Il est le « dernier » survivant. Depuis la disparition de Georges Lautner en 2013, père fondateur des Tontons flingueurs, Venantino Venantini est le gardien du mausolée. Ce brun ténébreux, flegmatique comme tout Romain qui se respecte, n’a rien perdu de son élégance italienne à plus de 85 ans. On se souvient de lui, Beretta en poche, philosophant sur le combat de près dans le film culte de 1963. Pour être tout à fait exact, l’excellent Claude Rich faisait aussi partie de cette turbulente troupe mais il pratiquait la musique dodécaphonique et non le tir de précision. Venantino partage avec ce monstre sacré du Théâtre Français les souvenirs d’un tournage devenu mythique. Le Panthéon du dialogue explosif et de la répartie fusante. Être ou ne pas être dans cette distribution fait toute la différence. Postérité or not postérité.
Dans cinquante ans encore, on parlera de la scène de la cuisine, de Raoul Volfoni, de Montauban, des flingues de concours, de la pénurie de main d’œuvre sur le macadam, d’une certaine Polonaise qui en prenait au petit-déjeuner ou de ce besoin de faire des phrases chez les marins. Toute une époque ! Venantino raconte sa vie dans Le dernier des Tontons flingueurs, aux Editions Michel Lafon, avec la collaboration de Bertrand Guyard et une préface de Laurent Gerra. Pour les cinéphiles, amateurs de nanars, Venantino, c’est du pain bénit ! Le porte-flingues du Mexicain n’a jamais eu peur du ridicule. Quand certains construisent leur carrière sans salir leurs souliers vernis, le rital, comme tous ses potes l’appellent, a participé à des farces insensées. Du gros rire qui tache. Qui oserait aujourd’hui figurer au casting du Führer en folie, une « kolossale » bouffonnerie de Philippe Clair ? En 1974, Venantino relevait ce défi aux côtés d’Alice Sapritch, Michel Galabru, Luis Rego ou encore Pierre Doris.
Cependant, réduire cet acteur subtil à quelques comédies bien grasses serait, à la fois injuste et inexact. Car, Venantino a plus d’une couleur sur sa palette frémissante. Dans cette autobiographie, on apprend sa passion pour la peinture. En 1956, à 26 ans, il s’inscrit aux Beaux-Arts de Paris après avoir décroché une prestigieuse bourse. Et lorsque Venantino évoque son art majeur, il abandonne le masque de la Commedia dell’arte. Pendant deux ans, il aura pour chef d’atelier Georges Braque et chacune de ses rares rencontres avec le maître le troublera profondément jusqu’à modifier son geste. Braque lui conseilla de « voir grand et large ». Au cinéma, il fera souvent le grand écart entre Dino Risi et Max Pécas. L’inénarrable On est venu là pour s’éclater tient plus du film de vacances que d’une œuvre éternelle. La longue silhouette de Venantino, sa classe naturelle et son esprit boulevardier sont à jamais inoubliables dans Le Corniaud de Gérard Oury, Galia de Lautner ou Le dîner d’Ettore Scola. Si les plus grands (Fellini, Mastroianni, Gassman, Jean Yanne ou de Funès) ont aimé l’acteur, c’est pour sa bonne humeur mais aussi sa finesse. Il fut pour toutes ces stars un précieux guide dans les ruelles de Rome. Il se targue de connaître les 900 églises de la ville et y a même ses entrées secrètes. Cette promenade forcément vagabonde dans une si longue carrière est très agréable. Venantino se souvient de Marlon Brando qui lui a acheté un de ses tableaux à Tahiti, de ses déboires avec James Bond, les producteurs l’adoraient mais il se révéla « trop beau pour être le méchant ». Mais aussi de sa scène dénudée avec Sylvia Kristel dans Emmanuelle 2, des parties de foot avec Pasolini, de ses années américaines ou de l’aide qu’il procura à Ilie Nastase et Ion Tiriac avant qu’ils ne deviennent des vedettes des courts. Venantino, c’est l’Italien polyglotte, aussi à l’aise dans la jet set qu’au bar du coin, pudique comme tous les sentimentaux, joyeux et mystérieux.
Il n’a pas dit son dernier mot, il sera à l’affiche de Un plus une de Claude Lelouch où il interprète le père de Jean Dujardin, dans les salles le 9 décembre, et du prochain film de Kad Merad, Marseille, qui sortira en 2016.
Venantino Venantini, Le dernier des Tontons flingueurs – avec la collaboration de Bertrand Guyard – Préface de Laurent Gerra – Editions Michel Lafon.
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