Devenu banal dans nos villes, le voile islamique n’est pas seulement une affaire de liberté individuelle. Les femmes qui le portent pensent afficher leur foi, elles brandissent, souvent sans le savoir, un étendard identitaire remis au goût du jour par les Frères musulmans. La scandaleuse campagne « Respectez le hijab », financée par l’UE, est le dernier avatar de leur activisme. Mais si nous devons vivre avec le voile, rien ne nous oblige à l’aimer.
On a fini par s’y habituer – ou s’y résigner. Qu’on le veuille ou pas, les femmes musulmanes voilées font partie du paysage français et européen. Dans certains quartiers de Bruxelles ou de Seine-Saint-Denis, c’est la vision d’une femme « en cheveux », comme on disait du temps de ma grand-mère, qui étonne ou fait scandale.
Bien sûr, pour les marchands de sable qui martèlent sans relâche que tous les ferments de destruction de notre civilisation, du wokisme à l’islamisme, n’existent pas, le hijab n’est qu’un morceau de tissu, il faut être bien nigaud ou zemmourisé pour en avoir peur. Dans un de ses interminables et sirupeux morceaux de bravoure destinés à prouver que le peuple perd la tête, l’inénarrable Claude Askolovitch parle, à propos de ces gens ordinaires qui ne s’enthousiasment pas pour ce signe extérieur d’islamité, de « fange encouragée » – tu sais ce qu’elle te dit la fange [1] ? À part ça, c’est toujours la même entourloupe : il n’y a rien de nouveau, mais c’est une nouveauté merveilleuse.

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Le voile est polysémique
Indifférents à leurs pénibles diatribes, beaucoup de Français pensent au contraire que ce « morceau de tissu » change leur pays, visuellement et dans ses tréfonds. Et pas en mieux. Peut-être se soucient-ils plus de pouvoir d’achat et des études de leurs gosses que de questions identitaires qui pourrissent l’ambiance (ça se comprend), et puis, ils n’aiment pas peiner leurs contemporains et encore moins leurs contemporaines. Gagnés comme nous tous par la préférence individuelle, ils sont embarrassés par l’argument prétendument imparable des progressistes, qu’il s’agisse de la PMA, de l’écriture inclusive ou du voile : après tout, ça ne gêne personne. Sauf qu’en réalité, ça gêne pas mal de monde. La tonitruante propagande pro-hijab du Conseil de l’Europe, réalisée avec la bénédiction et les finances de l’Union européenne, a enflammé le débat public et les réseaux sociaux en France, plus que dans tous les autres pays. Au point que le gouvernement a protesté et obtenu, non pas le retrait de la campagne comme il l’a claironné, mais celui de certains messages, les visuels (que nous avons détournés en « une ») étant toujours disponibles sur le site du Conseil. On veut bien
