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Désir à l’œuvre

Vincent Roy publie "Retour à Kensington" (Le Cherche Midi, 2024)


Désir à l’œuvre
L'écrivain et critique littéraire Vincent Roy. DR.

Un écrivain quitte sa femme, Julie, et décide de vivre à Londres avec une Italienne, Alice (prononcez A-li-tché), marchande de tableaux. L’important est de suivre son désir nous rappelle l’écrivain qui est aussi le narrateur de ce roman vif et nerveux, signé Vincent Roy. Avec Julie, c’était l’impasse. Deux enfants devenus adultes, des jumeaux, des crises et des cris, la répétition des matins gris, la messe noire de la famille, la culpabilité, la mort lente. Il faut du temps pour comprendre qu’on n’est pas à sa place, finit par avouer le narrateur. Avec Alice, fraîcheur de l’instant, conformité de peaux, solitude à deux, aucune envie de mise à mort, l’amour comme un joyau qui ouvre sur la confession la plus intime. Avec elle, le désir est la loi. Le narrateur : « Alice a deviné mon enfance, j’ai deviné la sienne. » Parfait. L’érotisme permet de retrouver son enfance ; elle rend la mémoire, comme la madeleine de Proust, l’asthme en moins.

Quelques voyageurs du temps accompagnent le récit du narrateur. Ils sont triés sur le volet. Un maître mot les réunit : la liberté. Une ville : Londres (de Gaulle, juin 40, ne jamais oublier). On rencontre Casanova, Rimbaud, Haydn, l’opiomane Thomas de Quincey, Balzac, Philip Roth, Paul Morand, Freud, mort dans la capitale de l’Angleterre. À propos de ce dernier, le narrateur exhume ce que le père de la psychanalyse écrit en 1907 : « Les poètes et les romanciers sont de précieux alliés. Ils sont dans la connaissance de l’âme, nos maîtres à tous, hommes vulgaires, car ils s’abreuvent à des sources que nous n’avons pas rendues accessibles à la science. » Ils sont à « l’écoute » de leurs rêves et savent les interpréter. Quand on parle de poètes et de romanciers, il convient de savoir faire la différence entre les faux (innombrables) et les vrais (rares). Ce roman peut vous permettre de vite les identifier. Un gain de temps précieux.

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Les dialogues entre le narrateur et la sémillante Alice sont à la fois piquants et percutants. Ils nous tiennent éveillés. Mais attention, l’ennemi nous attend au tournant. Entendez la société et son cortège de pisse-froid. Votre vie est déliée, vous riez, vous passez d’un lieu à un autre, vous connaissez les correspondances, vous disparaissez, vous êtes clandestin, vous réapparaissez, mais différemment et toujours réfractaire, vous continuez à rire, même sur les chemins herbeux, vous posez votre sac dans un lieu qui devient une société secrète. Vous reprenez la route, heureux homme aux semelles de vent. Votre âme est en pleine forme. Vous ignorez la morale, vous oblitérez le temps, donc la mort, vous considérez que le monde est sans but. Vous êtes insaisissable ? Oui. Une folie douce vous anime ? Oui. Votre ligne, c’est le bon goût ? Oui. Vous prenez le temps de scruter les mouvements du vent dans l’acacia, au fond du jardin ? Oui. C’est à ce moment-là que vous affolez les dévots, dont le narrateur dresse la liste sur deux pages. Une fois répertoriés, vous n’avez plus qu’à les contourner. Mais attention, ils viennent de lancer une nouvelle offensive sous la bannière du wokisme, et ils ramassent tous les ratés du système en leur promettant une place sous les sunlights de la célébrité éphémère.

En dévorant ce roman électrique, subtilement anti-woke, j’ai naturellement pensé à Philippe Sollers, en particulier à son prémonitoire Femmes (1983). Mais également à son style percutant, ses formules audacieuses, ses précieux conseils pour éviter la contamination généralisée de notre organisme. En passant, je vous conseille L’Évangile de Nietzsche (Le Cherche Midi, 2006), une conversation entre Sollers et Vincent Roy.

Vincent Roy, Retour à Kensington, Le Cherche Midi.

Retour à Kensington

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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