Accueil Édition Abonné Valérie Pécresse: «Macron a fait preuve d’une très grande naïveté face à l’islamisme»

Valérie Pécresse: «Macron a fait preuve d’une très grande naïveté face à l’islamisme»

Grand entretien avec Valérie Pécresse, candidate à la présidentielle


Valérie Pécresse: «Macron a fait preuve d’une très grande naïveté face à l’islamisme»
Valérie Pécresse à Paris, 21 mars 2022 © Jacques Witt/SIPA

À dix jours du premier tour, la candidate répond aux questions de «Causeur»


Cela a pris du temps. Mais malgré les hauts et les bas d’une campagne en dents de scie, Valérie Pécresse a finalement répondu aux questions que je lui ai posées — qu’elle en soit ici publiquement remerciée • Jean-Paul Brighelli

Causeur. Qu’est-ce qui sépare votre programme de l’action et des propositions d’Emmanuel Macron ? 

Valérie Pécresse. Je présente un projet de claire rupture avec un quinquennat de renoncement, un projet de droite assumée qui reconstruit une France affaiblie depuis dix ans. Sur l’autorité, les réformes, la valorisation du travail, il y a un fossé entre nos deux projets. Je propose des quotas migratoires pour mettre un terme à l’immigration incontrôlée, lui non. Je propose des peines planchers pour les multirécidivistes et des peines minimales fermes pour les infractions les plus graves, notamment un an de prison ferme pour tous ceux qui agressent un uniforme, un professeur ou un élu de la République, lui non. Je propose des mesures essentielles pour le pouvoir d’achat des Français : une augmentation des salaires de 10% et aucune retraite inférieure au SMIC net pour tous ceux qui ont travaillé toute leur vie, lui non. Je propose de réformer l’Etat, ce qu’il a été incapable de faire, de réformer l’assurance chômage, de réduire les déficits et la dette grâce à une règle d’or budgétaire, lui non. Pire, il continue la fuite en avant de l’argent magique. Je propose deux fois plus de baisses d’impôts que lui pour réindustrialiser la France et valoriser le travail. Je propose de remédier au déclin démographique et à la casse de la politique familiale en instaurant une allocation universelle dès le premier enfant de 900 euros par an, en augmentant les allocations familiales pour le deuxième et le troisième enfant, lui non. Emmanuel Macron est tout simplement dans le déni, le déni de l’état dans lequel il laisse la France après cinq années. 

Et quand il tente de copier certaines de mes mesures, c’est du mauvais plagiat. Je propose 15 heures d’activité d’intérêt général obligatoires en échange du RSA, avec lui ces heures ne sont que facultatives. Rien ne changera. Cela résume la vision de la société d’Emmanuel Macron : il ne mettra pas fin à l’assistanat. Pour ma part, je veux une société du travail !

Nous n’avons, en réalité, pas la même vision de la France. Ma France est une et indivisible et pas fracturée entre les communautés. Ma France, elle n’a qu’une seule culture et une seule histoire qu’il ne s’agit pas de « déconstruire ». Dans ma France, jamais on ne parlerait de « crime contre l’humanité » pour qualifier la colonisation et ainsi insulter notre mémoire collective et celle des milliers de rapatriés et de harkis. Dans ma France, le chef de l’Etat protège les forces de l’ordre et ne les accuse pas de « violences policières ». 

Éric Woerth annonçant son soutien à Macron a préludé à toute une série de défections — et les rédactions bruissent de la rumeur d’un possible ralliement de Sarkozy à la candidature de Macron. Le fait est que l’ancien président de la République ne s’est guère manifesté pour vous soutenir. Comment interprétez-vous ces attitudes si contraires à la nécessaire union pour gagner ? Ambitions personnelles ? Manque de lisibilité de votre propre campagne ? Les rats quittent le navire ?

Depuis cinq ans, Emmanuel Macron pratique mieux que quiconque le débauchage à droite comme à gauche. D’où les zigzags permanents du « en même temps ». Le pays a besoin d’une ligne politique claire. Celle d’une droite forte et juste. Celle d’une droite qui a les solutions efficaces pour le pays et qui aura le courage de les mettre en œuvre. Ce qui compte pour moi c’est d’aller au contact des Français pour leur présenter mon projet de franche rupture qui permettra de reconstruire notre souveraineté agricole, industrielle, énergétique et militaire, qui remettra de l’ordre dans la rue, dans nos comptes et aux frontières, qui rebâtira nos grands services publics et reconstruira une prospérité durable fondée sur le travail. Oui, il y a urgence à reconstruire la France.

Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy visitent le Taj Mahal en Inde, 26 janvier 2008. Valérie Pécresse est alors son ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche © BENAINOUS-POOL/SIPA POOL/SIPA

La nécessaire reconstruction de la maison France passe par une nouvelle politique industrielle — l’actuel et abyssal déficit, surtout comparé à l’excédent allemand, vient pour l’essentiel des délocalisations de notre secteur industriel depuis vingt ans. Comment comptez-vous réindustrialiser la France — ou faut-il accepter de ne plus être que la destination de vacances de l’Europe du Nord ?

La réindustrialisation de la France est une priorité absolue. Avoir une industrie forte, pour une nation, est essentiel : pour l’emploi, pour notre souveraineté mais également pour des questions d’insertion dans la société et la place de la valeur travail.

Malheureusement, la part de l’industrie dans notre économie a été réduite à la portion congrue, et le quinquennat d’Emmanuel Macron n’a rien arrangé : la France a perdu près de 100 000 emplois industriels en cinq ans et notre déficit commercial s’est considérablement aggravé, jusqu’à atteindre un niveau record de plus de 80 milliards d’euros en 2021.

Une immigration incontrôlée et une intégration ratée, cela disloque une nation (…) J’inscrirai dans la constitution que nul ne peut se prévaloir de ses croyances ou de sa religion pour échapper à la loi commune 

Il faut produire plus, mieux et local. Pour cela, je baisserai les impôts de production de 10 milliards d’euros. Je diviserai par deux la durée des procédures administratives et je vais « dénormer » en supprimant au maximum parmi les 400 000 règles qui entravent l’initiative. Nous devons redevenir une société d’innovation et non plus de précaution. Il faut que les projets d’intérêt local ou national puissent voir le jour beaucoup plus vite. Les délais de justice seront ramenés à six mois grâce à mon plan d’urgence pour la justice. Je souhaite également un Etat stratège, qui soutienne l’innovation, qui protège nos entreprises technologiques et qui favorise une production souveraine des biens essentiels. La crise sanitaire a démontré notre extrême vulnérabilité vis-à-vis d’acteurs et de puissances étrangers pour l’approvisionnement en masques ou en vaccins. Si nous ne voulons pas que l’histoire se répète, nous devons adopter une politique de production souveraine dans les secteurs stratégiques de demain, comme le cloud ou les infrastructures numériques.

Cette politique n’a de sens que si elle comporte une dimension européenne. Mais encore faut-il que l’Europe ouvre les yeux et rompe avec une naïveté qui a fait de nous, depuis 30 ans, l’idiot du village global, pour reprendre une expression d’Hubert Védrine.

Alors comment casser les dogmes ? Comment faire de l’Europe la puissance qu’elle doit être, dans ce siècle qui sera celui du déclassement si nous continuons à défendre des règles avec lesquelles plus personne ne joue ? Par des décisions pragmatiques et de bon sens : imposer une véritable taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et pas la microtaxe actuelle, instaurer une préférence européenne pour nos entreprises dans la commande publique, y compris en matière de défense, et assurer l’indépendance de nos approvisionnements en biens essentiels (médicaments, semi-conducteurs, etc). L’Europe en a les moyens, il faut désormais qu’elle en ait la volonté.

Les aménagements de peine systématiques sont un affront pour les victimes 

Je mettrai en place un livret d’épargne qui permettra de financer des Fonds d’Investissement dans l’économie française (FIEF) ou dans les entreprises régionales (FIER) pour protéger nos intérêts stratégiques.

La reconstruction de la maison France passe aussi par une renaissance de la culture française, qui passe d’abord par une nouvelle politique scolaire. Emmanuel Macron vient de déclarer que l’Education serait au centre de son projet — il est temps… Quelles seraient vos décisions immédiates dans ce domaine si vous étiez élue — en dehors du fait que vous me nommerez ministre de l’Education ?

Sur l’éducation, il faut dire franchement les choses : l’exécutif n’a rien fait ou presque. Concernant le peu qui a été mis en œuvre, comme la réforme du lycée, qui a provoqué un effondrement de la pratique des mathématiques chez les jeunes filles, le gouvernement a récemment admis que c’était une erreur ! Résultat de cette inaction coupable, l’école a continué de s’affaisser. Les études internationales se succèdent et sont toutes plus inquiétantes les unes que les autres. Par exemple, les CM1 français sont les derniers de l’Union européenne en mathématiques. Dans le pays de Pascal, de Laplace et de Poincaré, cette situation est tout simplement inacceptable.

