Sur scène, en disque ou aux Éditions de l’Aube, la chanteuse lyrique franco-suisse Marina Viotti a tous les talents
La mezzo-soprano vient de faire un tabac dans le rôle-titre de La Cenerentola, au Théâtre des Champs-Elysées[1]. Artiste lyrique de l’année aux Victoires de la musique classique 2023, Marina Viotti n’est pas seulement une chanteuse lyrique exceptionnelle, mais un personnage hors du commun. Dans Et si le monde était un opéra ?, un livre d’entretien avec la philosophe Gabrielle Halpern qui vient de paraître, elle revient sur son cheminement singulier : « Lorsque les gens apprennent qu’avant de chanter à l’opéra je faisais du metal, ils ne voient absolument pas le rapport et trouvent que cela n’a aucun sens ! Mais (…) l’opéra et le metal sont beaucoup plus proches qu’on ne le croit. » Et de disserter en connaisseuse sur les différents types de metal, du heavy metal au black metal, en passant par le metal progressif ou encore le death metal, « musique très savante, difficile à jouer, et qui demande des rythmes très précis ». « Le metal est un genre écrit, composé, avec des partitions », souligne-t-elle.
Pas férue de cancel culture
C’est sous le signe de l’hybridation que cette fée Cendrillon aux baguettes multiples – fille de chef d’orchestre née au sein d’une vieille famille de musiciens, la Viotti a été khâgneuse, documentariste, flûtiste, jazziste, chanteuse de gospel et j’en passe… – s’emploie à combattre avec acharnement ce « nouveau courant de pensée post-colonialiste qui nous vient de l’Amérique », et cette actuelle propension de certain(e)s à modifier « totalement l’histoire du livret pour lui donner une fin plus féministe, plus choquante ou plus politiquement correcte (…) au risque de nous faire tomber dans un puritanisme total où l’on est obligé de supprimer des œuvres du répertoire ».
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Elle qui compare volontiers son métier à celui d’un sportif de haut niveau n’hésite pas à se risquer dans le répertoire le plus éclectique : de Carmen, de Bizet aux Sept péchés capitaux, de Kurt Weil, en passant par La Chauve-souris, de Johan Strauss, et jusqu’à l’Olimpiade, de Vivaldi ! Chanter avec la même expressivité, la même intensité, la même stupéfiante présence scénique Verdi et Offenbach, Tchaïkovski et Haendel, Rossini et Gounod relève de la haute performance.
Trésors cachés
En parallèle, Marina Viotti en est même venue à explorer les trésors cachés de la musique française. En témoigne le CD A deux voix où, conjuguant son talent avec ceux de la soprano guatémaltèque Adriana González et du pianiste basque Iñaki Encina Oyón (également claveciniste, chef de chant, chef d’orchestre !), elle se produit avec une grâce infinie dans un florilège de mélodies en duo, d’une belle rareté : s’y marient, en effet, à des compositeurs depuis longtemps passés à la postérité (Fauré, Chausson, Massenet, Gounod, Lalo, Franck…) des noms beaucoup moins connus, voire carrément méconnus, tels Pauline Viardot (1821-1910), Cécile Chaminade (1857 -1944), Paul Puget (1848-1917), Emile Paladilhe (1844-1926), ou peu attendus dans ce registre, comme Charles-Marie Widor (1844-1937) dont l’œuvre pour orgue, must des messes de mariage, occulte hélas une grande part de son inspiration.
Evoquons pour finir l’album sublime Porque existe otro querer, paru il y a quelques mois. Dans ce disque, Marina Viotti s’associe au guitariste Gabriel Bianco dans plus d’une vingtaine de morceaux, combinant Brel et Rossini, Massenet et Manuel de Falla, Gabriel Fauré et Carlos Eleta Almaran, Erik Satie et Isolina Carrillo. Un kaléidoscope esthétique téméraire, parfaitement assumé, et réalisé de façon si impeccable qu’on ne peut que s’exclamer : « Viva Viotti ! » devant tant de virtuosité.
Au Théâtre des Champs-Elysées :
Carmen, de Bizet, le 22 octobre ; La Chauve-Souris, de Johann Strauss, le 13 décembre ; Les Sept Péchés capitaux, de Kurt Weill, le 10 janvier 2024 ; L’Olimpiade, de Vivaldi, du 20 au 29 juin 2024. Récital Haendel, le 28 juin 2024.
Albums CD :
Porque existe otro querer, avec Gabriel Bianco (Aparté).
À deux voix, avec Adriana Gonzalez (Audax Records), sortie le 10 novembre 2023.
A lire :
Et si le monde était un opéra ? Entretiens entre la philosophe Gabrielle Halpern et Marina Viotti. Éditions de l’Aube.
Et si le monde était un opéra ?: La chanteuse et la philosophe
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[1] Voir https://www.causeur.fr/cendrillon-dans-l-ascenseur-social-267775
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