Ils sont nés d’une défaite, celle de l’UMP aux élections régionales de 2010 : ils pourraient bien prospérer sur la rude présidentielle annoncée pour Nicolas Sarkozy. Les 60 députés de la Droite populaire, collectif créé par Thierry Mariani et Lionnel Luca, poursuivent un objectif en apparence simple : « Revenir aux fondamentaux du sarkozysme 2007 et faire barrage au Front national. » À en croire les résultats des cantonales, la deuxième partie du programme semble bien mal embringuée. À tel point que certaines mauvaises langues, à droite, considèrent que la Droite populaire avance masquée et qu’elle est en fait le chaînon manquant entre une UMP affaiblie et un Front national normalisé en vue d’une alliance indispensable à la droite pour se maintenir au pouvoir après 2012.[access capability= »lire_inedits »]
Le pas pourrait être vite franchi, poursuivent ces méchants camarades, brandissant à l’appui de leur pronostic l’épouvantail Christian Vanneste. Le député du Nord s’est en effet toujours montré hostile au « cordon sanitaire » censé isoler l’extrême droite depuis les années 1980. À l’automne 2010, il s’était prononcé sans chichis pour une alliance avec le FN aux législatives de 2012. Ce qui lui a valu une menace d’exclusion de l’UMP. Certains de ses collègues députés considèrent qu’il est « presque plus à droite que Marine Le Pen ».
Lui en rigole et m’explique très placidement que son seul but est de « restaurer le versant droit de l’UMP, ce qu’était le RPR autrefois. C’est en laissant cet espace vide qu’on a permis la progression du FN. » La droite populaire, poursuit-il, n’est ni un chaînon manquant, ni une passerelle en construction : « On est là pour proposer des idées au Président de la République quand on le rencontre. Par exemple, les jurys populaires, ça vient de chez nous. »
«Entre la gauche bien-pensante et l’extrême droite montante»
Pour une partie des élus qui en sont membres, la Droite populaire doit, en vue de la présidentielle, se structurer en vrai courant dans l’UMP, au-delà du simple club de parlementaires. « Si on est malins, on réussira à imposer nos thématiques pour 2012 », glisse un député. Car l’ennemi, en ces temps difficiles pour la droite, ce n’est ni la gauche, ni le Front. L’ennemi, c’est Borloo et son « idéologie centriste », tranche Vanneste : « Le Parti radical est dépourvu d’idées, il ne fait que de la tactique. Y a-t-il plus éloigné du gaullisme que ça ? »
Lionnel Luca, député des Alpes-Maritimes, enfonce le même clou. Il y a un mois, il dénonçait le recul du Président qui avait accepté, sous la pression des centristes, de retirer de la loi « Loopsi 2 » l’article sur la déchéance de nationalité. « Pour moi, c’est le mardi noir de la majorité présidentielle, explique-t-il. Une décision pareille, ça nous flingue dans notre électorat, qui nous reproche de ne pas tenir notre ligne. » Borloo et ses « rêveries de démocrate-chrétien centriste », selon un autre membre de la Droite populaire, sont presque plus un sujet d’angoisse que la « Peste blonde ». « L’idéologie centriste va nous coincer en tenailles entre une gauche bien-pensante et l’extrême droite montante », conclut Vanneste.
« Ces gens-là pensent que tout est perdu, alors ils font sécession sans oser en prononcer le nom », balance un député droito-populiste. Du coup, chez Borloo, on hésite entre le fatalisme − « On ne s’est jamais vraiment aimés », avoue un borlooïste − et le roulage de mécaniques – « Ils sentent bien qu’on représente quelque chose, sinon pourquoi s’en prendraient-ils à nous ? » La coexistence pacifique entre ces deux chapelles de la droite a clairement du plomb dans l’aile. D’ailleurs, Borloo a déjà annoncé que les radicaux quitteront l’UMP en avril. « Franchement, on respirera mieux dehors qu’avec ces types qui voient des islamistes partout et ne pensent la France et la politique qu’en termes de conflit », poursuit un député radical.
Ligne droite et de droite
Lionnel Luca entend assumer ce conflit et considère que c’est en traçant cette ligne droite et de droite que l’on neutralisera le danger frontiste pour Sarkozy : « Regardez dans mon département, les Alpes-Maritimes, gros scores du FN mais pas un élu. Parce que nous sommes réactifs avec les gens modestes. » C’est d’ailleurs ce qui rassemble les députés de la Droite populaire ; ils ont tous eu ou ont toujours de gros problèmes avec le Front dans leurs circonscriptions : Vanneste dans le Nord, Mariani dans le Vaucluse, Luca dans les Alpes-Maritimes,ou même François Vannson dans les Vosges. « Ce n’est pas la fascination de l’extrême droite qui les rassemble, explique un député du Sud de la France. Certains, comme Mariani, ont ou ont eu des ennemis et concurrents directs au Front, comme Jacques Bompard. D’autres manifestent une forme de fidélité brutale au gaullisme, au RPR dur. Dire qu’ils sont le chaînon manquant vers le FN est un peu léger. »
Un peu léger, mais quand même : faisons donc un peu de politique-fiction. Il est difficile d’imaginer que Marine Le Pen se contentera très longtemps de cartonner dans les urnes sans jamais guigner de fauteuils. On peut même penser que, contrairement à son père, elle veut exercer le pouvoir. Quand on lui parle d’alliance avec l’UMP ou tout autre parti de droite, elle ricane. Pour combien de temps ?
À l’UMP, on s’offusque : « Ceux qui nous font passer pour le point de ralliement cherchent à nous discréditer », s’énerve Lionnel Luca. Voire. Après le pavé dans la mare – à moins que ce ne fût un ballon d’essai − de Vanneste à l’automne, certains observent avec attention l’Italie, où le MSI, ex-néofasciste, s’est mué en parti de gouvernement respectable et respecté, ou bien l’Espagne et son Parti populaire. Dans ces expériences, l’extrême droite, recouverte de peinture fraîche, a toute sa place. On imagine ainsi des « alliances géographiques ». « Il faut combiner idéologie et géographie, explique un député de la Droite populaire qui préfère rester anonyme, et pour cause. Les positions radicales n’intéressent pas l’Ouest catholique de la France, c’est un fait. Mais dans le Nord ou le Sud, il faut imaginer travailler à des alliances géographiques. » Avec un Front qui ne serait plus vraiment le Front. C’est-à-dire celui de Marine, non ?
Avant d’arriver à ce futur pas si lointain, la Droite populaire doit gagner dans l’esprit de Sarkozy et imposer ses thèmes pour la campagne. Éviter « l’ouverture à la gauche caviar has been », l’installation dans la vie politique de « starlettes façon Rama Yade », voire la centrisation du discours de campagne 2012. Ses élus vont aller se faire entendre à l’Élysée, à l’UMP, multiplier les tribunes, les colloques pour dire qu’ils sont LA droite. « Dans ce pays, la droite est considérée comme fréquentable si elle est de gauche. Nous, nous ne souffrons pas de la culpabilité traditionnelle de la droite », argumente Lionnel Luca. Reste à savoir si ses troupes apprécieront la blague qui court à l’Assemblée, qualifiant la « Droite pop » d’« UMP bleu Marine »…[/access]
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