Le premier ministre hongrois Viktor Orbán a eu bien raison de crier à l’injustice lorsque le Parlement européen approuva récemment un rapport dénonçant les abus de pouvoir de son gouvernement. Non pas que ledit rapport constituât en soi une injustice. Mais parce que Viktor Orbán eût à mon sens mérité de se voir récompensé en contre-partie par un vote qui aurait reconnu les exploits inimitables de son entourage en matière d’humour et de fantaisie.
Une reconnaissance qu’il eût méritée à plus d’un égard quand on passe en revue les mesures annoncées au fil de ces trois années de règne. Telle cette taxe canine (ebadó) qui devait frapper les chiens en fonction de leur dangerosité, à l’exception des toutous de race hongroise – pourtant réputés dangereux. Ou encore cette obligation d’exposer dans chaque mairie un exemplaire de la nouvelle constitution, ouvert à la page 28 (?), sous verre, sur une table dignement décorée (sic !), dans une pièce spécialement consacrée et sous bonne garde (avec possibilité d’en commander un exemplaire gratuit dédicacé par le président du Parlement!). Il s’agit de grands classiques déjà bien connus, comme ce sketch de son ancien ministre Matolcsy vantant ces petites taches rouges censées orner le postérieur de certains nourrissons hongrois, preuve de leur appartenance à la race asiatique (sketch qui a longtemps dominé le hit-parade, notre cher Matolcsy ne plaisantant hélas pas).
L’inspiration de ces gens ne tarissant pas, nous venons d’avoir récemment droit à deux nouvelles trouvailles qui, je l’avoue, suscitent mon admiration.
La compagnie aérienne hongroise Malév ayant fait l’année dernière faillite, nous apprenons qu’une nouvelle compagnie nationale va être enfin lancée cet automne, ce qui ne peut que nous réjouir. Jusque-là, tout est parfait, mais elle s’appellera « Solyom airlines ». Solyom – que l’on doit prononcer Chauillaume – signifie le faucon. Déjà, sa prononciation, ne sera pas évidente pour les milliers d’usagers incultes qui n’ont pas la chance de pratiquer le hongrois. Mais bon, il faut bien s’amuser un peu ! Malév ou Hungarian airlines ? Trop banal, trop facile !! Sans parler du symbole, le faucon…. J’attends le plaisir d’entendre des annonces du type « Le vol Faucon 326 en provenance de Rome vient d’atterrir », etc.
Autre trouvaille : qualifier de « bureau de tabac national » (nemzeti) l’enseigne des nouveaux points de vente du tabac instaurés par le gouvernement. Sans revenir ici sur l’aspect purement scandaleux voire mafieux de la façon dont ces concessions ont été attribuées (par exemple à des étudiantes de 18 ans sans expérience, filles ou épouse, belle-mère, belle-soeur, beau frère et belle fille de députés) au détriment de milliers de professionnels mis à la rue, je ne retiendrai ici que le qualificatif « national », plutôt cocasse dans ce contexte. Du coup, les plaisanteries fusent pour qualifier un peu tout de « national », telles les toilettes publiques ou encore les maisons closes le jour où nos dirigeants s’apercevront que, contrôlées par l’Etat, elles constitueraient une source appréciable de revenus. Après tout, Viktor Orbán vient bien d’instituer des bals (nationaux) pour susciter la rencontre de jeunes gens afin de redresser une démographie bien malmenée. Malgré toute la bonne volonté du premier ministre hongrois, ces bals sont pour l’instant un cuisant échec. Las : Orbán ne fait pas mieux que Meetic !
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