Si le consentement à la politique fiscale du gouvernement est en crise, c’est que nos institutions créent structurellement un déficit de légitimité politique. Qu’un parti minoritaire obtienne seul les pleins pouvoirs n’est plus acceptable. La Ve République doit devenir une véritable démocratie parlementaire.
De l’essence à l’essentiel, les « gilets jaunes » ont repris le message des colons américains de Boston en décembre 1773 : « No taxation without representation » (« pas d’impôts sans représentation »). Au-delà de sa dimension strictement économique, le mouvement a posé l’éternelle et fondamentale question, celle à laquelle n’importe quel régime doit faire face : le consentement à la politique fiscale du gouvernement. Si cet enjeu mine la société française depuis des décennies, c’est parce que la Ve République crée structurellement un déficit de légitimité.
Macron se croit légitime…
On le sait bien, le ver est dans le fruit dès l’origine. Dans des circonstances exceptionnelles (la crise algérienne) un homme non moins exceptionnel (le général de Gaulle) choisit de sacrifier la représentativité à l’efficacité – sa légitimité personnelle assurant celle du pouvoir. Légende noire de la IVe République aidant, les Français ont accepté un système politique où un candidat minoritaire au premier tour de l’élection présidentielle obtient les quasi pleins pouvoirs s’il remporte le troisième tour que sont les législatives. Ainsi, choisi au premier tour par 24,01% des votants, Emmanuel Macron a ensuite été préféré par 66,1 % d’entre eux comme le moindre mal face à Marine Le Pen, avant d’obtenir la majorité absolue à l’Assemblée nationale (49,12 % des voix, 350 sièges sur 577), parce que « c’est la logique des institutions de la Ve » et que « les Français sont conséquents ». Or, Macron – comme tous ses prédécesseurs – a interprété cette mécanique comme une adhésion pure et simple à son projet du premier tour, tout simplement parce qu’aucun contre-pouvoir ne le contraint à faire autrement, c’est-à-dire négocier son projet de gouvernement de façon à ce qu’il reflète mieux les rapports des forces réels dans le pays.
…alors qu’il l’est peu
Pourtant, ces rapports de pouvoir, le président les redécouvre un peu plus tard. Quand il met en œuvre son programme, ceux qui n’ont pas voté pour lui au premier tour et dont les souhaits ont été ignorés se rappellent à son bon souvenir. Et puisque l’Assemblée est acquise à l’Élysée, elle ne peut remplir son rôle principal : traduire en lois et en budget les rapports des forces politiques dans la société, autrement dit négocier des compromis. Et voilà pourquoi votre fille est muette – et pourquoi un pays aussi politisé que la France ne sait pas faire de politique, laissant le malheureux élu élyséen à la merci de la rue et des syndicats.
Une dose de légitimité
Certains croyaient que, faute de pouvoir peser au Parlement, l’opposition était incarnée par les partenaires sociaux. Incarnation à l’état presque pur de la colère et de la défiance populaires, les « gilets jaunes » ont balayé cette illusion. Rejetant, avec la Ve République, l’idée même de la représentation, les « gilets jaunes » succombent aux chimères de la démocratie directe, l’autre nom de la dictature des démagogues. Or, c’est notre Constitution qui a tué la démocratie représentative.
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Certains « gilets jaunes » ont bien saisi ce problème, proposant judicieusement le retour au septennat pour préserver la possibilité d’une cohabitation, c’est-à-dire le degré maximal de parlementarisme que permet la Ve République. Mais il est probablement trop tard pour des mesures aussi timides. Il est devenu indispensable de renforcer l’Assemblée nationale en introduisant une forte dose de proportionnelle. C’est aujourd’hui la seule façon de faire en sorte que les élections nationales remplissent leur fonction principale : produire de la légitimité.
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