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Victor Soskice: héros inconnu

De l'espionnage aux camps de la mort


Victor Soskice: héros inconnu
Victor Soskice © D.R.

Pierre Lurçat, dans Victor Soskice, Qui sauve un homme sauve l’humanité, enquête sur la figure méconnue d’un héros juif de la résistance fusillé par les Nazis.


Si l’on devait résumer la vie de Victor Soskice à quelques dates, elle serait déjà impressionnante et résumerait à elle seule les tribulations de la première partie du vingtième siècle. Il est né à New York en 1923 mais il a grandi en France. Élève à l’École alsacienne, il est reparti aux États-Unis en 1940 et s’est engagé dans les rangs de l’US Army. Parachuté en France, il a été décoré de la Silver Star, de la Purple Heart avant d’être exécuté par les Allemands au camp de concentration de Flossenbürg en 1945.

Tout commence à Berditchev

Pierre Lurçat dans Victor Soskice, Qui sauve un homme sauve l’humanité, a voulu enquêter sur cet inconnu, dont la vie a croisé celle de sa propre famille. Cette figure lumineuse l’a accompagné, comme un symbole, une absence, un maillon dans une chaîne qui commence à la révolution russe et qui se termine dans le musée des combattants du ghetto, au kibboutz Lohamei Ha Guettaot en Galilée.

Tout débute avec le grand-père. David Soskice est né en 1866 à Berditchev, en Ukraine, un des berceaux de l’intelligentsia juive du XVIIIème siècle. C’est une ville dont les quatre cinquièmes des habitants étaient juifs, au point qu’on la surnommait « la Jérusalem de Volhynie ». Berditchev est ainsi la patrie de Levi-Yitzhak, un rabbin légendaire puis, un siècle plus tard, de Vassili Grossman, l’auteur de Vie et Destin, le Guerre et paix du XXème siècle.

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David Soskice a d’abord été un « étudiant juif aux idées radicales, épris de changement », qui voulait écrire l’histoire de son vivant. Deux événements l’ont marqué : la pendaison de trois étudiants accusés d’avoir distribué de la littérature socialiste en 1880 et le pogrom de Kiev en 1881. Il émigre, passe par la France, s’installe en Angleterre et revient en Russie comme journaliste pour le Manchester Guardian.

Le Paris de Matisse

Activiste politique, ce grand-père a été emprisonné en Russie pour activités révolutionnaires. Cette épreuve initiatique lui a mis le pied à l’étrier pour devenir, juste avant la révolution de 1917, secrétaire d’Alexandre Kerensky, dirigeant du gouvernement provisoire russe. Dès la Révolution bolchevique victorieuse, il pressent l’évolution totalitaire de la Russie et repart en Grande-Bretagne.

Dans la famille, il y a aussi l’oncle : Franck, né en 1902, lui aussi au Royaume-Uni, a rédigé le texte abolissant la peine de mort dans son pays. Son frère aîné, Victor, né en 1895, parti aux Etats-Unis, est le père du héros de Pierre Lurçat. Après le divorce de ses parents, l’enfant suit sa mère Rossane en France qui se remarie à Paris. Le beau père de Victor junior est une célébrité de l’époque : il s’agit de Jean Lurçat. Peintre, sculpteur, céramiste, maître de la tapisserie, Jean Lurçat est aussi l’ami de Matisse, Picasso, Braque, Derain et Dufy. Les œuvres monumentales de ce membre de l’Académie des Beaux-Arts sont alors exposées dans les musées du monde entier. 

Au service secret des Etats Unis

Lorsque la guerre est déclarée, les époux Lurçat envoient l’adolescent finir ses études à New York, où vit son père. Il passe le bac au lycée français en 1941, tombe amoureux d’une certaine Ginette Raimbault et s’engage dans l’OSS, les services secrets américains ancêtres de la CIA.

Après un sérieux entraînement (mitraillette, parachutisme, transmission, explosifs), Victor Soskice est parachuté en France. Il mène à bien une mission de sabotage, mais sur la route du retour, est arrêté avec trois de ses complices. Il est torturé, emprisonné dans un camp de concentration et exécuté.

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Grâce à l’enquête de Pierre Lurçat, petit-neveu de Jean Lurçat, le lecteur découvre aussi que le premier amour de Victor est devenue psychiatre, psychanalyste, élève de Lacan et autrice d’ouvrages qui font autorité sur le deuil et l’enfance, et que les héros d’hier avaient une âme emplie de culture classique. Soskice aimait ainsi citer Musset avant de partir en mission : « Celui qui n’a jamais souffert ne se connaît pas ».

A l’issue de la lecture de ce livre, on ne peut que  sentir le poids de l’Histoire et de la mémoire. Souhaitons que le souvenir de ce jeune mort idéaliste éclaire encore de nombreux chemins de vie…

Pierre Lurçat, Victor Soskice, Qui sauve un homme sauve l’humanité, Éditions de l’Éléphant

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essayiste, conférencière, traductrice, auteur de plus de 30 ouvrages, dont plusieurs sur les conflits du Moyen-Orient

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