hobbes, son pote qui lui a appris que l’homme est un loup pour l’homme, aux mauvaises pensées de Nietzsche, à Freud bien sûr, ainsi qu’à un art de la narration d’une extrême fluidité, approchant les sujets les plus profonds en se contentant de les effleurer, ce qui est le propre d’un homme de goût.

À peine de retour chez moi, vers minuit, je jette un œil sur  » On n’est pas couché « . J’aurais été mieux inspiré de fermer aussitôt le poste, revenant par là-même à l’univers magique de Woody Allen. Faute de l’avoir fait (un peu de curiosité malsaine et de masochisme vous entraînent vite au pire ) , j’ai eu droit à un éloge réitéré de la  » pensée convenable  » – le public formaté applaudissant à tout rompre. Selon Ruquier, quarante milliions de Français auraient une  » pensée convenable « , cependant que six millions, sans doute ceux qui succombent à l’euroscepticisme, au Front national, qui lisent Valeurs Actuelles ou, pire encore Zemmour et Causeur créent une sale ambiance. Pourquoi ne pas les mettre dans des camps de rééducation, maintenant qu’ils sont identifiés ? Certes, a dit Madame la ministre, tout cela est affligeant – ovation du public – , mais il faut en partie les excuser : la crise économique explique ce repli sur soi et cette peur de l’autre. La peur de l’autre : vieil argument éculé de la gauche . Car l’Autre, effectivement, fait peur : il veut vous dépouiller de vos biens, abuser de vous sexuellement, vous humilier et vous rouler dans la farine. Il y a de belles pages de Freud dans Malaise dans la civilisation  sur le sujet. Quant à Schopenhauer et Nietzsche, voire Hobbes, on a toujours intérêt à les relire. Ou, à défaut, voir les films de Woody Allen. Et, si possible, éviter toute pensée « convenable » , sauf dans l’émission de Laurent Ruquier où les invités sont d’une telle élévation morale qu’on se gardera bien de les fréquenter de peur de passer pour un voyou.



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