Témoignage d’un riverain excédé par les nuisances des deux roues provoquées par la politique d’Anne Hidalgo
J’habite près de la Place d’Italie et y passe tous les jours pour faire des courses, ou me rendre à un arrêt de bus puisque je suis dissuadé d’aller dans la ville en voiture et que, comme bien des Parisiens, j’ai passé l’âge de faire du deux-roues.
Maudite fée électricité
C’est une place classique : rond-point central, sept voies principales d’accès, autour deux contre-allées partielles à contresens pour les voitures, deux parvis (mairie et centre commercial) et, à l’extérieur des contre-allées, une voie réservée aux cycles, en sens inverse des voitures de cette contre-allée. Jusqu’ici cette relative complexité était maîtrisable pour un piéton moyen. Mais au fil du temps l’accaparement continuel de la place par les manifestants en tous genres, les tags muraux ou sur les rideaux de fer des commerçants, l’intrusion des bicycles sur les trottoirs, ont introduit du flou et de la confusion dans la légitimité d’appropriation des espaces publics. Le covid, le beau temps persistant, la propagande en faveur d’un mode de déplacement prétendu branché ont contribué à ce que patineurs et cyclistes fleurissent. Mais, ce qui a tout changé, c’est l’apparition de l’électricité : vélos électriques, patinettes électriques.
La place d’Italie, ce n’est pas Amsterdam. Elle est au sommet d’une colline. Pour y arriver il fallait pédaler fort, et jusqu’ici seuls les sportifs et les courageux y accédaient en ahanant. Avec l’électricité, finis les efforts, patinettes et vélos grimpent tous seuls et les problèmes imprévus mais potentiellement graves des piétons ont commencé. A la différence des moteurs à essence l’assistance électrique est silencieuse, ce qui fait que vous n’entendez pas ces engins arriver sur vous, soit de face, soit pire, dans votre dos, à des vitesses excessives, compte tenu de l’environnement qui est ici piétonnier.
Le piéton n’existe par pour certains cyclistes décidés
En ville, 15-20 kms/h, ou plus, au milieu des piétons c’est follement dangereux, une cause évidente d’accidents et de meurtrissures. En étant optimiste, car les blessures sont ou seront éventuellement irrémédiables dans une population d’âges hétérogènes. L’inquiétude sourde et permanente causée, la colère rentrée suscitée, la terreur des mamans qui emmènent leurs enfants à l’école, le stress supplémentaire et ses séquelles ne sont pas une avancée vers une société plus harmonieuse mais au contraire vers une fragmentation communautariste supplémentaire et injustifiée. Ce qui était envisagé comme un progrès risque fort d’être un facteur de régression, de division, d’hostilité sociale supplémentaire.
Quand je sors de chez moi et souhaite aborder le premier passage piéton pour franchir la contre-allée, je dois faire attention à huit voies, huit, d’où je risque de voir déboucher un cycle à vive allure : sur ma gauche par leur voie réservée, sur la droite par la voie mixte. Mais aussi sur les quatre trottoirs, de gauche comme de droite ; et en sens interdit, sur la voie routière comme sur la leur, théoriquement en sens unique. J’ajoute que plusieurs fois un cycliste décidé, roulant en sens interdit, m’a délibérément foncé dessus, comme si je n’existais pas pour lui, alors que je marchais sur un passage « protégé ».
Il faudrait réintégrer la raison et le sens civique. Dans la Cité, normalement, vivent et cohabitent des citoyens. Citoyen est un substantif qui désigne une personne responsable et porteur d’une substance. Ce n’est pas, en français, l’adjectif qualificatif d’un individu qui parfois aurait des comportements civiques, dénommés fautivement « citoyens ». L’adjectif correspondant, c’est « civique », et non « citoyen ». L’incompréhension commence dès l’emploi d’un faux-sens. La confusion entre l’information (lacunaire) et « la com » pléthorique qui parle ici de « mobilités douces » trompe son monde. Les cyclistes sont incités à se croire vertueux alors qu’ils sont surtout des individus grégaires et opportunistes. Un terrain de jeu supplémentaire, chic ! Conformité ludique, jeunisme assimilé au progressisme, tendance écolo en diable, la fine fleur de l’avant-garde de la nouvelle humanité. Illusion de la propagande, poudre aux yeux, chimère !
Code de la Route et Déclaration de 1789… piétinés
La réalité urbaine, humaine et civilisée, est certes évolutive mais doit aussi conserver sa substance. Les habitants d’une ville, quand ils ont à se déplacer, le font par divers moyens qui doivent tous coexister le plus pacifiquement possible en évitant les collisions et les préjudices. C’est l’objet du Code de la route qui règle les conditions de déplacement, dont celles des cyclistes et piétons. En surplomb idéologique, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, rappelle les valeurs fondamentales de notre société. Or la coexistence non conflictuelle des cycles et des piétons n’est pas actuellement possible car les cycles, majoritairement, ne respectent ni le Code de la route, ni la DDHC, en particulier tout l’article 2.
Vélos et patineurs violent en permanence le Code:
Ils roulent sur les trottoirs. Il y roulent bien trop vite pour les piétons. Ils roulent en sens interdit. Ils ne respectent pas les passages protégés. Ils grillent les feux. Ils tournent brusquement sans le signaler.
Tout ceci dans le silence sans le moindre bruit prémonitoire.
Sur un chemin de randonnée c’est peut-être sans importance mais en pleine ville, au milieu des piétons ? Ont-ils un apprentissage du Code ? On devrait vérifier qu’ils en ont au moins une connaissance minimale. Informer et, en cas d’incivisme ultérieur, sanction. Légère, pas 200€, mais perceptible.
Concernant l’article 2 de la DDHC c’est bien plus grave:
Le but de l’association par excellence qu’est la Cité « est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. »
La liberté du piéton, en particulier celle de circuler, est constamment bafouée car sa sécurité, loin d’être assurée, est sans cesse menacée. Sa propriété, temporaire mais exclusive, le trottoir, n’est pas respectée mais envahie. L’oppression, par des masses lancées, en partie métalliques, de 80 kilos en moyenne, en perpétuelle immixtion sur leur portion réservée, est évidente. Ajoutons le début de l’article 4 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Le fonctionnement sur la Place d’Italie est en contravention totale avec les fondements même des valeurs de notre société et les règles de la vie en commun. L’obsession de la lutte anti-pollution, sans études comparatives probantes avant-après, a complètement fait oublier qu’on pouvait fabriquer des nuisances, globalement plus graves, issues de mesures dogmatiques prises sans rationalité excessive. À des mesures segmentaires autocratiques s’est joint un fonctionnement anarchique, une gabegie. Ça ne tourne pas rond et ça ne le peut pas.
Je ne sais pas si les écolos sont en fait des khmers, ou s’ils gardent des souvenirs démocratiques. Des scores électoraux municipaux faméliques, en particulier celui de l’alliance avec le maire sortant dans le 11e arrondissement, devraient exclure l’arrogance, l’entêtement et conduire à une concertation avec les conseillers des autres formations. J’aimerais en tout cas que les élus parisiens, quel que soit leur bord, se saisissent de la défense de leurs piétons. La situation Place d’Italie n’est qu’un exemple. Les échantillons d’incongruité similaires et inadmissibles doivent abonder.
Pierre Veissière est psychosociologue honoraire, et piéton.
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