Avec Vérité BB, Pascal Louvrier, écrivain et collaborateur de Causeur, livre un bel hommage, un peu psychanalytique et très littéraire, à notre ultime star nationale.
Encore une biographie de Brigitte Bardot ! Je vous entends déjà vous exclamer : « Que pourrions-nous apprendre de plus ? » Cependant, Vérité BB sort du lot. Ce beau récit est un hommage à notre ultime star nationale, souvent controversée et surtout incomprise.
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Louvrier part à la recherche de l’enfant blessée que fut toute sa vie BB. Née dans une famille de la grande bourgeoisie du 16e arrondissement de Paris que l’on qualifierait de « dysfonctionnelle », elle grandit entre un père à la main leste et une mère mal aimante qui vit dans le noir. Peut-être est-ce pour cette raison que BB a toujours voulu vivre « nue au soleil ». Elle voudra toute sa vie soigner sa blessure d’abandon. Mais on ne guérit pas de son enfance. Mocky a confié à Pascal Louvrier qu’elle avait eu « la vie sentimentale d’une détraquée ». Au vu de la liste interminable de ses amants, on pourrait la croire prédatrice ou nymphomane. Elle cherchait tout simplement l’amour.
Vadim d’abord, qui la rend Femme aux yeux du monde. Mais à quel prix. Rencontré quand elle a 16 ans, lui 30, elle est amoureuse, et lui intéressé par cette jeune fille prometteuse. Le dandy velléitaire préfère sa bande de copains et la mauvaise vie à sa Bardot, qui entame alors une longue série de tentatives de suicide. Louvrier cite très justement Marc-Édouard Nabe à ce sujet : « Se tuer, c’est rejoindre un moment précis de son enfance. » Et c’est en interprétant le personnage de Dominique Marceau – qui se suicide après avoir tiré sur son amant – dans La Vérité de Clouzot, que BB devient véritablement comédienne. Vadim fait d’elle une star ; Clouzot, en la rendant à elle-même, une comédienne ; quant à Godard, dans Le Mépris, il fixe sa légende pour l’éternité mais passe à côté de son essence, n’en faisant qu’un magnifique objet de cinéma.
On a beaucoup reproché à BB d’avoir abandonné son fils Nicolas. Comme souvent, les choses sont plus complexes. Le père, Jacques Charrier, sous ses airs lisses de gendre idéal, est un sale type qui la bat. Sa grossesse est un cauchemar. Et le rendez-vous avec Nicolas est raté. Elle trouve la consolation avec les animaux. Eux ne la trahissent pas, eux l’aiment de cet amour inconditionnel qu’aucun homme ne sait lui donner. Elle semble cependant avoir trouvé une certaine sérénité, depuis vingt-huit ans, auprès de son compagnon Bernard d’Ormale. Il a su l’apprivoiser et, qui sait, dompter ses vieux démons.
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Si le récit de Pascal Louvrier est remarquable à bien des égards, il l’est aussi par son aspect éminemment littéraire. En effet, ce fin lettré saupoudre la narration de citations d’auteurs qui ont su écrire le tragique de la vie, de Pessoa à Salinger. Il compare d’ailleurs Brigitte au Holden Caulfield, le personnage de L’Attrape-cœurs, avec qui il partage l’incurable nostalgie de l’enfance et le refus du scandale qu’est l’âge adulte, lorsque la pureté nous échappe. Et Louvrier ouvre le livre en citant la magnifique chanson de Barbara, Perlimpinpin : « Que c’est abominable d’avoir pour ennemis les rires de l’enfance. »
Vérité BB, Pascal Louvrier, Tohu-Bohu Eds, 2021.