16 ministres, huit femmes et huit hommes (curieusement, la loi de la parité ignore l’idéologie du genre, c’est bien connu : le quota essentialise à tout va !), on se croirait revenu aux premiers temps de la Sarkozye. À l’époque où l’on ne nous promettait pas le changement pour maintenant mais une France d’après avec zéro SDF volontaire et un taux de chômage ridicule. Engagés dans un big bang institutionnel, Sarkozy et Fillon divisèrent Bercy en deux grands pôles, l’Economie et la relance d’un côté, les Comptes publics de l’autre : voilà donc Arnaud Montebourg grimé en Christine Lagarde et Michel Sapin dans les pas d’Eric Woerth. Moscovici parti vers un douillet bureau bruxellois plus clément que les électeurs de Valentigney, on attend avec impatience les premiers tiraillements entre cigale et fourmi de Bercy, qui régaleront experts et téléspectateurs de BFM-Business…
En fait de révolution culturelle, on entrevoit à peine quelques ajustements. Najat Vallaud-Belkacem complète sa panoplie cosmétique avec la jeunesse, le sport et la Ville (bref, tout ce qui bouge et court après un ballon en rêvant du dernier Ipod) en sus du droit des femmes. Trois attributions qui doivent mobiliser au total 25 euros de budget annuel…
Sa piètre performance médiatique le soir du premier tour des municipales lui a peut-être coûté le porte-parolat du gouvernement, confié au grognard de la Hollandie et ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll. Une ministre qui met la percée du FN sur le dos de Sarkozy et s’enfonce dans le déni, cela faisait un peu désordre à la veille d’une rouste électorale monumentale.
Comme on ne pouvait décemment pas la nommer ministre des potiches ou de cassoulet, la radicale de gauche Sylvia Pinel, bête noire des auto-entrepreneurs, finit première au concours de circonstances : alors qu’on la disait sur le départ, la mise en examen de son mentor Jean-Michel Baylet lui fait obtenir le maroquin du Logement afin de remplir le quota radical du gouvernement – Valls se réclame tant de Clemenceau qu’il eût été ballot de l’oublier. Comme le dit le croustillant Emmanuel Lechypre sur BFM, il n’y a plus rien d’important dans l’agenda du ministère du Logement depuis l’adoption de la loi Duflot (sous-entendu : sans quoi on l’aurait confié à quelqu’un d’autre !)
Peu de nouvelles nominations, en dehors de ces symboles. Ségolène Royal signe son grand retour à l’Ecologie et promet d’exceller dans les exercices d’équilibrisme auxquels elle nous habitué en 2007, écartelée entre l’alter-mondialisme éolien d’un José Bové et l’industrialisme sauce Chevènement. Cela promet de savoureux arbitrages.
La valse à deux temps entre les ministres du gouvernement Ayrault, presque tous reconduits dans le cabinet Valls, il me rappelle le film Que les gros salaires lèvent le doigt ! Jean Poiret y joue un grand patron invitant ses employés en week-end pour dégraisser une bonne partie de son personnel, les virés étant choisis grâce au jeu des chaises musicales. Même arbitraire pour le gouvernement Valls, qui nomme Benoît Hamon à l’Education nationale – je me souviens d’ailleurs d’un numéro inénarrable de l’émission « J’aimerais vous y voir » sur LCP où l’ancien leader de la gauche du PS rivalisait de compassion avec un malheureux prof de banlieue malmené par ses élèves, victimes de racisme, forcément victimes pour devenir les bourreaux de leur maître degôche… L’ancien ministre du Budget Cazeneuve, recasé à l’Intérieur, pourra constater par lui-même les effets de la baisse de la dépense publique sur l’efficacité des forces de police.
À peu de choses près, on prend les mêmes et on recommence. Le Drian à la Défense, Taubira reconduite à la Justice (les casseroles, c’est un peu comme le bonheur selon Prévert, elles se reconnaissent au bruit qu’elles font en partant…) pour rassurer l’électeur oberkampfien effrayé par la défection des Verts, Filippetti à la Culture (avec Marc, nous ne voyons qu’une explication à son maintien : Patrick Mennucci a dû se mettre au vert pour se remettre de sa dégelée marseillaise), Fabius au quai d’Orsay (sans commentaire, les événements d’Ukraine et de Syrie en disent déjà assez…), etc.
Il semblerait que les Verts aient vraiment eu tort de ne pas être de l’aventure. Non que François de Rugy ou Jean-Vincent Placé se seraient volontiers vendus pour un plat de lentilles vertes, mais Manuel Valls a si bien manié l’art du recyclage qu’il y a gagné ses galons d’écolo-socialiste. Au pays des interchangeables, l’inertie est reine…
*Photo : WITT/SIPA. 00640163_000005.
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