C’était fin janvier, dans un lieu appelé « le Château des fleurs » à Marseille : tout près du carrefour du Prado, une très grande salle où étaient réunis les participants de Roots 66 « and friends », le Salon des vins naturels. Le bio dans tous ses états. 48 vignerons y présentaient leurs produits. Alors, effet de mode ou réel progrès ?
Je suis ridiculement sensible aux noms imprimés sur les étiquettes. À l’époque où j’habitais le Languedoc, je m’étais pris d’affection pour les vins du Mas des Chimères (à Octon, près du lac du Salagou — des terres rouges pleines de bauxite décomposée et de roches volcaniques, sous un soleil impitoyable, où les vignes souffrent merveilleusement) parce qu’un vigneron — Guilhem Dardé — qui intitule son rouge « l’Hérétique » ne peut être totalement mauvais.
Bio et bon à la fois
Son vin, en tout cas, est une merveille, à condition de le carafer une bonne heure avant de le boire. C’était déjà du vin bio, et c’était un vin de garde : l’un et l’autre ne sont en rien incompatibles. Ce n’est pas la peine de donner à boire une collection de produits chimiques: avec du raisin, et rien que du raisin, on arrive aussi à faire des choses sympathiques…
J’ai donc gardé un œil sur ce qui se faisait en Languedoc et ailleurs. Tout le monde sait que je suis à moitié corse et à moitié catalan — bref, je suis un vin d’assemblage… J’arpente les Pyrénées-Orientales depuis des décennies. Une balade en vélo autour des châteaux cathares, il y a quelques années, m’avait fait passer par Riberach — quelques maisons groupées dans un paysage fabuleusement ingrat, où l’herbe ne pousse entre les granits que pour mourir au plus vite, où seules les vignes s’accrochent et insèrent leurs racines dans ce terroir tertiaire qui fut parcouru par l’Homme de Tautavel, tout proche. Et j’ai retrouvé Riberach au « Château des fleurs », avec des rouges baptisés « Thèse », « Antithèse », « Synthèse » ou « Hypothèse » (et une petite production d’un vin « improbable », dit le vigneron, appelé « Fou-thèse » et vendu au prix de l’or) et un blanc nommé « Parenthèse ». Aller sur leur site, c’est aussi se balader au gré de citations tout aussi inattendues, de Hegel (« la nature se suffit à elle-même ») à Platon (« l’homme est un aveugle qui va dans le droit chemin ») en passant par Nietzsche : « Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou ».
J’ai retrouvé les vins de Riberach en ce soir de fin janvier, présentés par un vigneron encore jeune, Guilhem Soulignac, tout en compétences viticoles et références littéraires mêlées. Il m’a fait goûter l’Hypothèse rouge (robe violine, nez riche mêlant cassis et graphite : un 2008 qui encore de bien belles années devant lui) et le Synthèse blanc (robe jaune pâle. Une bouche très saline répond à un nez plutôt opulent sur des notes de pêche et de maquis. Un vin de contraste : l’acidité et l’amer en finale répondent au gras en milieu de bouche).
Nous sommes restés en contact — cet hiver pré-électoral n’était pas la meilleure époque pour parler vins et gastronomie. Et je l’ai interviewé tout récemment sur cette déferlante de vins bios dans lesquels le béotien…
Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli
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