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« Vortex » de Gaspard Noé. Sortie le 13 avril


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Alex Lutz, Françoise Lebrun et Dario Argento dans "Vortex" (2022) de Gaspar Noé © Wild Bunch

Dans son dernier film, Vortex, le réalisateur Gaspar Noé fait une nouvelle fois preuve d’une grande finesse et intelligence cinématographique. Il filme la maladie d’Alzheimer sans que jamais le nom de la maladie ne soit prononcé. Un film glauque, en salles mercredi prochain.


Vortex ? Selon le dictionnaire « vortex » est un terme didactique de genre masculin, désignant un « tourbillon qui se produit dans un fluide en écoulement ». Soit, en océanographie, ce qu’on appelle un «gyre» : un « tourbillon marin à l’échelle d’un bassin océanique, formé par la réunion d’un ensemble de courants » – je recopie la définition.

La mauvaise réputation

Ce mot qui sonne bien fournit son titre au dernier film de Gaspar Noé, cinéaste à la réputation si sulfureuse que chaque nouvel opus du réalisateur passe pour une provocation. C’est là une grave erreur d’appréciation : Gaspar Noé ne travaille qu’à l’instinct, aux tripes. De fait, si Vortex s’ouvre dans la fausse douceur d’un clip de la jeune Françoise Hardy, sur les paroles magnifiques de Cécile Caulier et Jacques Lacome : « Croit celui qui peut croire/ moi j’ai besoin d’espoir/ sinon je ne suis rien/ou bien si peu de choses/ C’est mon amie la rose/ qui l’a dit hier matin » –  c’est pour s’extraire illico de la romance.

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Vous vous souvenez du film Irréversible, il y a 20 ans ? À la vérité, ce pourrait être le nom de chacun des longs métrages de Gaspar Noé. Dédié, en épigraphe, « à tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur », Vortex ne nommera nulle part son sujet de façon explicite : la maladie d’Alzheimer, dont a souffert sa mère avant de s’éteindre. Lui-même atteint fin 2019 d’une hémorragie cérébrale, il a traversé la pandémie en convalescent, riverain de l’Achéron…  A Cannes en 2021, Vortex était « vendu » à la critique sous un slogan acide : « la vie est une courte fête qui sera vite oubliée ». Après Amour (Haneke) et The Father (Florian Zeller), voilà donc une nouvelle variation sur la fatalité du grand âge et ses séquelles.

Wild Bunch

Une fois de plus, Gaspar Noé s’attaque frontalement à l’expérience, y tramant une expérience-limite de cinéma. Ainsi, pour décrire la décomposition mentale d’une ancienne psy frappée d’aphasie, en couple avec un vieux critique du septième art travaillant avec peine à un essai sur le rêve, couple dont le fils, technicien de plateau en situation précaire demeure manifestement vulnérable à une ancienne addiction aux stupéfiants qui lui a valu quelques séjours en asile psychiatrique, le réalisateur opte pour un parti pris formel radical : le split-screen, de part en part.

Split-screen

Sur l’écran scindé en deux, donc, il instruit un huis-clos étouffant dans un appartement parisien envahi de livres et de reliques.

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Pour camper ses trois personnages, Noé a choisi deux figures de légende : dans le rôle du mari, Dario Argento, le pape octogénaire du « giallo » (ce genre 100% transalpin, à la croisée du film d’horreur et du film érotique), dont on a découvert à Berlin cette année l’ultime opus, Occiali neri (le maître n’avait plus rien tourné depuis dix ans !). Dans le rôle de l’épouse, une légende vivante : Françoise Lebrun, l’héroïne de La maman et la putain (1973), incunable en noir et blanc signé Jean Eustache. Et dans le rôle du fils, le réalisateur-comédien Alex Lutz, pour le coup dans un contre-emploi total, convainquant contre toute attente. À noter, au cœur du film, ces citations en abyme (car le critique d’âge canonique visionne sur petit écran ses classiques) : extraits de Solaris, de Tarkovski, ou encore tel plan serré sur une légion de crabes invasifs, tiré de Océans, le docu de Jacques Perrin – Ô cinéphilie! Ajoutons que, dixit Gaspar Noé, le scénario tenait en dix pages, et que tous les dialogues ont été improvisés – performance supplémentaire, d’une admirable virtuosité. Pour le spectateur –  et à n’en pas douter c’était bien l’intention de Gaspar Noé – , Vortex reste une épreuve. Non tant par la violence de l’image, comme c’était le cas dans Carne, Seul contre tous ou Climax, que par l’atroce pesanteur qui pèse sur ces existences parvenues à leur terme : ce qui s’appelle l’inexorable. 





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