En 2003, Elisabeth Badinter publiait Fausse route, un essai qui mettait en garde les femmes contre la tentation – auxquelles cédaient déjà les tenantes d’un certain féminisme- d’instaurer un nouvel ordre moral. Ce dernier, expliquait-elle, passe notamment par des expériences symboliques visant à nier la masculinité, comme en Suède où il était de bon ton dans certains milieux à la fois féministes et hygiénistes, d’apprendre aux petits garçons à uriner assis, comme leurs soeurs et copines.
Puisque nous sommes en Suède et dans le pipi masculin, restons-y. Le conseil général de la région du Sörmland étudie ainsi une modification de son règlement intérieur visant à obliger tous les hommes à pisser assis. Les promoteurs de cette innovation juridico-urinaire avancent des arguments médicaux. Cette pratique diminuerait les troubles de la prostate. On cherche encore les études scientifiques permettant de donner foi à telle assertion. Mais cela n’arrête pas Viggo Hansen, à l’origine du texte. En évitant de pisser comme depuis des siècles, l’homme serait un bien meilleur amant. Bon sang, mais c’est bien sûr !
Evidemment, il y a bien un lien entre la tendance dénoncée par Elisabeth Badinter et l’expérience du Sörmland. D’ailleurs, la philosophe signale aussi que le mouvement alternatif berlinois avait apposé sur la porte des W-C des panneaux représentant un mâle en train d’uriner debout barré à gros traits rouges. Dans tous les cas, il s’agit d’aligner le comportement masculin sur le comportement féminin, de bien meilleur aloi. Et cela doit se faire jusque dans les chiottes, comme dirait Vladimir Poutine. On s’interroge sur l’application de telles réglementations. Les urinoirs éradiqués,va-t-on supprimer le verrou de chaque cabine afin d’effectuer des contrôles inopinés ? Dotera-t-on les lieux d’aisance de caméra de vidéo-surveillance ou préférera t-on imaginer un système de radar, calculant la position grâce à la force du jet ? De même, comment sanctionnera-t-on ceux qui violeraient le règlement ? Une simple amende ? L’inscription forcée à des cours de rééducation urinaire ? Les sanctions seront-elles aggravées si c’est une femme qui pisse debout ?
Tant de questions qui nous amusent mais nous inquiètent à la fois. Car les idées suédoises en matière de relations femmes/hommes font souvent des émules dans le reste de l’Europe. Celles qui entrent avec entrain dans nos chambres à coucher afin de nous inciter à oser le clitoris seront-elles ainsi tentées d’entrer dans nos toilettes ? Maintenant qu’elles ont au sein même du cabinet (sic) de Najat Vallaud-Belkacem une représentante, un nouveau droit des femmes pourrait bien être créé, celui, inaliénable de ne pas s’asseoir sur une cuvette souillée par des hommes maladroits. Aussi imploré-je ces derniers de parfaire leur jet de toute urgence ou de relever la lunette. Il y va de notre droit à nous les hommes, de pisser tranquille.
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