« Plus personne n’aime plus personne. » C’est en ces termes que commence l’article de Jérôme Leroy consacré à ces résidences surveillées prisées par des gens qui n’ont rien contre un pays où tous les gars du monde pourraient se donner la main mais qui vivent dans un autre.
D’abord, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a encore des lieux où les gens s‘aiment ou, à défaut, se respectent. Par exemple, je vis en bonne intelligence avec mes voisins, notamment avec l’un d’eux, peintre en bâtiment arrivé depuis peu de Corbeil, ville de l’Essonne désormais bien connue des services de police où, comme ses parents, il avait passé toute sa vie dans l’amour des siens et le respect des autres. Et puis un jour, quand son fils de 10 ans est sorti acheter le pain avec une pièce d’un euro pour revenir sans le pain, sans le sou mais avec le nez cassé, victime sans doute du creusement des inégalités sociales, il a pris sa famille sous le bras et l’a installée dans mon village. Ce n’est pas en prenant la fuite qu’on entretient la cohésion nationale, mais qui lui reprochera de refuser de jeter sa femme, ses enfants ou ses parents âgés dans la bataille pour le vivre ensemble ? Les partisans de la loi SRU sans doute.
D’autres plus fortunés font un autre choix que l’exil, ils s’enferment dans des résidences surveillées comme à Etiolles pour vivre entre eux. Mais si mon camarade Jérôme avait retiré ses lunettes marxistes pour appréhender cette réalité-là, il aurait vu de ses propres yeux que ces cadres supérieurs ne fuient pas leurs prochains qui sont employés, ouvriers ou chômeurs, mais dressent des murs entre eux et des quartiers que l’immigration a transformés en jungle.
Evidemment, on les appelle aujourd’hui des « quartiers populaires », alors tout le monde peut se tromper. Pour éviter de parler d’immigrés là où il y a des délinquants, on a volé ce terme qui désignait les gens modestes et honnêtes pour le donner à la racaille. On insulte le peuple, mais c’est toujours moins grave que d’avoir l’air raciste.
Ce ne sont pas des pauvres que les gens fuient, mais une jeunesse déracinée qui baigne dans un cocktail fait d’islam et de hip hop appelé culture banlieue. Avec de pareilles fées au dessus de son berceau, on peine à trouver sa place dans la civilisation française. Quand on idolâtre un conquérant violeur et assassin, quand on prend pour modèle des stars qui ont l’air de vivre au bord de piscines avec soixante-douze putes, la réalité du jeune racaille de base est dure. L’accès aux vraies filles consentantes est barré. Les sœurs sont sous cloches ou sous clefs et les autres ne se laissent pas draguer par Néandertal. Alors, quand on a vu et revu tous ses pornos, on viole.
Sans travail, (mais quel patron chercherait les embrouilles ?), l’accès à la consommation des marques, du luxe et du high tech est compromis. Alors on vole les plus vulnérables et on tue ceux qui ne se laissent pas faire. Les cas de vieilles dames assassinées au couteau ou bousculées à mort ne sont pas rares. Les barrières morales qui subsistent au fond des crapules bien de chez nous n’arrêtent pas la racaille. L’agression d’une femme blanche pour lui voler son sac ne va pas jusqu’au meurtre pour celui qui pourrait y voir sa mère ou sa grand-mère. Pour certains jeunes noirs ou arabes, aucune identification n’est possible, dans leur monde, les femmes vivent derrière un fourneau et sous un torchon. Si la cupidité pousse au crime, le racisme le permet.
Etiolles (objet de l’article du Monde qui a inspiré le sien à mon ami Jérôme) est une jolie petite ville de l’Essonne qui a la malchance de se situer entre Corbeil et Evry, qui elles-mêmes ont la malchance d’accueillir la misère du monde dans des proportions telles que les bandes ethniques s’y affrontent à l’arme de guerre quand elles ne s’attaquent pas à d’autres Français, qui eux sont innocents. Depuis quelques années, Il y a plus de noirs que de blancs à Evry mais le maire, Manuel Valls, le Monsieur sécurité du PS, ne peut pas le dire, même en caméra cachée et dans ces quartiers, plus de jeunes semblent attirés par la carrière de Youssouf Fofana que par celle de Gaston Monnerville. À Corbeil, où l’UMP est aux commandes, Serge Dassault, en homme de droite corrompu et corrupteur qui croit que tout s’achète, tente d’obtenir la paix en distribuant aux caïds des valises de billets avec le succès que l’on constate.
Du coup, aux alentours, les gens qui ont les moyens se réfugient dans des forteresses, les autres renoncent aux HLM, s’endettent pour devenir propriétaires et se barrent pour retrouver un monde commun à des heures de leur lieu de travail.
Où est la justice quand les gens civilisés vivent derrière des barreaux alors que les sauvages se pavanent à l’air libre, quand les travailleurs désarmés s’exilent pour échapper à des prédateurs qui ont pignon sur rue ? Ailleurs puisque selon notre camarade et Tariq Ramadan, l’injustice est sociale. À ceci près que dans la région, on n’appelle pas la résidence d’Etiolles « le clan des rupins » mais « le village gaulois ».
Mais tout cela a déjà été dit cent fois et je me lasse parfois de répéter en boucle ces évidences, de mettre noir sur blanc ce qui saute aux yeux. J’en oublie même à force les précautions d’usage pour rappeler que tous les immigrés ne sont pas des criminels, d’ailleurs, mon voisin du début est portugais. J’en ai marre de ces débats, de ce bla bla quand depuis des décennies, la situation s’aggrave et que rien ne change ou si peu. À Evry ou à Corbeil, l’UMPS n’arrive pas à réduire une insécurité qui se banalise. Alors quand on vit là, on ne peut rien faire d’autre que sa valise ?
La mafia est un fléau qui empoisonne l’Italie depuis des siècles. Les démocraties luttent, mais en état de droit, la guerre contre cette criminalité n’est qu’un long fleuve sanglant qui ne mène à aucune victoire décisive. Seuls les fascistes de Mussolini qui n’étaient pas entravés dans leurs basses œuvres par le respect des libertés publiques et les droits de la défense des accusés ont réussi à mater à coup d’exécutions sommaires les syndicalistes du crime. L’ennui, c’est qu’ils ont aussi éliminé tous les autres dont Errico Malatesta, anarchiste cher à mon cœur. La solution n’est pas d’appeler des fascistes, car même en démocratie, les territoires perdus peuvent être reconquis. Et si le droit ne le permet pas, il faut changer. Le maire de New York, Rudolph Giuliani, l’a prouvé, alors que le monde ne donnait pas cher de Harlem. Au Brésil, l’Etat de droit reprend pied dans les favelas, porté par des sections d’assaut. Quand le pouvoir met le paquet pour défendre le peuple, la pègre court ou crève.
Entre des démocraties paralysées par des contre-pouvoirs , la réticence de certains d’entre nous à assumer la répression qui s’impose et un renoncement à l’état de droit au profit d’une justice expéditive qui s’abat sur les criminels comme sur les opposants, il doit exister une troisième voie.
Cette voie d’une République démocratique et forte, je la cherche, je réfléchis, je me prends la tête et je me gratte le front. Dans mon crâne, ça bouillonne parfois, mais plus souvent, ça marine. Dès que j’ai trouvé, je vous fais signe.
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