Les chrétiens d’Orient ont toujours été des gêneurs pour les amateurs de géopolitique simplifiée. Ce serait tellement plus facile un monde où, d’un côté, il y aurait les bons, l’Occident blanc, et de l’autre les méchants : les Arabo-musulmans. Ce schéma, qui a résumé un temps et de manière si tragique une certaine vision à la fois néo-conservatrice et apocalyptique, au sens premier du terme, de la politique extérieure de Bush, s’est toujours heurté à cette réalité gênante : il arrive bien souvent que l’on n’entende le Notre Père dit en arabe, dans les territoires palestiniens, en Israël, en Irak, en Syrie ou en Egypte. Longtemps intégrés tant bien que mal dans ces pays, au point que l’on oublie parfois que le dernier premier ministre de Saddam Hussein, Tarek Aziz, était un chrétien assyrien, les différents conflits au Proche et au Moyen-Orient ont fait fondre leur nombre comme neige de paix au soleil de guerre et l’on ne compte plus, par exemple, que quelques familles chrétiennes à Bethléem, qui fut pourtant autrefois, avec Nazareth, la principale communauté de la région.
[access capability= »lire_inedits »]Mais les chrétiens d’Orient sont loin d’être les seuls à être persécutés et, pour Raphaël Delpard, réalisateur et historien, qui se présente à l’orée de La Persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde comme un juif de droite athée, les chrétiens seraient finalement, aujourd’hui, la principale communauté religieuse à souffrir de massacres mais aussi de vexations diverses allant de l’interdiction de certains métiers à la pratique des rites considérée comme un délit passible de sanction pénales en passant par le viol collectif rituel. Et tout cela dans un silence médiatique remarquablement assourdissant.
Delpard a lui-même, au cours de nombreux voyages, accompli un tour du monde de cette horreur quotidienne et banalisée. Son livre est un Guide bleu atroce qui nous emmène vers des destinations évidentes, comme l’Iran ou la Corée du Nord, mais d’autres quand même plus surprenantes comme la Biélorussie ou… les Maldives, chères à Cécile Duflot, où les croyants ne peuvent vivre leur foi que dans le secret le plus absolu. La constante, dans tous ces pays : une hypocrisie entre ce que permet la loi ou la Constitution et la réalité quotidienne des faits.
Ce qui fut pour lui le déclencheur d’un tel intérêt, Delpard le raconte très bien et de manière très émouvante : « Ma rencontre avec ces nouveaux martyrs remonte à 2002. Je me trouvais alors à Casablanca, au Maroc, en compagnie de journalistes. À la fin d’une séance de travail, ils m’ont montré une vidéo qui avait été tournée dans une cave en Algérie. Il s’agissait d’un mariage chrétien clandestin. La vision de cet homme et de cette femme contraints de s’unir secrètement, en plein XXIe siècle, provoqua en moi un choc d’une brutalité inouïe. »
En annexe de son livre, Delpard fait le point sur un nombre important de situations individuelles et donne une liste d’associations susceptibles d’aider ces grands oubliés de l’intolérance contemporaine.
« Veilleur, où en est la nuit ? » comme disait Isaïe.
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