Vous ne vous intéressez pas aux animaux ? Peu importe. Si vous aimez l’histoire et la politique, ce « beau livre » qui nous vient de Suisse est pour vous. Historien du cheval, Jean-Louis Gouraud évoque l’importance de son animal fétiche dans la vie de la Cité. En Occident, on retrouve depuis l’Antiquité gréco-latine des représentations innombrables de guerriers à cheval. Chez Homère, épique et équin se confondent souvent. Xénophon, contemporain de Platon, dit l’importance pour les aristocrates grecs de pratiquer l’équitation sur leurs terres, afin de se préparer à faire la guerre.
[access capability= »lire_inedits »]Sur la glaise des champs de bataille comme dans le marbre des statues royales, le cavalier indique toujours une domination de ceux qui vont à pied, peuple qu’il convient de soumettre, ou encore ce troupeau qu’il convient d’encadrer. On voit se dessiner une féodalité sublime qui oppose cavaliers et piétons.
Cette vaste fresque commence avec le Deutéronome où Moïse déconseille aux Hébreux l’usage des chevaux… ces dangereux vecteurs d’éloignement et de conquêtes. À la fois rassurants et compagnons de l’hybris. L’auteur poursuit son panorama avec la chevalerie médiévale, les tournois festifs et cruels, le cavalier de la Renaissance magnifié dans la statuaire, et le monde équestre contemporain (le cheval du jour, qui n’est plus nécessaire pour faire la guerre ou labourer les champs, étant largement devenu festif… et féminin).
On croise Hitler donnant une « friandise » à un cheval, sous le regard gourmand de SS médusés, Mussolini sur de superbes chevaux, Churchill (formé à l’équitation militaire) qui, dans ses vieux jours, parcourt la campagne pour une chasse montée. Défilent ainsi tous les héros et salauds de l’histoire récente : Hiro-Hito, de Gaulle, Franco, Mao, Bourguiba, Kadhafi, Che Guevara, Poutine, G. W. Bush, Ben Laden… tous juchés sur des chevaux signifiants. Dans une passionnante étude, Jean-Louis Andréani évoque les relations de chacun des présidents de la Ve République à la Garde républicaine. Grand défenseur des divisions blindées, le Général était plutôt hermétique à son décorum : « La Garde à cheval ? Au vingtième siècle ! Mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse derrière la Garde à cheval ? Je ne me nourris pas de crottin ! » On sait que son opinion changea totalement après son arrivée au pouvoir en 1958.
La France contemporaine n’est pas oubliée : on voit des canassons en arrière-plan d’une affiche de Le Pen, des chevaux en pagaille au Salon de l’agriculture où défilent Jacques Chirac et Laurent Fabius, Sarkozy galopant en Camargue sous les yeux d’une trentaine de photo-reporters juchés sur un tracteur de circonstance. Christophe Donner se demande si le cheval est « central ou centriste » et souligne avec malice que le cheval se porte bien au centre-droit, François Bayrou et Hervé Morin étant tous deux éleveurs et amoureux des chevaux.
Bref, de tous les animaux, le cheval est le seul qui participe activement à la grande aventure politique de l’homme. Mais Gouraud ne nous dit pas s’il est de droite et de gauche. Chacun devra trouver pour lui-même la réponse à cette angoissante question.
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