Nous avons l’école la plus inégalitaire d’Europe. Elle ne remplit plus son rôle d’ascenseur social. Aujourd’hui, en France, il faut six générations pour devenir cadre lorsque l’on naît fils d’ouvrier. L’école devrait être le lieu de l’émancipation intellectuelle et sociale. Une société où l’effort individuel et le mérite ne permettent plus de s’élever est une société malade de ses rigidités, grippée.

Et que dire des difficultés pour les maîtres d’exercer leur métier ? Leur autorité est de moins en moins reconnue par les élèves mais aussi, et c’est inacceptable, par certains parents. Personne n’ose parler de l’évitement de l’école publique dans certains territoires par les parents qui en ont les moyens au profit de l’école privée. Et quelle est aujourd’hui la réponse de l’Etat face aux parents qui ne peuvent pas se le permettre ? L’abandon, dans un climat où les valeurs de la République sont bafouées, comme la laïcité. Le « pas de vague » se poursuit au ministère. Je veux ici rendre hommage à Samuel Paty, qui a payé de sa vie son engagement au service de la mission la plus noble qui soit : celle d’instruire la jeunesse de France, qui est notre avenir et notre promesse.

Ce constat est dur mais n’y voyez aucun catastrophisme mal placé. C’est la réalité d’une institution qui ne repose désormais que sur le courage et le dévouement de ses professeurs. Cependant, le tableau n’est pas si noir, puisqu’il existe des solutions et qu’elles sont dans mon programme !

D’abord, je veux remettre les savoirs fondamentaux au cœur de l’école pour éviter ultérieurement les phénomènes de décrochage qui vont perturber toutes nos classes de collège et priver les enfants de leurs chances de réussir. C’est pour cela que je veux instaurer deux heures de plus de français et une heure de plus de mathématiques par semaine en primaire avec un examen avant l’entrée en 6ème pour vérifier les acquis et des « 6ème de consolidation » pour ceux qui échoueraient à l’examen. Rien ne sert d’apprendre l’anglais et la physique à ceux qui ne savent ni lire, ni écrire, ni compter. Le collège uniforme accroît les inégalités. J’instaurerai aussi une réserve nationale éducative de volontaires prêts à être rémunérés pour assurer des cours de soutien scolaire gratuits aux familles.

Je veux aussi une école où les élèves comme les parents respectent le professeur et l’autorité qui est la sienne. Ce respect, nous pouvons le garantir par des mesures simples : peines minimales d’au moins un an de prison ferme pour les auteurs adultes d’agression contre un enseignant, suspension des allocations familiales pour les parents défaillants d’élèves absentéistes.

Le respect, c’est celui du professeur, mais c’est aussi celui que chacun doit avoir pour les valeurs de la République. Ainsi, j’interdirai le voile pour les accompagnatrices de sortie scolaire, des jeunes des services civiques seront recrutés pour les organiser, et j’accélérerai la signalisation des faits de radicalisation par les professeurs.

L’école que je propose pour la France, c’est aussi celle du retour d’une véritable méritocratie. Je rétablirai les bourses au mérite et je créerai des externats d’excellence avec des études et des activités jusqu’à l’heure du dîner dans les collèges et lycées des zones prioritaires, parce que là où nous avons le plus besoin de méritocratie, c’est justement là où plus personne n’y croit. 

Et parce que j’aurai besoin de femmes et d’hommes expérimentés, je veux donner plus d’autonomie aux chefs d’établissement pour le recrutement de leurs équipes. J’augmenterai la rémunération des professeurs en début de carrière et de ceux qui prennent des missions supplémentaires ou exercent dans des établissements particulièrement difficiles. Au total, je prévois 10 000 personnels en renfort sur le mandat.

Nous vivons une véritable crise de civilisation. Comment y remédier ? En fermant les frontières ? En intégrant au mieux tous les Français et tous les étrangers qui résident sur le territoire ? Mais comment ? 

