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Venezuela, un jour de plus loin du Paradis

Le chavisme tombera, mais pas aujourd'hui


Venezuela, un jour de plus loin du Paradis
Un opposant au gouvernement devant un bus en feu dans les rues de Caracas, 30 avril 2019. ©Fernando Llano/AP/SIPA / AP22330216_000002

Cette semaine, quand j’ai entendu parler du Venezuela, j’ai bien cru que ça y était, que le chavisme était tombé. Mais non, ce gouvernement qui tire sur son peuple est toujours là, avec son cortège d’atrocités. 


Rio de Janeiro, pieds dans l’eau, tête dans les nuages. Plus de 500 ans d’histoire, la couronne portugaise, les Français chassés au XVIe siècle. Les splendides peintures de l’intérieur de l’église de la Candelaria, la délicieuse architecture coloniale du centre, les Brésiliennes, tout cela sous la bienveillance du Christ rédempteur. Me voilà happé par la ville merveilleuse, à des lustres des gilets jaunes ou des dernières tribulations du chavisme. Et le mardi 30 avril au matin, un ami me demande mon opinion sur « les derniers événements au Venezuela ».

Un gouvernement qui écrase son peuple…

Venezuela, je l’avais oublié celui-là. Serait-ce le Jour J ? Vais-je pouvoir visiter le palais de Miraflores sans devoir adhérer au Parti communiste, aller flâner dans Caracas dans une relative sécurité, aller me détendre dans l’île de Margarita, un verre de Diplomatico à la main ? Cela aurait été sans compter sur l’art de la politique, et d’un de ses acteurs pour le moins unique : Nicolas Maduro.

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Vers 13h, alors que je dégustais mon beefsteak, son riz et ses haricots rouges dans un troquet du centre de Rio, la télé brésilienne montra un véhicule blindé de la Garde nationale bolivarienne tourner expressément à droite pour écraser des manifestants de l’opposition. Tiananmen. « Meu Deus ! », s’exclama à plusieurs reprises ma guide carioca. Elle a plutôt le cœur à gauche, dirait-on chez nous : elle adore le premier mandat de Lula, pour des raisons qui la regardent, et elle n’aime pas du tout Bolsonaro. En plus elle est noire. Libé en ferait un très joli portrait. Manque de pot, son pote écrit chez Causeur, et il adore ça. Toujours est-il que l’indignation, l’authentique, la saine, ne s’embarrasse pas d’idéologie : un gouvernement qui écrase à coups de blindés ses propres citoyens ne mérite aucune empathie.

Maduro est toujours là

De retour à l’hôtel, le journal télé s’est délecté de cette scène horrifiante. Après l’avoir vue une dizaine de fois, j’ai changé de chaîne pour une telenovela, puis pour du foot. Cela m’a laissé le temps de voir Nicolas Maduro, à un niveau de tension semblant précéder l’implosion, tout en paraissant résolument optimiste, répéter à l’envi devant ses militants que la révolution chaviste en avait vu bien d’autres, et qu’elle allait, une fois de plus, se relever de cette nouvelle tentative de coup d’Etat. On ne pouvait pas lui donner tout à fait tort.

La télé brésilienne m’a aussi informé que, ce jour-ci, 25 militaires vénézuéliens ont demandé refuge auprès de l’ambassade du Brésil à Caracas. Beaucoup de Vénézuéliens auraient émigré à Rio de Janeiro ces dernières années, dont une bonne partie, dupés par leurs passeurs, y bosseraient quasiment comme des esclaves. C’est une rumeur. Une fake news ? Dans ce conflit où le bras droit de Donald Trump, Mike Pompeo, se permet de dire sans aucune preuve que Nicolas Maduro aurait envisagé de s’exiler à La Havane, avant d’être raisonné par l’ami Poutine, il semble que la maîtrise de l’information et de la désinformation soit une pièce maîtresse pour gagner la guerre.

Chemises rouges et chemise blanche

Le 30 avril, le capitaine Jair Bolsonaro apparaissait également sur les écrans brésiliens. Il exprimait ses réserves au sujet d’une intervention militaire brésilienne  au Venezuela. Il serait malhonnête de ma part d’omettre que la télé brésilienne a aussi montré les fidèles de Nicolas Maduro à Caracas. Un petit leader d’une soixantaine d’années, la barbe grise en collier, une casquette Kangol à l’effigie de Chavez, devant 200 personnes. Ils sont là. Nicolas Maduro a ses soutiens, c’est une réalité. C’est pourquoi il semble bien préconçu de l’enterrer. Ils ont l’air bien moins nombreux que les opposants. Mais ils forment un bloc suffisamment solide pour que le pays risque d’éclater en guerre civile.

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Le 1er mai, je me jetai sur la presse du pays. Ça tombait bien, je quittai la ville merveilleuse pour retourner labourer dans ma Guyane. En dépit du décès déprimant de Beth Carvalho, la dame de la samba, le quotidien O Globo titrait sur l’insurrection au Venezuela. Toujours cette ignoble scène de ce blindé bolivarien écrasant un manifestant vêtu de blanc en première page. L’horreur à son paroxysme. 78 blessés. La répression. Des militaires héroïques, membres de la garde nationale, qui se joignent à Juan Guaido pour soutenir l’opposition à Maduro. L’opposant Leopoldo Lopez, libéré de prison par une branche dissidente des services secrets du gouvernement chaviste. La gueule hagarde, un peu amaigri, il est plus que le beau gosse à casquette qui fait craquer les jeunes filles des beaux quartiers. Juan Guaido, sous un soleil de plomb, en costard, un haut-parleur à la main. 25 degrés au soleil ce premier mai. Guaido devrait montrer sa chemise blanche. Et laisser croire, pour cet été, au Venezuela libéré du chavisme. Pour ma part, j’y crois. Mais sous la bienveillance du Christ rédempteur, tout semble possible.

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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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