La première raison d’y aller franco est bien sûr économique : comme viennent de le rappeler les deux parlementaires en charge d’un rapport sur ce dossier touchy (le député PS Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir), la facture énergétique de la France s’est élevée, en 2012, à 68 milliards d’euros. Comme nous ne sommes pas exactement en période d’excédents insupportables du budget de l’Etat et de la balance du commerce extérieur, améliorer un tant soit peu l’un et l’autre de ces deux soldes devrait être une priorité absolue. D’où l’incompréhension de nos deux élus face à la volonté affichée par le gouvernement de bloquer, non pas seulement l’exploitation, mais aussi les recherches. Bataille et Lenoir visent notamment une circulaire de l’inénarrable Delphine Batho en date du 21 septembre 2012, par laquelle la ministre de l’écologie interdit la technique dite « sismique » (c’est-à-dire de camions vibreurs) en vue de repérer d’éventuels gisements d’HNC (hydrocarbures non conventionnels). Une fatwa prise sans l’ombre d’une esquisse de débat parlementaire, comme au bon vieux temps du sarkozysme honni.
Les deux élus ne cachent pas qu’en l’état actuel des choses, les procédés d’extraction du gaz de schiste posent des problèmes environnementaux. Et suggèrent donc, assez logiquement, que la France engage toutes ses forces de recherche, publiques et privées, dans la mise en œuvre de processus d’exploitation moins préjudiciables. Il se trouve que nos labos sont pointus en la matière et que ce savoir-faire, lui aussi pourrait être très vite rentable. Mais non, niet, Madame Batho refuse la mise en place de la «Commission nationale d’orientation, de suivi et d’évaluation des techniques d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux» décidée par le précédent gouvernement et bloque toute tentative d’avancée scientifique et ingénierique en arguant qu’en la matière « le président de la République a défini la ligne de conduite pour l’ensemble du quinquennat». Bref, il semble exister, après le mariage gay, un deuxième domaine ou le PS ait l’intention de suivre à la lettre ses engagements. Tant pis pour ceux qui pensaient que ce second dossier ne varietur serait celui des retraites ou des licenciements boursiers.
Ce qui nous amène tout naturellement (en vrai comme c’est moi qui écris, ce n’est pas vraiment un hasard) à la deuxième bonne raison de ne pas se pincer le nez devant ce gaz-là : le social. L’exploitation des HNC serait un levier considérable dans la guerre pour l’emploi. Emplois directs, d’abord, mais surtout indirects. Qui dit gaz dit tuyaux, et donc sidérurgie. Refuser le gaz de schiste, c’est faire un doigt d’honneur de plus aux futurs chômeurs de Lorraine et du Nord. Là encore, je ne suis pas sûr que l’élargissement du droit à convoler suffise à les consoler.
Chez mon ami caviste Paco Mora, j’ai vu en vitrine une affiche anti HNC où l’on pouvait lire « Vos dollars ne valent pas notre pinard ! », laquelle m’a laissé un rien perplexe. Tout d’abord, ce sont nos dollars, ceux des Français, qui ne sont pas tous viticulteurs biodynamiques. Et si le partage est l’esprit même du vin, alors partageons. Et plutôt que camper sur un égoïste slogan Nimby (Not In My Back Yard), ouvrons la porte à une recherche de solutions aussi peu polluantes que possible. Et comme je ne suis pas d’humeur pharisienne ce matin, je vais vous livrer le fond de ma pensée : si cette solution idéale non polluante n’existe pas, et ben tant pis on roule quand même : en vrai, nos prolos valent plus que vos tonneaux ! Il y a une trentaine d’années, le grand Henri Krasucki, en tournée pour la défense de l’emploi dans le Midi, avait averti que faute d’une vraie politique industrielle, la France deviendrait « le bronze-cul de l’Europe ». C’est ça que vous voulez amis schistophobes ? Ben moi je préfère des campagnes hérissées de derricks que de tours d’observation des passereaux ou de toboggans d’Aquacenters. Mais il se trouvera sûrement un antifasciste militant pour m’expliquer que Derrick =SS…
La dernière bonne raison est éminemment politique et je vous la fais courte, because il y a du soleil sur la France (il n’y a pas qu’Eugénie pour citer les grands auteurs). Il paraît que nos amis les Verts font de cette question des HNC un casus belli. Si on relance un chouïa la recherche, ils menacent, paraît-il, de totalen kriegen. Et chacun sait que ce qui est insupportable pour les Verts est bon pour le pays.
*Photo: EELV
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