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« Valeurs actuelles » s’est planté: bienvenue au club


« Valeurs actuelles » s’est planté: bienvenue au club
Image d'archive © A. Gelebart / 20 MINUTES/SIPA Numéro de reportage: 00664152_000010

Le site de l’hebdomadaire a pris au sérieux le témoignage bidon d’un pseudo-prof alsacien confronté à des élèves islamisés. Niveau de gravité sur l’échelle des boulettes journalistiques ? Mineur. Passage en revue de quelques faits d’armes de la grande confrérie des enquêteurs.


Matin saumâtre à la rédaction de Valeurs Actuelles. Le site de l’hebdomadaire s’est fait rouler dans la farine par un quidam ayant inventé de toutes pièces une histoire de professeur alsacien confronté à des élèves islamisés jusqu’à la caricature. Et pour cause, tout était inventé ! Facteur aggravant, nos confrères de Valeurs actuelles ont contacté eux-mêmes le farceur, qu’ils avaient repéré sur Twitter.

La confrérie des enquêteurs se gausse, mais pas trop fort quand même. Et pour cause : la question n’est pas de savoir si la mésaventure leur est arrivé, mais quand.

Le 27 août 1991, le Monde sort un scoop retentissant, titré pleine page « Scandale à Panama ». Edwy Plenel révèle que le sinistre général Noriega a financé le Parti socialiste français pour la campagne présidentielle de 1988. L’enquêteur-star du Monde produit des lettres de l’ambassade à l’appui de ses dires. Avec le recul (cet ingrédient magique qui rend tout limpide), c’est le détail qui tue: quel politique mouillerait l’ambassade dans une telle combine ? Les lettres en question étaient des faux grossiers, il n’y avait pas d’affaire.

1989. Alors que le régime communiste s’effondre en Roumanie, on découvre un charnier dans la ville de Timisoara. C’est celui, explique TF1, « des jeunes gens vidés de leur sang » que le dictateur Ceausescu, « atteint de leucémie », utilisait pour renouveler le sien. « Dracula était communiste », titre L’Evènement du Jeudi du 28 décembre. Belle formule. Toute la presse embraye, alors que les corps en question étaient ceux du charnier de la morgue locale, tout bêtement.

Tailler une histoire pour les médias est en réalité très facile. Il ne faut surtout pas craindre de forcer le trait

2003, Toulouse. L’ancien maire Dominique Baudis (décédé en 2014) est au cœur d’un scandale sordide. Il est accusé d’avoir participé à des orgies sanglantes, mêlant sexe et meurtres rituels. Une équipe de TF1, suivie par France 2, déniche un témoin, Djamel. Il a tout vu. Il y était. Les chaines diffusent son témoignage. Hors antenne, pourtant, Djamel a rajouté des détails qui auraient dû alerter : il affirme être le fils caché de Mickael Jackson et soutient que Tony Blair était également impliqué dans les partouzes mortelles. Rétropédalage en moins de 48 heures, Djamel était un déséquilibré manipulé par une prostituée.

2010. Le Point tombe un peu dans le même panneau que Valeurs Actuelles, faisant état du témoignage d’une Malienne polygame vivant en région parisienne. C’était en réalité un canular monté par un fixeur (un intermédiaire connaissant le terrain, dans le jargon de la presse), sollicité par le journaliste du Point. Pourtant très expérimenté, ce dernier s’est fait berner par un jeune homme ayant contrefait la voix d’une femme au téléphone.

En mars 2013, le Parisien a donné crédit à une mythomane se faisant passer pour une mère porteuse rémunérée. C’était une femme fragile, sans arrière-pensée. Contrairement au jeune homme qui a roulé Valeurs Actuelles, elle croyait à ses propres bobards (selon sa mère citée par BFM, qui a dévoilé le pot-au-rose). Cela la rendait sans doute particulièrement convaincante.

