Ce Polonais, assassiné le 25 mai 1948 par le régime communiste, a joué un rôle essentiel dans la résistance contre un autre régime totalitaire, celui de l’envahisseur nazi. Il a été parmi les premiers à alerter les alliés et le monde sur l’existence et l’horreur de la « Solution finale. »
Le courage a-t-il des limites ? Chez certains hommes, la réponse est tout simplement : non. Le 25 mai, ceux qui ont le souci de commémorer l’héroïsme ont rendu hommage à Witold Pilecki, l’officier et résistant polonais qui a combattu le nazisme et le communisme et qui a été torturé successivement par les bourreaux de ces deux régimes barbares. Interné volontairement à Auschwitz, il a réussi à communiquer au monde extérieur les premières informations sur les horreurs de ce dispositif concentrationnaire et sur l’extermination méthodique des juifs.
Né en 1901 dans l’empire des Tsars, descendant de la noblesse terrienne polonaise, Pilecki prend part à la guerre patriotique des Polonais contre l’Union soviétique entre 1919 et 1921 et est décoré pour son courage. En 1939, il est de nouveau mobilisé comme capitaine de cavalerie dans le combat contre l’invasion de son pays par les nazis. Après la défaite, il participe à la création du premier mouvement de résistance clandestin. En 1940, il se porte volontaire pour infiltrer le camp d’Auschwitz afin de se renseigner sur ce qui se passe à l’intérieur et d’y créer un mouvement de résistance. Le 19 septembre, il se laisse arrêter sous un faux nom et, avec d’autres détenus, est torturé pendant deux jours avant d’être envoyé au camp de concentration où il est assujetti au dur régime de travaux forcés et de sévices. Une fois à l’intérieur, il réussit à organiser un réseau pour l’entraide des prisonniers et la collecte de renseignements. Ceux-ci sont transmis petit à petit au monde extérieur, notamment à travers des évasions de détenus polonais et l’usage d’une radio clandestine. Pilecki décide de s’évader lui-même en avril 1943 et, une fois en liberté, rédige un rapport plus complet contenant des informations précises sur la « Solution finale. » Tragiquement, l’accueil initial réservé à ces rapports par les alliés à Londres est marqué par l’incrédulité.
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Promu capitaine de cavalerie par les autorités polonaises en exil, il rejoint la résistance à Varsovie et participe à la grande insurrection dans cette ville d’août à octobre 1944. Lorsqu’elle est enfin matée, il est envoyé en Allemagne comme prisonnier de guerre. A la libération du camp où il est interné, il est affecté aux forces polonaises libres en Italie et rédige un mémoire personnel sur ses expériences à Auschwitz. En décembre, il retourne à Varsovie pour le compte du gouvernement polonais en exil à Londres afin de recueillir des informations sur l’occupation soviétique de la Pologne. Ignorant des ordres le rappelant à Londres, il prolonge son séjour afin de réunir des documents et des preuves sur les atrocités commises en Pologne par l’armée soviétique entre 1939 et 1941, ainsi que la persécution des opposants au nouveau régime soviétique. Il est arrêté en mai 1947 et de nouveau torturé, cette fois par des communistes.
Selon lui, en matière de tortionnaires, les rouges étaient encore plus sauvages que les bruns. Lui qui a consacré tant d’efforts à recueillir des informations, n’en divulgue aucune sur son réseau de contacts. Après un simulacre de procès, il est exécuté lâchement d’une balle dans la nuque. Sous le régime communiste, il est considéré comme un traître. Sa mémoire n’est pas entretenue ; on ne sait même pas où son corps a été enterré. Finalement, il est réhabilité en 1990. En 2008, il reçoit à titre posthume la plus haute décoration que l’État polonais puisse décerner et, en 2013, il est promu colonel. L’humanité lui doit encore bien des commémorations.
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