Mon diagnostic de la situation est clair : après dix ans de laxisme migratoire pendant les quinquennats Hollande-Macron, l’immigration est aujourd’hui incontrôlée. En parallèle, nous ne parvenons plus à assimiler correctement ceux qui entrent légalement sur le territoire français. Or, une immigration incontrôlée et une intégration ratée, cela disloque une nation. Mais contrairement à d’autres candidats, je ne pense pas qu’il y ait une quelconque fatalité au déclin. Je veux reprendre en main notre destin collectif en reprenant le contrôle de nos frontières. 

L’immigration zéro est un slogan, à la fois irréaliste et injuste car cela revient à traiter de la même façon les ressortissants de pays très différents et qui ne se comportent pas de la même façon avec la France. Ce que je souhaite, c’est que nous puissions choisir qui nous accueillons avec le vote, chaque année, de quotas maximum par pays et par métier. Le principe c’est que les clandestins doivent rentrer chez eux et, pour les pays qui refusent de les reprendre, ce sera zéro visa. Pour l’immigration étudiante, je souhaite que les universités mettent des prérequis de niveau. Il n’y aura plus de regroupement familial automatique. Pour lutter contre le détournement du droit d’asile, les demandes d’asile seront déposées dans nos consulats ou à la frontière, dans des centres dédiés avec la procédure accélérée qui existe aujourd’hui à Roissy. Si la demande est rejetée, alors ils seront immédiatement expulsés. 

Je veux mettre un point d’arrêt définitif à toutes les primes à l’illégalité qui contribuent à ce que tant de clandestins demeurent sur notre territoire : je restreindrai l’Aide Médicale d’Etat aux soins urgents et je supprimerai toutes les aides sociales aux clandestins comme les demi-tarifs dans les transports. Je refuserai toute régularisation des étrangers entrés de manière irrégulière et conditionnerai les allocations logement et familiales à cinq ans de résidence légale sur le territoire.

Les clandestins doivent pouvoir être expulsés effectivement. Pour cela, je reprendrai l’affrètement d’avions avec l’aide de Frontex, je renégocierai la directive retour qui laisse actuellement plusieurs semaines aux clandestins pour quitter librement le territoire européen et les détenus étrangers seront expulsés après l’exécution de leur peine. 

En parallèle, je veux redonner du sens à un mot que notre pays a trop longtemps oublié : l’assimilation. Pour cela, je mettrai fin au droit du sol automatique: les enfants nés en France de parents étrangers devront demander la nationalité française à 18 ans et donner des garanties d’assimilation. Le pacte républicain doit redevenir le socle de l’unité de notre nation. 

Nos enfants doivent réapprendre à être fiers de leur pays, de notre histoire, de nos valeurs. Contrairement à Emmanuel Macron, je refuse de « déconstruire » notre histoire. Je veux que chaque enfant apprenne à aimer la France. Je propose donc que chaque année, une journée soit dédiée aux héros Français dans toutes les écoles. On y célébrera ceux qui ont fait notre pays : de Vercingétorix à Napoléon, en passant par Marie Curie et Victor Hugo jusqu’à Arnaud Beltrame. Aimer la France, c’est aussi maîtriser sa langue dans toute sa richesse et sa complexité. Et là encore, pas question de déconstruire notre langue avec l’écriture inclusive.

L’intolérance religieuse a fait trop de morts depuis dix ans. Comment revenir à une laïcité de combat, tout en ménageant les croyances des uns et des autres ? 

La laïcité est avant tout une liberté et une protection. La liberté de croire ou de ne pas croire, la protection face à un communautarisme qui viendrait grignoter notre capacité à vivre ensemble en République. Notre laïcité ne se construit pas contre les religions mais elle affirme clairement que la loi de la République est au-dessus de la foi.  

Emmanuel Macron a fait preuve d’une très grande naïveté face à l’islamisme : il a fallu attendre quatre ans pour avoir une loi « confortant le respect des principes de la République » qui ne répond pas à la gravité de la menace. Je n’aurai pas la main tremblante face à l’islamisme.  Avec moi, les terroristes ayant purgé leur peine seront gardés en rétention de sûreté pour protéger les Français. La radicalisation deviendra une cause réelle et sérieuse de licenciement à la fois dans les entreprises et dans les administrations. Je ne laisserai jamais l’islamisme piétiner la République. La consultation de sites djihadistes deviendra un délit pénal, je ferai expulser les prêcheurs de haine et fermer sans délai toute mosquée où l’on tiendrait un discours hostile à la France. Toutes ces dispositions ont été, par le passé, censurées par le Conseil Constitutionnel. Je ferai voter, en ayant recours à la procédure prévue à son article 89, une révision de la Constitution qui permettra à notre pays de disposer d’une charte constitutionnelle de l’ordre républicain. Le droit à la sécurité, le principe des quotas migratoires, la prise en compte de l’identité constitutionnelle de la France pour faire échec aux dérives de la jurisprudence et notamment de la jurisprudence européenne feront partie intégrante de notre Constitution. Le Parlement pourra, dès lors, légiférer en s’adaptant aux évolutions de la criminalité et de la délinquance d’une part, des flux migratoires d’autre part sans courir le risque d’être censuré par le Conseil Constitutionnel.

