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Vivre ou mourir, faut-il choisir?

Fin de vie libre et choisie ?


Vivre ou mourir, faut-il choisir?
Dans le service d'urgence de l’hôpital Bichat à Paris © JEROME MARS / JDD / SIPA Numéro de reportage : 00788684_000019

Planifier sa mort est dans l’air du temps. Ce que l’on nous présente comme l’ultime liberté révèle davantage l’individualisme de notre société. Nous croyons traiter les mourants selon leurs désirs. Mais ces désirs, c’est nous qui les fabriquons, car la valeur qu’ils attachent à la vie dépend de l’image que nous leur en donnons.


« Ô mort où est ta victoire ? » s’exclame saint Paul (I Co, XV/55). Mais la Résurrection à laquelle il fait allusion a été précédée par un passage dans la mort dont la perspective terrifiait Jésus au jardin des Oliviers. Autrement dit, la théologie s’appuie sur une anthropologie où la mort a sa place, comme l’indique la formule sur le grain qui a besoin de mourir pour fructifier. Pour que la vie en effet déborde l’existence d’un individu ou d’un couple, il faut qu’elle sorte de son logement et connaisse un détachement qui évoque la mort.

Les interférences entre la vie et la mort sont diverses. La plus classique est celle des rencontres des parents et amis autour du mourant ou du défunt, moments où l’avenir prend racine dans le souvenir. Mais il est aussi des situations où vie et mort se superposent, où le sentiment de l’une et le sentiment de l’autre se renforcent réciproquement. D’une telle situation, on a un témoignage saisissant dans « Mission sur Arras[1] » d’Antoine de Saint-Exupéry. Il y rend compte de son état d’esprit au cours d’une mission d’observation qui l’obligeait à rester à une altitude permettant de photographier la ville et les troupes qui l’occupaient. Pour prendre les photos, il ne fallait voler ni en rase-mottes ni très haut, mais l’altitude requise était aussi celle où on est le plus vulnérable à la DCA ennemie. Dans ces conditions, dit le rescapé, il ne faut pas se dire qu’on risque sa vie, mais se considérer comme déjà mort, ce qui est peut-être le comble de la vie si le sentiment d’être dans un sursis à chaque instant renouvelé fait sentir le plus fortement qu’on est en vie.  Cette situation est évidemment extrême, mais on peut étendre la signification de ce témoignage en disant que risquer consciemment sa vie, c’est déjà la considérer du point de vue de sa fin possible. Ceci implique que le moment du passage, le « mourir » peut-on dire, se trouve enveloppé dans quelque chose d’autre, dans cette forme sublimée et collectivisée de la vie dont parlent les annales des armées au combat. Ce mixte de vie et de mort qui tient la troupe ensemble et la garantit du sauve-qui-peut, cet élément de cohésion peut être immanent à l’action, comme dans les charges de cavalerie de Murat, ou bien dépendre d’une conscience plus longue et plus profonde, comme le sentiment de la patrie en danger dans les tranchées de la Grande Guerre.

La mort n’est plus une affaire familiale

S’il est rare que le sentiment de la vie et celui de la mort coexistent aussi dramatiquement, il est par contre banal que l’annonce d’une mort réveille la conscience de ce qu’elle n’emportera pas, de ce qu’elle laissera,

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Mai 2021 – Causeur #90

Article extrait du Magazine Causeur




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Essayiste, théologien, président des amitiés judéo-chrétiennes, Paul Thibaud a dirigé la revue Esprit.

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