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Delon / Belmondo: gloire à nos deux dernières légendes!

Les deux acteurs vous donnent rendez-vous en kiosque


Delon / Belmondo: gloire à nos deux dernières légendes!
Alain Delon, Leslie Caron et Jean-Paul Belmondo dans "Paris brûle-t-il?" de René Clément (1966) © MARY EVANS/SIPA Numéro de reportage: 51385372_000001

Le magazine Valeurs Actuelles consacre un hors-série d’été à Alain Delon et à Jean-Paul Belmondo


En France, on se plaint de notre classe politique démonétisée, de nos élites déconfites, de nos sportifs pas assez pugnaces, de notre système de santé à bout de souffle, de notre repentance œcuménique et de notre inaptitude à savourer un bonheur marchand. Vieux enfants gâtés de l’Occident, éternels insatisfaits, convalescents par atavisme, les Français semblent toujours régler un compte à une existence pas assez flamboyante à leur goût. Nous avons le sentiment de vivre toujours en deçà de nos rêves les plus secrets. Nous aspirons à plus ou à mieux car nous avons eu pour modèle éducatif et esthétique, deux spécimens hors-classe, hors-norme, que le monde entier nous envie. Hollywood n’a pas produit d’aussi charismatiques porte-drapeaux qui ont nourri l’imaginaire de milliers de petits garçons en pleine crise du pétrole dans les campagnes abandonnées.

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Deux professeurs en cascades et en éloquence

Nos deux étalons, représentants virils des Trente Glorieuses, tantôt bravaches, tantôt mutiques agissent, depuis soixante-deux ans, comme une malle aux trésors enfouie dans le grenier d’une maison de famille. On y puise une part de notre identité et de notre tempérament. On y retourne après chaque chagrin d’amour ou défaite professionnelle pour se purifier l’esprit et le corps. On y apprend à parler un français souverain et taquin, à porter le trench-coat ou le blouson d’aviateur, à conduire une Lancia Gamma ou une Ford Mustang, à embrasser des femmes inaccessibles ou à tancer des malotrus, à se moquer de la critique institutionnelle et des ligues progressistes. Ces deux-là n’avaient pas l’impudeur de briguer une carrière américaine ou de concourir à un prix d’opérette. Ils laissaient les breloques et les colifichets aux quémandeurs subventionnés. Leur parcours n’a pas été dicté par un institut de sondage ou par un gourou de la communication. Ils n’ont pas cherché à être humaniste ou réactionnaire, à plaire ou à courber l’échine, ils ont simplement été eux, c’est-à-dire quelque chose d’énorme et de fascinant, de rare et de lumineux. Que serions-nous devenus si nous ne les avions pas rencontrés ? Des êtres sans défense, des pleutres et des gens trop sérieux pour s’émouvoir d’un dérapage contrôlé sur une départementale, d’un dialogue au cordeau signé Audiard ou d’une scène écrite par Pascal Jardin. Ils nous ont empêché de mal tourner, de devenir technocrates ou pétitionnaires. Ces deux professeurs en cascades et en éloquence, en maintien et en coup de rein, ont suivi, pas à pas, notre lente maturation vers l’âge adulte. Ils demeurent ce morceau d’hexagone, de cette terre immuable et insoumise.

Les tauliers de nos dimanches soir

Comme avant eux, Gabin, Ventura, Bourvil, Michel Simon ou Louis Jouvet, ils ont été les tauliers du dimanche soir. Ils sont notre plus belle histoire d’amour. Un jour, leurs noms seront inscrits sur le fronton des mairies pour services rendus à la République. Nous sommes émus aux larmes lorsque nous les voyons parfois à la télévision, malgré les faiblesses du grand âge. Leurs bulletins de santé tiennent plus de place dans l’actualité qu’un remaniement gouvernemental ou une abstention record. Leur analyse de sang nous préoccupe autant que la courbe du chômage. Ils nous rappellent ce temps lointain où notre pays avait de l’allure, du charme, de l’impertinence à revendre et un caractère d’acier, où nous avancions sans peur et sans reproche. Nous savions nous tenir à table et dans le concert des nations.

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A force de côtoyer des sous-fifres, des apprentis et des stagiaires depuis plus de vingt ans, nous avons soif de cette authenticité, de cette vérité naturelle qui ne s’explique pas, qui ne se théorise pas dans un colloque. Si vous pensiez tout connaître d’Alain Delon et de Jean-Paul Belmondo, il est bon de réviser ces classiques. Valeurs Actuelles vient de sortir un hors-série (merveilleux cahier de vacances en vente dans tous les kiosques) qui retrace cette « épopée française » en revenant sur les faits marquants de leur carrière respective, en analysant très finement leurs différences psychologiques et en expliquant pourquoi nous les avons tant aimés sous un angle politique et culturel. Arnaud Folch et Nicolas Gauthier ont largement contribué à ces 130 pages passionnantes. Ne surtout pas manquer la splendide interview de BB (par Sabine Dusch), impertinente et pétroleuse, drôle et nostalgique, sans filtre, dont les mots touchent en plein cœur. Ces deux frères pas ennemis, seulement concurrents des salles obscures, ont totalisé plus de 200 films et 300 millions d’entrées. Ils ont tourné avec les plus grands, le fils aimé d’un côté et le fils ignoré de l’autre, le bourgeois de Denfert et l’autodidacte de Bourg-la-Reine, la bande du Conservatoire et l’Indo, le carnavalesque et le taiseux, l’acrobate et le mazarin, le puncheur et l’impérial, c’est dire la place qu’ils tiennent dans nos souvenirs. Dans la préface de ce numéro spécial, François d’Orcival les qualifie de « tellement acteurs, tellement français ». Leurs films sont la mémoire vive de notre nation.

DELON – BELMONDO Hors-série de Valeurs actuelles N°22, 132 pages. Disponible en kiosque. 10.90€



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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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