J’inscrirai aussi dans la Constitution que « nul ne peut se prévaloir de ses croyances ou de sa religion pour échapper à la loi commune ». Le voile n’est pas un vêtement ordinaire, c’est un instrument de soumission de la femme. Emmanuel Macron a commis une faute en refusant d’interdire le port du voile dans les compétitions sportives. J’interdirai le port du voile forcé pour les fillettes : les parents voilant, par la pression, les jeunes filles de moins de 15 ans seront sanctionnés. Le port du voile sera interdit pour les accompagnatrices de sorties scolaires, les licenciées d’associations sportives, les membres de bureaux de vote et les auxiliaires de justice. J’ai été à l’origine de la loi de l’interdiction de la burqa avec Jean-François Copé. J’ai interdit le burkini dans les îles de loisirs de la région Île-de-France là encore contre le gouvernement Macron.

Éric Zemmour surfe sur un sentiment d’insécurité très vif (et justifié par les derniers chiffres fournis par le ministère de l’Intérieur). Sans verser dans la démagogie, ce qu’il fait avec volupté et assiduité, comment enrayer le mécanisme, qui fait peur aux plus âgés et génère une économie souterraine inacceptable ?

Malheureusement, contrairement à ce qu’affirme Éric Dupont-Moretti, l’insécurité n’est pas un sentiment, c’est une réalité. Notre justice est noyée, les peines ne sont plus appliquées, les forces de l’ordre sont délaissées avec des équipements délabrés et un chef de l’Etat qui assume le terme de « violences policières ». Certains quartiers sont devenus des zones de non-droit dans lesquelles les lois de la République ne sont plus respectées. Je veux remettre de l’ordre dans la rue pour protéger les Français et endiguer cette peur qui s’est emparée de la société.

Je veux reconquérir ces quartiers en donnant des moyens considérables aux forces de l’ordre. Ce seront 5 milliards d’euros qui seront consacrés à la modernisation des équipements des forces de l’ordre (vidéo protection, caméras piétons ou embarquées, drones, intelligence artificielle) et les polices municipales armées seront rendues obligatoires dans les villes de plus de 5 000 habitants. Elles seront dotées de nouveaux pouvoirs comme les contrôles d’identité et la fouille des véhicules. Des « brigades coup de poing » associant police, gendarmerie, justice et fisc permettront de reconquérir ces territoires abandonnés de la République qui sont aujourd’hui aux mains des trafiquants et des mafieux. 

Mon quinquennat sera celui de l’impunité zéro pour tous les délinquants. Je veux des sanctions certaines, efficaces et exécutées. La majorité pénale sera abaissée de 18 à 16 ans pour enrayer la violence des jeunes. Nous frapperons les voyous au portefeuille grâce à des retenues sur salaire ou sur des allocations. Je rétablirai les peines planchers pour les délinquants multirécidivistes violents et les trafiquants de stupéfiants. J’irai même plus loin en inscrivant dans la charte constitutionnelle de l’ordre républicain la possibilité d’instaurer des peines minimales obligatoires auxquelles les juges ne pourront déroger pour des actes particulièrement graves comme les agressions de personnes dépositaires de l’autorité publique : ce sera un an de prison ferme. Les fauteurs de trouble ne se cantonnent pas à la rue : je veux que les habitants retrouvent également de la​tranquillité au quotidien. Je propose donc d’exclure de leur logement social toutes les personnes condamnées pour trafic ou violence.

