Propos recueillis par Gil Mihaely et Daoud Boughezala
Sur un site français de petites annonces, on peut lire la proposition suivante : « Jeune maman de 29 ans loue seins pour allaitement de nourrissons ». Vous trouvez cette petite annonce choquante, pourquoi ?
C’est à la fois illégal et dangereux pour des raisons évidentes de sécurité sanitaire. Je rappelle que l’article L2323-1 du Code de la santé publique dispose que seuls les lactariums sont autorisés à stocker et distribuer du lait maternel et que cette activité est à but non lucratif.
Il en va du lait maternel comme du sang, du patrimoine génétique, c’est anonyme et gratuit, et destiné aux personnes malades ou stériles. C’est l’expression de la solidarité nationale et de la protection des personnes.
Pourtant, il y a en France une très longue tradition de nourrices – bretonnes et bourguignonnes – qui allaitaient les enfants des familles aisées de la région parisienne moyennant finance. Pourquoi ce qui était acceptable il y a cent ans ne le serait-il plus ?
Ce n’est pas parce que cela se faisait avant qu’il est nécessaire de le reproduire et a fortiori de le promouvoir aujourd’hui. Cela se déroulait dans un contexte différent, où les relations humaines étaient différentes également.
Il y a eu un changement de paradigme ; la personne humaine n’est plus caractérisée parce ce qu’elle a, mais par ce qu’elle est. Cette réflexion philosophique fondamentale que l’on doit à Kant ou encore à la théorie personnaliste a été consacrée, après les atrocités de la seconde guerre mondiale qui ont révélé la nécessité de poser des garde-fous pour protéger cette nouvelle conception de la personne humaine, dans tous les textes internationaux et dans notre droit positif. Elle est devenue le fondement de notre société ; l’abolition de la peine de mort, les droits des femmes, tout ce qui caractérise l’environnement juridique dans lequel nous évoluons découle de ce principe éthique essentiel.
Certaines mères ont le sentiment que la société leur met une pression croissante pour allaiter leur bébé le plus longtemps possible. N’est-ce pas là un recul dans l’émancipation de la femme ?
L’allaitement a des vertus indéniables. L’Organisation mondiale de la santé préconise de favoriser l’allaitement maternel pour différentes raisons, outre le développement du lien mère-enfant, il semblerait que l’allaitement ait des vertus dans la lutte contre le cancer du sein et contre l’obésité. Ce moyen d’alimenter l’enfant est également efficace pour le préserver des infections et présente un avantage économique non négligeable.
Mais ce choix relève de l’intime, c’est à la mère d’apprécier ce qu’elle souhaite faire et ce qu’il est possible de faire pour elle car l’allaitement n’est pas toujours aisé pour les femmes qui travaillent. L’enjeu du point de vue des politiques publiques, c’est de créer les conditions pour les mères d’un véritable choix en insistant sur une meilleure formation des assistants maternels sur les bienfaits de cet allaitement et la possibilité pour les enfants d’être nourris au lait maternel au sein des établissements, en développant l’information des salariées partant en congé de maternité sur les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles relatives à l’allaitement maternel.
Avoir les conditions d’un véritable choix, c’est tout le contraire d’un recul dans l’émancipation de la femme. J’ai d’ailleurs fait plusieurs propositions législatives dans ce sens.
Rapprochez-vous la « location de seins » de la prostitution et de la Gestation Pour Autrui, que soutenait Nadine Morano lorsqu’elle était ministre de la famille ?
Toutes ces pratiques – commercialiser son corps ou les produits de son corps – relèvent du même phénomène de marchandisation.
*Photo : missmareck.
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