Vote obligatoire : à quoi joue Bartolone?


Vote obligatoire : à quoi joue Bartolone?

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Et revoilà le vote obligatoire ! Cette idée revient de temps à autre, avec l’idée de culpabiliser ceux qui ont l’audace de préférer taquiner le goujon les jours de scrutin. Claude Bartolone vient de découvrir –tenez-vous bien !- que l’abstention serait moins importante si on verbalisait les abstentionnistes. Il n’est d’ailleurs pas le seul dans ce cas. Un parti souverainiste qui a toute ma sympathie a fait sienne cette proposition depuis quelques années, ce qui m’a valu de belles engueulades avec de bons amis, qui m’assurent que cette solution permettrait aux petits partis de devenir plus gros. Je n’y ai jamais cru. Le désir ne se décrète pas. Que penserait-on d’un cuisinier qui forcerait, tel l’un des personnages de L’Aile ou la cuisse, ses convives à ingurgiter des plats qu’ils trouvent immangeables ? Les citoyens, en réalité, sont loin d’être aveugles. Et les Français demeurent un peuple très politique, malgré les forts taux d’abstention. Il suffit d’examiner le différentiel des taux de participation selon les types d’élection pour s’apercevoir que les citoyens peuvent se mobiliser massivement (élection présidentielle, référendums sur l’Europe) ou en bouder d’autres, en fonction des enjeux. Il n’y a donc pas de crise de la demande de politique mais bien une crise de l’offre.

L’illégitimité de la proposition du Président de l’Assemblée nationale prend sa source ici. C’est un responsable emblématique de l’offre qui souhaite sanctionner les récalcitrants. Comme d’habitude, on nous fait le coup des gens-qui-sont-morts-pour-que-nous-puissions-voter. Culpabilisation insupportable au pire, qui en touche une sans faire bouger l’autre, au mieux.  Alors, comme ça ne suffit pas, on va mettre une amende à ceux qui ne se déplacent pas, en faire des chauffards de la démocratie. Et pourquoi pas nous enlever des points sur notre permis de conduire ? S’il n’est pas satisfait de l’offre, le chauffard peut très bien voter blanc, explique Bartolone. D’ailleurs, depuis un an, on sépare les bulletins blancs des bulletins nuls. Mais bon, on n’est pas allé jusqu’à les compter dans le total suffrages exprimés. Parce que le citoyen qui se rend au bureau de vote et ne met rien dans son enveloppe, il n’exprime rien, c’est bien connu. On se demande également ce qu’il adviendra des gens qui décident, par exemple à la faveur d’un déménagement, de ne pas s’inscrire sur les listes électorales. Claude Bartolone a-t-il prévu de les traquer ? Devront-ils participer à des stages de rééducation à la citoyenneté ? Ou ne s’en préoccupera-t-on pas, créant une inégalité flagrante avec l’abstentionniste occasionnel verbalisé ?

Notre époque ne manque pas de paradoxes. Comme me le soufflait hier ma consoeur Eugénie Bastié, il sera bientôt interdit de fumer, d’être trop gros ou trop maigre, alors qu’on pourra se shooter librement dans des salles prévues à cet effet ou aller faire une GPA à l’étranger, tandis qu’il sera obligatoire de voter ou de donner ses organes. On ne saurait mieux résumer le ridicule de la situation.

 



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