Rien ne sert toutefois d’instaurer des sanctions plus sévères si elles ne sont pas appliquées. Nous avons besoin d’une justice qui juge vite et bien alors qu’il y a actuellement plus de 2 millions d’affaires en attente de jugement dans le civil. Grâce à la hausse de 50% du budget sur cinq ans des moyens des tribunaux, nous pourrons recruter 16 000 agents dont 5 000 magistrats afin que les violences et les délits du quotidien soient jugés en moins de six mois. Les aménagements de peine systématiques sont un affront pour les victimes. Nous avons besoin de places de prison pour que les peines soient réellement exécutées : je veux en construire 20 000 sur le quinquennat. Je suis consciente de l’urgence face à la surpopulation carcérale et aux délais de construction de ces nouvelles places. Aussi, des centres de détention seront créés dans des bâtiments publics désaffectés : les délinquants condamnés à de courtes peines qui aujourd’hui ne sont pas exécutées y seront placés avec un bracelet électronique. Cela permettra de les priver de liberté et de redonner du sens à la peine qui a été prononcée contre eux. Face à la montée de la violence des jeunes, je doublerai le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants.

En particulier, seriez-vous favorable à une légalisation encadrée du cannabis ?

Je suis contre la légalisation du cannabis, pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’on connait ses effets nocifs pour la santé et que je veux protéger en priorité les plus jeunes dont elle peut véritablement ruiner l’avenir. Ensuite, parce que la légalisation, contrairement à ce que j’entends dire, ne tarira en rien les trafics. Les dealers iront sur des produits plus dosés en THC et donc plus nocifs. Il faut savoir que le premier produit de contrebande vendu en France, c’est la cigarette. Le risque, c’est donc d’aggraver encore la dépendance des Français à des produits de plus en plus toxiques. 

Je serai donc intraitable sur le sujet de tous les trafics. Des peines planchers automatiques seront appliquées pour les trafiquants de stupéfiants. Les voyous qui font du quotidien de milliers de Français un cauchemar doivent être sévèrement punis. En France, c’est l’Etat qui fait la loi, pas les caïds.

Le fait d’avoir été ministre sous Sarkozy est-il un avantage — en termes de compétence et de connaissance des affaires publiques — ou un inconvénient, en termes d’image politicienne ?

Je suis fière d’avoir servi sous la présidence de Nicolas Sarkozy. D’autant plus que j’ai la conviction, lors de mes passages à la tête de mes deux ministères, d’avoir mené des réformes qui ont eu un impact direct et positif pour la vie de nos concitoyens. En tant que ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, malgré la contestation des associations gauchistes, j’ai tenu neuf mois face à la rue et j’ai donné aux universités la liberté et l’autonomie dont elles avaient besoin pour renforcer leur attractivité et pour faire rayonner la recherche française à l’international. Comme ministre du Budget, j’ai traversé une crise financière mondiale, la crise des dettes souveraines qui nous rappelle aujourd’hui que les dettes ne peuvent pas impunément croître jusqu’au ciel au risque de fragiliser un pays. J’ai alors mis en œuvre un plan d’urgence qui a permis de sauver l’épargne des Français. 

Sans remettre en cause les vertus d’un renouvellement nécessaire de notre classe politique, il faut faire attention à ce que le dégagisme généralisé qui traverse le débat public n’emporte pas l’expérience et la compétence. La situation du pays est extrêmement préoccupante – voire dramatique – à de nombreux égards, et cet état de fait génère de multiples frustrations, des colères et des envies de renverser la table. Cependant, je veux mettre en garde les Français sur le fait que les remèdes miracles proposés par certains, qui s’affranchissent de la contrainte du réel en nous exposant à la faillite économique par l’explosion de la dette ou à une fracture irrémédiable de la société, ne mèneraient en réalité qu’au déclassement définitif de la France.

Le projet que je porte est au contraire à la fois un projet de rupture avec le quinquennat calamiteux d’Emmanuel Macron, par le rétablissement de l’autorité et de la sécurité, la reprise du contrôle de nos frontières, des réformes courageuses pour retrouver notre puissance économique car notre rayonnement extérieur viendra de notre force intérieure. C’est également un projet qui se différencie clairement des extrêmes, quel que soit leur bord politique, par son courage, celui de la vérité, son efficacité et sa crédibilité. Dans mon programme, il n’y a aucune mauvaise surprise, aucun lièvre. Il n’y a pas d’addition cachée. Tout est annoncé et financé. Bien loin de la démagogie ambiante, je vois que je suis la seule à faire cet effort. Pourtant, la démocratie, c’est d’abord une affaire de transparence et d’honnêteté.




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Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.

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