La vraie vie, combien de temps ça dure, en fait ?
Quand on parle de la vraie vie, on veut dire celle qui est faite du temps libéré de toutes les aliénations, la vraie vie qui nous permet de tomber amoureux, de lire, de voyager, de jouer avec nos enfants et nos petits-enfants, de boire un coup entre copains, de traîner toute une soirée d’été dans une chaise longue à regarder le ciel changer de couleur. D’après une récente étude relayée par nos amis d’Atlantico, ça dure aux alentours de neuf ans, et en partant de l’hypothèse optimiste que vous ne mourrez pas avant 78 ans.
On y va pour le décompte ?
Déjà, le sommeil va vous prendre un tiers de votre existence. Bon, dormir, c’est agréable sauf, comme le disait le grand Louis Scutenaire, quand « on dort pour un patron », histoire de reconstituer sa force de travail. Il vous reste donc 49 ans de vie éveillée.
Ensuite, l’école et les études : entre les cours et les révisions, vous pouvez encore retirer 3 ans et demi. On en arrive à la louche à 46 ans. À ce moment-là, si vous avez un boulot, vous y laisserez 91 000 heures, soit 10 ans et demi. Vous suivez toujours ?
On en est, l’air de rien, réduit à 35 ans de vie.
Mais évidemment, il faut se déplacer pour aller faire des courses ou pour rejoindre sa maison de plus en plus loin des centres villes, à cause des prix de l’immobilier. Résultat : encore un an de perdu dans les bouchons, les métros ou les TER.
Pour éviter d’incommoder vos contemporains, en général vous vous lavez. Eh bien, même sans faire d’excès pour se pomponner, on en prend pour deux ans et demi sous la douche ! Tout d’un coup, on en est à 32 ans de vie restante. Être propre, c’est bien, mais il faut aussi se nourrir. En moyenne, toujours, ça nous prend 4 ans. Et voilà qu’on n’a plus que 28 ans. 28 ans à table, je n’ai rien contre quand il s’agit de plaisirs partagés autour d’un tablier de sapeur mais le plus souvent, il s’agit quand même plutôt d’une popote hâtive ou d’un sandwich hâtif dans une mangeoire contemporaine.
Comme il faut bien faire les courses, vous rajouterez deux ans et demi dans les supermarchés. N’oubliez pas six ans de travaux ménagers. Pour conduire les enfants à la crèche ou à l’école, vous reprenez 18 mois ferme.
On en arrive à 18 ans de temps disponible. Mais vous vivez à l’époque du net, de facebook, des jeux vidéos et des télés qui ont des centaines de chaînes, ce qui fait que vous passez encore 9 ans devant des écrans alors que personne ne vous y oblige. Résultat : 9 petites années de temps réellement libre.
C’est inquiétant ? Déprimant ? Sans doute.
Mais c’est une raison de plus pour vouloir radicalement changer la société. Alors que le Medef se prépare à renégocier avec ses amis de la CFDT une nouvelle loi sur les retraites qui verrait la durée de cotisations passer à 46 ans, on pourra se rappeler cette enquête.
Il y a des choses bien sûr qui ne sont pas évitables, comme le sommeil ou l’hygiène (enfin j’espère). Mais pour le reste, n’est-ce pas juste une question d’organisation de la société ? Repenser le travail, l’urbanisme, les transports, les études, de façon à ce que tout cela soit plus juste et plus humain, c’est possible. Comment ? En renversant une bonne fois pour toute le système qui est le nôtre et qui non seulement veut nous faire travailler jusqu’à la mort mais veut aussi nous faire consommer et nous distraire comme il l’entend. En 1967, déjà, Guy Debord écrivait dans La Société du Spectacle : « Le projet révolutionnaire d’une société sans classes est le projet d’un dépérissement de la mesure sociale du temps, au profit d’un modèle ludique de temps irréversible des individus et des groupes. C’est le programme d’une réalisation totale, dans le milieu du temps, du communisme qui supprime tout ce qui existe indépendamment des individus ».
Autrement dit, si vous ne voulez pas mourir à neuf ans, la solution, encore une fois, c’est le communisme.
*Photo : Keoki Seu.
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