L’artiste affiche avec drôlerie et (extrême) mauvais goût ses convictions politiques sur Instagram.
Jour quatre de l’ère Biden. Les media mainstream et progressistes sont en plein délire propagandiste en faveur du nouveau président des États-Unis. Biden le Messie, Trump le diable. Cela en devient grotesque et rend touchant le président déchu.
On trouve heureusement quelques rares bulles d’air sur internet. Le compte Instagram de Vincent Gallo, le réalisateur-chanteur-acteur culte de l’underground américain est l’une d’elles. Son profil ne compte “que” 14000 followers, ce qui n’est pas énorme, mais tous sont acquis à sa cause. C’est un hymne à l’amour en faveur de Trump et une violente entreprise de démolition des Démocrates et de l’idéologie woke. L’influenceur trumpiste se révèle outrancier dans ses analyses, ou plutôt ses emportements, mais la chape de plomb du politiquement correct est si pesante qu’il fait office de catharsis et j’avoue avoir beaucoup ri.
Un compte Instagram rafraichissant
Gallo, qui a commencé comme peintre au sein de l’underground new-yorkais auprès du sulfureux et talentueux Jean-Michel Basquiat a toujours été un Républicain acharné. Ce natif de Buffalo dans l’état de New-York, ville qui a voté pour Biden, voue à Trump une admiration qui confine à la dévotion. « Je prie pour qu’il gagne. Personne n’a jamais autant aimé l’Amérique que Donald Trump. Cela fut incroyable de l’avoir comme président et j’espère de tout mon cœur qu’il va gagner » peut-on lire sur Instagram. Il dit également vouloir s’opposer aux « mutants » que sont les Démocrates.
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Quel est donc le contenu de ce compte qu’il a ouvert pour soutenir son cher président ? Il se situe entre la performance artistico propagandiste et le site marchand, car Gallo y vend des t-shirts qui sont des pièces uniques en cachemire signées de son nom. Sur ces t-shirts figurent les visages de ses héros : Trump ou l’acteur Morgan Freeman. D’autres arbodent les objets de ses colères : l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, qualifiée d’ignorante ou encore Justin Trudeau dont le visage est barré du qualificatif pédé. Oui cela est infantile, mais a provoqué ma franche hilarité. Sous chaque photo de ses victimes désignées, il déroule des diatribes d’une réjouissante grossièreté parsemées de quelques éclairs de génie.
AOC, pas ma personne favorite au monde
Ocasio-Cortez : « La combinaison de son rouge à lèvres super rouge et de sa voix stridente fait qu’elle n’est pas ma personne favorite au monde. Vous vous l’imaginez en mère divorcée avec des enfants à charge ? Vous imaginez si elle était votre voisine ou votre patron ? Elle est étroite d’esprit mais surtout complètement IGNORANTE. »
Trudeau : « Justin Trudeau pense que la liberté d’expression devrait avoir ses limites ? Vraiment ? Qu’il aille se faire enculer et le Canada avec (…) Ce leader dogmatique de cette nation mineure est clairement un gay refoulé ». Question liberté d’expression, Gallo ne semble pas avoir de limites de son côté…
Bien d’autres en prennent pour leur grade : il souhaite au journaliste de gauche Angelo Carusone un cancer de la bouche, qualifie de fils de pute Frederick W. Smith le patron de Fedex et voit en la sénatrice Démocrate Rashida Tlaib le visage de la haine. Tout cela donne un peu le tournis.
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Mais le clou du spectacle est son traitement de l’affaire Floyd : « George Floyd, le meilleur homme noir de tous les temps : j’ai eu le cœur brisé en le regardant faire une overdose ». En effet, lors de l’autopsie du corps du malheureux Floyd, des traces de Fentonyl, de la morphine de synthèse, auraient été trouvées. C’est l’ultime blasphème de la part de Gallo, car Floyd fait maintenant figure de Messie de la religion woke et des adeptes de la génuflexion. Là, Gallo a sûrement franchi les limites même pour moi. Cependant, il ne fait que pointer du doigt la récupération politique dont a fait l’objet l’assassinat de Floyd, qui n’est pas beaucoup plus reluisante.
Comme Trump, Vincent Gallo ne s’adresse plus à la presse
Le bad boy borderline et sexy est connu depuis toujours comme étant le provocateur en chef du milieu artistique américain. Mais pourquoi une telle violence d’enfant blessé ?
Lors de la sortie en 2003 de son film « The Brown Bunny », road movie hypnotique et expérimental qui se termine par une fellation non simulée, il a été malmené par la critique cannoise. Il se considère depuis comme le Trump du cinéma et refuse maintenant de s’adresser à la presse. À mon grand désespoir. Mais j’aurais essayé.
Son merveilleux film, « Buffalo 66 », sorti en 1998 et qui fit lui l’unanimité nous donne peut-être quelques pistes. En quoi ce film ovniesque, arty, d’une sensibilité tragi-comique exacerbée, fait pour un public exigeant, peut-il bien représenter le « clown orange » devenu bouc émissaire des medias ?
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Ce film nous montre des oubliés du rêve américain, des freaks qui se débattent avec la vie en sachant qu’ils ont déjà perdu. Le personnage de Gallo (qu’il dit inspiré de son père honni) sort de taule, kidnappe une ravissante Marilyn de banlieue (l’adorable Christina Ricci) pour la faire passer pour sa femme auprès de ses parents desquels il essaie en vain de se faire aimer. La galerie de personnages qui défilent sont autant de figures de perdants fracassés dont les médias américains ne parlent jamais : des bookmakers mafieux, son meilleur ami (un jeune homme flasque qui ne sort jamais de son lit), son amour de lycée grimaçante et si commune (formidable Rosanna Arquette). Ils ne sont ni racisés ni gays et n’intéressent donc pas les Démocrates.
Le « clown orange », s’il n’avait pas été à la tête d’une immense fortune et président des États-Unis aurait pu être l’un des leurs.
Et inutile d’être disciple de Freud pour affirmer que Gallo est à la recherche d’une figure paternelle.
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