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Viktor Orbán au Parlement Européen: un seul adulte dans l’hémicycle?

À Strasbourg, on entonne en chœur les critiques habituelles contre Budapest, pour ne pas écouter le programme de sa présidence tournante


Viktor Orbán au Parlement Européen: un seul adulte dans l’hémicycle?
Le Premier ministre hongrois à Strasbourg, 9 octobre 2024 © Jean-Francois Badias/AP/SIPA

Venu présenter les priorités de la présidence hongroise de l’Union européenne (juillet 2024 – janvier 2025), le populiste Viktor Orbán a été vivement critiqué par ses opposants et par Ursula von der Leyen. Au-delà de son euroscepticisme, on lui reproche son népotisme à Budapest et ses accointances avec Moscou. L’analyse de Rodrigo Ballester, du Centre d’Études Européennes du Mathias Corvinus Collegium de Budapest.


Si quelqu’un voulait voir un concentré chimiquement pur de tous les maux dont pâtit la classe politique occidentale, alors il ne pouvait être mieux servi par le débat, aussi affligeant que révélateur, qui a suivi le discours de Viktor Orbán au Parlement européen le 9 octobre. Le Premier Ministre hongrois y est allé en chef d’État présenter les priorités de sa présidence et, en réponse, les honorables membres de cette assemblée n’ont pas manqué d’étaler leur répertoire de sentimentalisme puéril, de signalement vertueux, de messianisme maladif et de pensée magique. Petit tour de piste.

Discours de droite musclé et politique Instagram

Il est d’usage que le chef d’État qui assume la présidence tournante de l’UE vienne expliquer son programme à Strasbourg et qu’un échange s’ensuive avec la Commission et les élus européens. Orbán a pris la tâche au sérieux et en allant au-delà des poncifs habituels a brossé sans langue de bois mais avec politesse, le portrait d’une Europe qu’il juge à la dérive et a suggéré quelques pistes pour y remédier. Compétitivité, migrations, élargissement, géopolitique, un exposé étayé et quelques constats lucides et cinglants, comme le lien irréfutable entre la migration illégale et l’augmentation de l’antisémitisme, l’homophobie et la misogynie. Une occasion pour le Parlement et la Commission d’enterrer la hache de guerre et de se montrer à la hauteur d’un vrai débat de fond… qui a vite tourné à l’hystérie collective, à l’incantation de mantras et à la politique Instagram.

Pour commencer, juste après son discours, les bancs de la gauche européenne ont entonné un « Bella Ciao » qui a obligé la présidente du Parlement, Roberta Metsola, embarrassée, à leur rappeler littéralement que ce débat n’était pas le festival de l’Eurovision. Propos prophétiques tant les députés furent à la hauteur de leur médiocre réputation de clowns-mandarins hors sol. Mention spéciale à Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann qui, dans leur style mièvre habituel, ont invectivé M. Orbán en proposant presque d’aller sauver le peuple hongrois des horribles griffes du dirigeant qu’ils réélisent depuis 2010 ! La porte-parole des Verts, la très excentrique et arc-en-ciel Terry Reintke a décrit un portrait aussi apocalyptique que délirant de la Hongrie, surtout pour les minorités sexuelles, tout en oubliant qu’à Budapest, contrairement à l’Allemagne, l’Autriche ou la Norvège, il est plutôt agréable de manifester sans menaces de barbus. S’en est suivie une litanie de platitudes et de slogans sur l’État de droit, la corruption, la liberté de la presse et, surtout le sempiternel « redcutio at Putinum » qui est devenu la seule et maigre parade intellectuelle pour museler tout débat face à Orban, tout débat sur la guerre en Ukraine et bien au-delà. Seul petit progrès, personne n’a osé cette fois traiter Orbán d’antisémite. La Hongrie étant le seul pays européen qui ose encore organiser les matchs de l’équipe israélienne de foot et l’un des rares où marcher dans la rue avec une kippa est possible, c’eut été quelque peu indécent.

Le Parlement européen, une secte ?

Un spectacle consternant, mais finalement assez banal. En revanche, ce fut une surprise de voir la présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, en faire tout autant et piétiner son rôle institutionnel pour se livrer à une attaque politicienne et mensongère. La Hongrie serait le seul pays à se fournir en énergie fossile russe ? Faux, la France, l’Espagne et la Belgique sont les principaux importateurs de gaz liquéfié russe. La Hongrie accueillerait à bras ouverts des travailleurs russes ? Oui : 7000 Russes vivent en Hongrie, mais 300 000 habitent en Allemagne, lui rétorque Orbán qui lui rappelle, au passage, l’augmentation exponentielle des transactions entre les entreprises européennes et la Russie à travers la Turquie, l’Inde et l’Asie centrale. La Hongrie serait autocratique ? Sauf qu’un gouvernement avec une majorité de deux tiers n’a jamais mis en place un « cordon sanitaire » contre quelque parti que ce soit, comme c’est le cas à Strasbourg contre le groupe des Patriotes. Et surtout, on n’a entendu aucune réaction au discours d’Orbán en tant que tel et aux priorités de sa présidence qu’il était venu présenter de bonne foi. 

Mal en a pris à Mme Von der Leyen, car le Premier Ministre hongrois a le sens de la répartie et l’a renvoyée dans les cordes. Il a profité de l’occasion pour dénoncer l’intenable hypocrisie des dirigeants européens, leur messianisme, leur arrogance d’illuminés, leur incapacité à regarder la réalité en face et leur vision sectaire d’une Europe totem contre laquelle toute critique devient un blasphème. Bref, les maux que l’on prête à un gamin capricieux, si révélateurs de ce « woke state of mind » des élites qui fait sombrer l’Europe dans un désespérant marasme d’incompétence. Seul contre tous, fort de sa légitimé démocratique et de sa lucidité, le Hongrois a survolé le Parlement européen. Et, dans le temple de la politique spectacle et des postures surjouées, il a démontré pendant trois heures, qu’au milieu des enfants gâtés, il n’y avait qu’un seul adulte dans l’hémicycle.




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Directeur du Centre d’Etudes européennes du Mathias Corvinus Collegium à Budapest

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