L’histoire s’accélère au Venezuela. Trois semaines après la mort du Comandante, le pays de l’or noir sèche ses larmes. Le premier cercle du pouvoir chaviste est déjà en campagne pour la succession de Chavez, réélu en octobre dernier avant d’être emporté par son cancer début mars. Son dauphin désigné s’appelle Nicolas Maduro. L’ancien syndicaliste, qui envie le charisme d’un Bernard Thibault, ne s’est pas contenté de saluer le destin christique de son mentor. Après l’élection du pape argentin Bergoglio, il a carrément vendu la mèche : dans les cieux, Hugo Chavez aurait soufflé au conclave le choix du premier pontife sud-américain.
Le hic pour Maduro, toute considération mystique mise à part, c’est que le bilan social et sécuritaire de Chavez ne correspond pas tout à fait au portrait idyllique qu’en dresse Jean-Luc Mélenchon. Pour une revue détaillée, rendez-vous en kiosque le 4 avril, un excellent mensuel causant vous montrera le vrai visage du bolivarisme, sans diabolisation ni idéalisation. En attendant, sachez que tout n’est pas rose au pays du bolivarisme réel : les fonctionnaires sont embauchés en CDD (histoire de les faire participer de bon coeur aux manifestations de foule du parti chaviste), les employés d’usine sous-payés, les syndicalistes dissidents réprimés pendant que le mal-logement gagne du terrain. Malgré les progrès réalisés dans l’accès aux soins médicaux ou le combat contre l’extrême pauvreté, il est au moins un domaine où le Parti Socialiste Unifié du Venezuela fait profil bas : la sécurité. Ou plutôt l’insécurité, si l’on veut rendre justice aux dizaines de milliers de victimes d’assassinats qui font tâche dans la contrée de l’égalité proclamée. C’est simple : depuis l’accession au pouvoir de Chavez fin 1998, le nombre de crimes de sang a plus que doublé. Pire, le taux d’homicides vénézuélien est le plus élevé du continent latino-américain et équivaut à huit fois la moyenne mondiale définie par l’ONU. De quoi faire passer les favelas brésiliennes pour des annexes du Club Med…
Conscient de ce talon d’Achille, Nicolas Maduro promet de « libérer » le pays de « la violence, la criminalité et la délinquance », tous ces fléaux qu’engendrerait le « capitalisme ». Soit dit en passant, y compris aux amateurs de Mises et Hayek, l’explication paraîtra moins capillotractée qu’il n’y paraît : c’est de son insertion dans l’économie globalisée que Caracas tire l’essentiel de ses revenus, sitôt transformés en prébendes pour oligarques chavistes parfois de mèche avec le crime organisé[1. Private joke aux camarades Mélenchon et Corbière : comment se fait-il qu’un pays si égalitaire voit sa criminalité flamber ? La violence n’est-elle pas corrélée au niveau des inégalités ? Ou bien la révolution bolivarienne serait imparfaite. Bref, on m’aurait menti ?].
Face à l’incurie sécuritaire, le flegmatique Maduro multiplie les coups de menton. « Je prendrai la responsabilité de ce sujet, de la vie, du combat contre la criminalité » pour en faire « le thème central de tout ce que nous faisons » pérore-t-il entre deux rodomontades. Caramba : On dirait du Sarkozy dans le texte ! Mine de rien, c’est la quadrature du cercle pour celui qui doit assumer l’héritage de Chavez tout en constatant l’indigence de sa politique sécuritaire. Un exercice d’équilibriste qui fit les fortunes d’un autre Nicolas en 2007 : responsable de la sécurité des Français depuis cinq ans, Sarkozy avait alors su maquiller ses propres échecs derrière la vigueur de son projet présidentiel. Or, pour refaire le coup de la rupture tranquille face à une opposition remontée à bloc, Maduro devra avant tout miser sur ses qualités personnelles, indépendamment de son dossard chaviste. Mais n’est pas Sarko qui veut. Verdict le 14 avril.
*Photo : chavezcandanga.
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