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Vialatte sur un plateau


On parle souvent du franco-auvergnat Alexandre Vialatte dans les colonnes de Causeur. (Nous avons évoqué en 2011 l’«  Année Vialatte » : et tout récemment encore la publication d’un texte inédit du célèbre chroniqueur à l’humour loufoque et à la poésie lunaire) C’est que l’époque actuelle, et nos contemporains, ont grandement besoin de Vialatte ; et que la parole vialattienne doit être encore propagée dans le grand public – au-delà du cercle encore trop restreint de ses admirateurs fanatiques, qui – comme pour toute société secrète – se reconnaissent entre eux par des signes très subtiles et une maîtrise du moindre bon mot ou du moindre faux proverbe bantou du poète.

L’humour de Vialatte est une épatante mécanique de précision mêlant au nonsens à l’anglaise, un sens grave de l’absurde ( il a traduit Kafka…), une posture tout à la fois débonnaire et pince-sans-rire souvent critique mais jamais malveillante, et un génie poétique burlesque – faisant de bien de ses traits des fulgurances d’une grande beauté. Une grâce solaire lorsqu’il chante les femmes…  « Parmi les dames du temps présent, les Auvergnates, qui vivent sur des volcans, rayonnent d’un éclat sulfureux. Elles mesurent 1m60. Elles naissent, comme toutes les dames, en 1933, selon la mode de cette année. L’an prochain, elles naîtront en 1934. Bref, elles auront toujours vingt ans » ; ou parfois un peu cafardeuse : « Le bonheur date de la plus haute Antiquité. Il est quand même tout neuf car il a peu servi« … Une veine bien souvent absurde… « L’idée de s’appeler Napoléon ne pouvait venir qu’à un homme d’exception. »

En 1951, Alexandre Vialatte « rate » de peu le Prix Goncourt ; l’académie Drouant préférant à son délicieux roman Les fruits du Congo Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq. A compter de cette époque Vialatte ne parvient plus à mener à terme d’autres projets romanesques. Poursuivant une carrière de journaliste commencée bien avant la seconde guerre mondiale, il commence une série de chroniques littéraires pour le quotidien régional La Montagne. Vivant l’écriture de ce billet hebdomadaire comme un sacerdoce, une corvée, voire une peine (sa correspondance avec son amie Ferny Besson le montre bien), Vialatte écrira entre 1952 et l’année de sa mort, 1971 presque un millier de ces textes truculents abordant tous les sujets imaginables (l’actualité littéraire d’abord, mais aussi la faune amusante, la flore pittoresque, l’homme moderne en congés payés, les grandes villes, la publicité, Brigitte Bardot, etc.) – un trésors de poésie et d’humour qui ne sera publié en volumes qu’après sa mort. Des volumes aux titres délicieux, repris des chroniques elles-mêmes : Dernières nouvelles de l’homme, L’éléphant est irréfutable, Antiquité du grand chosier ou encore Profitons de l’ornithorynque. Ce dernier étant, avec la militante du parti radical de gauche et l’oryctérope ce qu’il y a de plus étrange dans le règne animal. Et Vialatte a longuement chanté l’oryctérope (ses oreilles de lapin, son groin de cochon, sa gueule de fourmilier, ses pattes d’éléphant…).

Un spectacle donné à partir du 10 octobre au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers vient nous servir Vialatte sur un plateau : « Résumons-nous, la semaine a été désastreuse« . Mis en scène par Charles Tordjman, avec Christine Murillo, Julie Pilod et Dominique Pinon, d’après les chroniques montagnardes de Vialatte, ce spectacle délectable – créé à Lausanne en 2012 – envahit désormais l’hexagone (Aubervilliers en octobre, mais aussi Clermont en décembre, Sète en janvier, etc.) Un rendez-vous nécessaire pour le plus grand plaisir des gourmets des mots.



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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