Illustration_ObsMais être convaincant est-il vraiment indispensable ? Tailler une histoire pour les médias est en réalité très facile. Il ne faut surtout pas craindre de forcer le trait. Exemple: un médecin nazi a trafiqué des insectes afin de les rendre plus dangereux pour l’homme, dans le cadre de recherches menées dans un laboratoire ultrasecret aux Etats-Unis. Hélas, quelques insectes se sont échappés. Ils se sont attaqués aux enfants d’un village, avec des résultats effrayants, avant d’essaimer partout dans le monde. Les autorités nous cachent la vérité, pour ne pas affoler la population, mais la pandémie est en cours ! Trop énorme ? Pas pour le Nouvel Observateur de juillet 2016: ce scénario de série Z était la trame d’un dossier de Une consacré à la maladie de Lyme. Il repose sur un livre ahurissant[tooltips content= »Lab 257: The Disturbing Story of the Government’s Secret Germ Laboratory, février 2004, non traduit. Ed. William Morrow, par Michael C. Carroll. »](1)[/tooltips] écrit par un aimable farfelu américain, enquêteur autodidacte.

Le Nouvel Obs n’a pas publié de démenti, ce qui n’a rien d’étonnant. De nombreuses boulettes ont été discrètement jetées aux oubliettes…

Le 18 février 2013, le Monde a publié un long article sur l’illettrisme des cadres. Il commençait par un témoignage fort, celui d’un trader illettré, « Mickael », 32 ans, travaillant dans une salle de marché située dans une  tour donnant sur l’esplanade de la Défense. Diplômé de l’Inseec, une école supérieure de commerce parisienne, cet « as des équations mathématiques », comme le présentait le quotidien, était incapable d’écrire et de lire. « Mickael » se faisait aider par un collègue pour déchiffrer notes, comptes-rendus et mails. Un témoignage complètement bidon… Une seule salle de marché donnait alors sur l’esplanade de la Défense, celle de la Société Générale. Il a fallu très peu de temps pour vérifier qu’aucun diplômé de l’Inseec (ni d’aucune autre école !) n’y officiait sans savoir lire, les traders passant au contraire leur temps à lire. À ce jour, rien ne permet de déterminer si le Monde a été victime d’un témoin facétieux, d’un mythomane, ou d’un journaliste trop imaginatif…

Certains bidonneurs ont fait de belles carrières, à l’image de Jacques Chapus (1922-2011), figure respectée de la corporation, présentateur star de RTL de 1978 à 1991. En 1952, Chapus couvrait l’affaire Dominici pour France Soir. Le fait divers passionnait alors le pays tout entier. Pour des raisons encore inconnues à ce jour, une famille britannique avait été assassinée dans les Basses-Alpes. Le 9 août 1952, Chapus sort un scoop. Il s’agit du journal intime d’Elizabeth Drummond, la fille de la famille. Le journal débute à l’arrivée des Drummond sur le territoire français, le 27 juillet, et se termine quelques heures avant leur assassinat, dans la nuit du 4 au 5 août. Voici les dernières lignes écrites par Elizabeth Drummond : La lune est haute et brillante. Nous campons. Je viens de réaliser un désir très cher : seule, je me suis baignée dans la Durance, comme dans un film, ou dans un rêve ! C’est merveilleux ! Pour qu’ils ne s’en aperçoivent pas, j’ai enfilé mon pyjama sur mon corps encore mouillé. C’est froid…  « Deux heures après avoir écrit ces dernières lignes », précise Jacques Chapus, « Elizabeth Drummond agonisait au bord de la Durance, le crâne défoncé, prenant le temps de mourir en gémissant sous la lune déclinante et indifférente ». Émouvant, mais bidon : le journal intime avait été écrit par Jacques Chapus, qui fut cité comme témoin de l’accusation au procès de Gaston Dominici, accusé du triple meurtre. Son témoignage était heureusement anecdotique, sur le fond. Ce n’est pas lui qui a envoyé Dominici en prison.

Pour conclure, balayons devant notre porte. L’auteur de ces lignes lui-même s’est planté comme un javelot dans le sable, accusant un élu d’avoir travaillé en cachette pour le groupe Véolia, sur la base d’un seul témoignage vérifié superficiellement. L’élu en question (ancien maire de la ville natale du journaliste, honte suprême), a attaqué en diffamation et a gagné. Le fond de l’affaire était une bête homonymie. Une info plus un démenti égale, deux infos. Mais il faut dix bonnes années pour arriver à en sourire.

Nos élus et l'islam

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