Les tensions entre la Russie et l’Ukraine sont plus inquiétantes que celles qui précédaient l’annexion de la Crimée en 2014 ou la guerre avec la Géorgie en 2008. Seul face aux Occidentaux, le maître du Kremlin sort le grand jeu et opte pour l’ultime objectif: rétablir les marches de l’empire. Peut-il y arriver ?
Alors que la crise en Ukraine bat son plein et que les diplomates s’évertuent à éviter le pire, c’est le moment de se demander non seulement quelle est la stratégie de Vladimir Poutine, mais aussi s’il est vraiment le grand joueur d’échecs pour lequel on l’a longtemps tenu en Occident. Depuis son accession au pouvoir en 1999, les manœuvres du maître du Kremlin pour rétablir une Russie forte et respectée ont beaucoup impressionné. Cet ancien officier de renseignement sait agir sur le long terme. Cependant, après avoir avancé ses pions jusqu’à l’annexion de la Crimée, il se retrouve aujourd’hui dans une situation où il ne peut pas aller plus loin sans déclencher une offensive ouverte qui fâcherait définitivement l’Occident. S’il est prêt à prendre ce genre de risques, c’est parce que la nature de son jeu a changé : les ruses géopolitiques ont cédé la place à l’expansionnisme panslave romantique.
Bloquer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
Emmanuel Macron s’entretiendrait avec lui plusieurs fois par semaine. Joe Biden aussi. Les moindres faits et gestes de Poutine prennent immédiatement une signification planétaire. En Occident, on croit que ce joueur d’échecs voudrait faire reculer l’OTAN, dont les membres n’ont aucune appétence pour une guerre en Europe. Bloquer l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, en l’envahissant si nécessaire, voilà ce qui passe pour le plan de Poutine. Nous imaginons qu’il veut imposer une sphère d’influence comme celle dessinée par Staline à Yalta en 1945. Or, cette interprétation n’est plus juste. L’homme qui passait pour le grand stratège du xxie siècle voit son champ d’influence en Europe en train de se rétrécir. La Biélorussie d’Alexandre Loukachenko devient un État infréquentable et l’alliance anti-occidentale avec la Chine populaire est périlleuse. Vladimir Poutine développe néanmoins un jeu menaçant, dirigé contre l’ Occident, à l’encontre du bon sens. S’il évoque régulièrement son affliction de voir l’URSS démantelée, véritable « catastrophe géopolitique », il caresse en réalité un projet plus anachronique encore : la création d’une Grande Russie.
C’est pourquoi l’Ukraine concentre les tensions du moment, alors que les gains de cette crise seraient symboliques
