Anciens camarades d’études d’Emmanuel Macron, ces deux intellectuels font œuvre de dissidence à gauche en fustigeant le mythe de la décroissance et la doxa néoféministe. Ils ne s’étaient jamais rencontrés. Causeur a fait les présentations.
Ils n’appartiennent à aucune chapelle. Lui, Antoine Buéno, s’est fait connaître avec des ouvrages de prospective – le prochain, Faut-il une dictature verte ? paraîtra le 18 octobre chez Flammarion –, où il nous alerte sur le réchauffement climatique sans pour autant succomber au catastrophisme écologiste. Elle, Véra Nikolski, vient de publier un essai – Féminicène, Fayard –, dans lequel elle montre que l’émancipation des femmes doit beaucoup plus à la révolution industrielle qu’au MLF. Il fallait que ces deux beaux esprits fassent connaissance. C’est désormais chose faite. Débat animé par Jean-Baptiste Roques.
Causeur. Féminicène est un livre qui détonne car, dans la lignée de Simone de Beauvoir, et contrairement aux néoféministes, il ne minimise pas la différence biologique entre les sexes…
Véra Nikolski. C’est vrai. Cependant, mon propos est tout de même de montrer que les normes qui assignent aux femmes une place inférieure dans la société sont aussi le produit de facteurs matériels, notamment économiques, et pas pas seulement de la biologie. Ma thèse étant que c’est principalement grâce à une évolution du contexte matériel que la biologie a cessé d’être socialement signifiante, et donc que les femmes ont pu se libérer.
Antoine Buéno. Permettez-moi d’ajouter que l’ouvrage de Véra établit à quel point c’est la modernité et singulièrement le progrès technologique qui ont permis de changer ce contexte matériel.
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En quoi le sujet de Véra Nikolski, le « féminicène », est-il important pour le prospectiviste Antoine Buéno ?
AB. Ma porte d’entrée est la question de l’environnement. Pour résumer schématiquement, je dirais que la doxa écologiste actuelle est hostile à la croissance économique, mais pas à la croissance démographique. Ma position est exactement inverse. La transition écologique ne peut selon moi être fondée que sur la croissance durable et une certaine décroissance démographique. Plus précisément, accélérer la transition démographique sera nécessaire pour boucler l’équation de la transition. Or, pour ce faire, il n’y a que deux leviers à actionner : permettre à toutes les filles du monde d’accéder à l’école et satisfaire la demande de contraception partout où elle s’exprime. Droit des femmes, protection de la planète, même combat !
VN. Hélas, la nouvelle génération des écologistes et des féministes
