Accueil Édition Abonné Les Pays-Bas n’ont toujours pas de Premier ministre, mais enfin une feuille de route

Les Pays-Bas n’ont toujours pas de Premier ministre, mais enfin une feuille de route

Le parti de droite nationale PVV, les libéraux du VVD, le centre droit du NSC et le mouvement agriculteur citoyen BBV se sont entendus


Les Pays-Bas n’ont toujours pas de Premier ministre, mais enfin une feuille de route
Geert Wilders, La Haye, 2 avril 2024 © John Beckmann/Orange Pictures/Sh/SIPA

Le prochain gouvernement néerlandais ne portera pas le nom de M. Geert Wilders, mais sera empreint de sa marque indélébile. Un accord de gouvernement vient d’être trouvé.


Esprit de Geert Wilders, es-tu là ? Oui, car certains points du très droitier programme de gouvernement dévoilé jeudi 16 mai résument les marottes du politicien anti-immigration. Ainsi, sur le plan des demandes d’asile, il appliquera « le programme le plus sévère jamais vu aux Pays-Bas », promettent les quatre partis signataires. En premier lieu le Parti de la Liberté (PVV) de M. Wilders.

Un gouvernement qui entend affronter strictement la crise migratoire

L’immigration y est qualifiée de « sujet à crise », justifiant des mesures draconiennes. L’asile ne sera plus accordé ad vitam aeternam et pourra été révoqué à tout moment. Les déboutés du droit d’asile seront expulsés, le refus d’obtempérer vu comme un délit. Finie désormais l’automaticité du regroupement familial, tout comme le droit aux logements sociaux de demandeurs d’asile légalisés. Ceux-ci ayant souvent priorité sur des Néerlandais ayant poireauté pendant des années sur des listes d’attente. Sera abrogée également la loi qui oblige des maires à accueillir des demandeurs d’asile et autres réfugiés contre lesquels les habitants sont souvent entrés en rébellion musclée. Le futur gouvernement s’efforcera, dans l’Union européenne, de protéger davantage les Pays-Bas de flux migratoires, prenant exemple sur ce que le gouvernement social-democrate danois a obtenu en ce domaine.

Sur l’éducation, le futur gouvernement veillera à ce que l’enseignement de la Shoah ne soit pas supplanté par celui fustigeant les méfaits du colonialisme et du racisme aux Pays-Bas.

Wilders jugé trop clivant

Ce gouvernement ne sera cependant pas dirigé par M. Wilders, jugé trop clivant y compris par ses partenaires. Il ne fait pas de doute pour autant qu’en coulisse, c’est M. Wilders qui veillera à ce que « la volonté du peuple soit respectée » comme il l’a dit maintes fois pendant les laborieuses tractations en vue de former une coalition après son triomphe électoral aux législatives de novembre 2023.  Son parti obtint 37 des 150 sièges dans la Chambre des Députés, de loin le groupe le plus important.

Impossible donc de respecter encore plus longtemps le « pacte anti-Wilders » en vigueur depuis une vingtaine d’années – quand il quitta le parti libéral VVD… avec lequel il a signé son accord dans la nuit de mercredi à jeudi.

Des marges, voilà M. Wilders installé au centre de la politique néerlandaise. Restait à lui trouver des partenaires gouvernementaux pas intimidés des cris d’orfraie de la gauche contre cet affreux raciste. Le VVD et le Mouvement des Paysans et des Citoyens (BBB) se sont laissés convaincre rapidement. Ce qui ne fut pas le cas du dirigeant du parti Nouveau Contrat Social (NCS), M. Pieter Omtzigt. Celui-ci reprocha à M. Wilders ses marottes aux prises avec les libertés de religion et d’enseignement, et de faire fi de la Constitution en voulant interdire dans la rue le foulard islamique, des écoles islamiques, le Coran. M. Wilders a consenti à mettre ces promesses électorales « dans le frigo ». Pour mieux les conserver ? Concession bien plus importante, Wilders a renoncé à être Premier ministre, rompant ainsi avec l’usage qui veut que le vainqueur des élections législatives forme le gouvernement.

Les observateurs de la presse dite de qualité, qui le détestent, parlent d’une fausse concession. En réalité, M. Wilders saurait que sa nomination à la tête d’un gouvernement risquerait d’enflammer ‘les jeunes des quartiers’, horripilerait le monde arabo-musulman et poserait de graves problèmes de sécurité pour l’homme condamné à mort par Al-Qaida et vivant sous escorte policière permanente.

La composition du gouvernement prendra encore quelques semaines sous l’égide d’un médiateur. Il est de notoriété publique que M. Wilders verrait bien…. un socialiste comme Premier Ministre, M. Ronald Plasterk. Socialiste, mais non-sectaire car M. Plasterk, ancien ministre, est également chroniqueur du journal conservateur De Telegraaf. Mais le futur Premier ministre, acceptera-t-il (ou elle) de ne pas être le véritable chef de la coalition ? C’est à dire, de devoir toujours demander l’imprimatur de M. Wilders ?




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Journaliste hollandais.

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