Françaises, Français, mes chers compatriotes,
C’est la dernière fois que je vous présente mes vœux. Je pourrais peut-être m’offrir, pour une fois, le luxe d’être sincère, vous dire la vérité. Après tout, on ne se reverra pas. Ca ne va pas me briser le cœur et à vous non plus. On ne s’est jamais aimés. Moi, pas du tout en tout cas, je vous rêvais comme on rêve les Français chez Terra Nova, jeunes, modernes, connectés et pas trop syndiqués. Ou alors comme dans un village sous le président Fallières avec l’instituteur socialiste, le curé monarchiste et le pharmacien franc-maçon autour du billard, au Café des Amis, le genre d’établissement que ne penseraient jamais à attaquer les dingues de Daech.
La première chose que j’aimerais vous faire comprendre, c’est qu’il est inutile de chercher une explication quelconque à mes échecs répétés. Pour vous parler franchement, je crois tout simplement que je n’étais pas à la hauteur. Le costume était trop grand pour moi. C’est sans doute pour ça que j’en ai porté des trop petits tout le long de mon quinquennat. En fait, j’ai été le premier surpris par ma victoire à la primaire en 2012. Moi, mon plan, c’était de faire ministre de DSK. Ca m’aurait suffi. Peut-être Matignon, pour couronner ma carrière, mais pas plus, vraiment. De toute façon, je ne suis pas dupe. Encore une fois, je sais que j’ai été élu parce que vous détestiez Sarkozy, pas parce que vous m’aimiez. Je sais très bien que vous m’avez élu par défaut, sans enthousiasme.
Mon bilan est objectivement catastrophique. La situation économique est désastreuse et les quelques chiffres qui montrent une amélioration de l’emploi sont plus maquillés qu’une voiture volée. En fait, quand par hasard vous trouvez du boulot, mes chers concitoyens, c’est tellement précaire que vous acceptez un salaire de misère, des temps partiels et que vous n’osez plus protester. Vous allez tous finir comme des chauffeurs de chez Uber ou des employés de chez Amazon. Tenez, je ne crois pas que Dickens ou Zola auraient osé imaginer un chapitre de roman avec une femme qui fait une fausse couche sur son lieu de travail, comme c’est arrivé à Auchan-Tourcoing parce qu’on l’a empêchée de quitter son poste.
Mais il faudrait que je sois plus précis. Mon bilan est objectivement catastrophique pour vous, les salariés, les chômeurs, les précaires mais moi, finalement, j’ai rempli en cinq ans une mission historique qui laissera mon nom dans les manuels comme un des meilleurs serviteurs du capitalisme triomphant.
Premièrement, j’ai liquidé le socialisme. Enfin ce qu’on appelle encore le socialisme chez les journalistes paresseux et chez les moins paresseux, ce qu’on appelle la social-démocratie, voire le social-libéralisme. Grâce à moi, le PS, en menant une politique vraiment de droite va disparaître au profit de la droite. Vous avez beau faire pendant cinq ans des mamours aux patrons, à la fin, ils préfèreront quand même l’original à la copie.
Deuxièmement, je laisse la place à la droite mais pas n’importe quelle droite : une droite dure, catho, ultra-libérale et violemment antisociale qui saura parfaitement protéger les intérêts des dominants. D’autant plus que grâce à moi, toujours, qui ai fait disparaître le socialisme, il ne restera comme opposition aux ultra-libéraux réacs genre Fillon et aux ultra-libéraux pseudo-progressistes genre Macron que le FN qui fera semblant de tenir un discours social pour achever de brouiller les cartes.
Il y a bien le risque que la vraie gauche s’organise, mais j’ai l’impression que pour l’instant, c’est plutôt la division qui règne.
Voilà, je ne me représente pas, non parce que j’aurais fait 7 ou 8% à la présidentielle, je ne me représente pas parce que, malgré les apparences, j’ai fait le boulot. Finalement, je vous aurais bien eus.
Allez vive ce qu’il reste de la République, vive la France d’après (d’après quoi, je ne sais pas trop) et bonne chance à tous pour cette année 2017 où vous allez prendre cher, à mon avis.
[Ceci est, bien sûr, une parodie]
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