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Vague d’attaques au couteau en France

Une épidémie de meurtres et d’agressions que les autorités refusent de regarder en face


On a du mal à suivre ! Alors que Causeur mettait sous presse son numéro d’été, consacré aux meurtres islamistes “dont on ne parle pas”, un retraité était tué gratuitement au couteau, à Trappes, le 10 juillet, et le lendemain, une femme de 48 ans était attaquée par un Érythréen au couteau à Montpellier. Analyse.


A Rodez, le 20 juin, un homme armé de deux couteaux a essayé de s’introduire dans le commissariat de Rodez. Faute d’y parvenir l’homme a poignardé le gérant de la pizzeria voisine. Au niveau de la carotide, bien sûr. Le 5 juillet, à Rennes, c’est un ressortissant afghan qui a essayé de s’en prendre à des policiers, tentant de trancher la gorge à celui qui voulait le maitriser. A Trappes, le 10 juillet, c’est un retraité qui a été attaqué et poignardé au cou et au torse, l’homme est décédé le lendemain. A Montpellier, ce 11 juillet, c’est un réfugié érythréen qui a tenté de poignarder deux femmes en plein centre-ville.

Tant de “déséquilibrés” dans nos rues

Les attaques au couteau ne cessent de se multiplier dans les pages des faits divers des journaux locaux. Elles ont souvent un autre point commun, l’attribution du crime à des déséquilibrés ou la qualification du caractère gratuit de l’acte. Pourtant une telle multiplication mériterait mieux que la résignation des pouvoirs publics ou le qualificatif « d’acte commis par un déséquilibré » qui fait office à la fois d’explication et de fermeture du ban et justifie une inaction qui devient de plus en plus coupable. Il se trouve que l’on peut mesurer l’explosion des homicides et tentatives d’homicide hors vol. Entre 2001 et 2019, ceux-ci ont bondi (plus de 70%). Un constat que corrobore l’augmentation générale des violences contre les personnes ou contre les dépositaires de l’autorité, qui ont doublé si on se réfère à l’année 2001. En 2019, on comptabilisait plus de 300 000 faits.

A ne pas manquer, aujourd’hui en kiosques: Causeur #103: Silence, on égorge

Selon l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale, précieuse source d’information (est-ce justement à cause de cela qu’il a été dissous en décembre 2020 ?), les agressions au couteau font aujourd’hui 120 victimes par jour. Pour les années 2015 à 2017, ce sont plus de 44 000 victimes qui ont été recensées. Mais grâce à la fermeture de l’Observatoire, ces données sont devenues de plus en plus compliquées à extraire. La rupture dans le suivi et le traitement statistique rendant difficile de surcroît les comparaisons par la suite. Mais casser le thermomètre n’ayant jamais fait baisser la fièvre, et l’accumulation de faits divers parait montrer que cette « mode » n’est pas en train de passer. 37% des agressions armées dans l’espace public se font aujourd’hui au moyen d’un couteau. Cette arme est la plus utilisée pour commettre ce type de forfait, l’arme à feu ne représentant que 9% des agressions.

Comment expliquer une augmentation aussi notable des agressions au couteau, visant principalement la gorge ? La presse répugne à employer le terme d’égorgement. Non pour son sensationnalisme. Le sensationnalisme fait vendre et les journalistes ne se gênent pas pour exploiter cette aubaine. Non, là, ce qui les freine c’est que cette manière de tuer a une dimension sacrificielle et est souvent associée à une culture où se pratiquent encore les égorgements d’animaux chez soi. Certes la Révolution française sut couper des têtes, mais le geste de l’égorgement a depuis longtemps déserté notre quotidien. Il est revenu marquer notre imaginaire avec l’État islamique et ses mises en scène d’égorgement et de décapitation diffusées sur internet. A cette occasion on a vu également des enfants, extrêmement jeunes, s’entrainer à mimer le geste de l’égorgement sur des peluches. Ces images ont traumatisé les Occidentaux, d’autant qu’elles sont associées à des vagues d’attentats suicides et d’attaques au couteau qui ont frappé les consciences. De ce fait, face à la répugnance de nombres de politiques et de journalistes à appeler un chat, un chat, le public a pu avoir l’impression d’une censure, consciente ou inconsciente, qui frapperait le terme d’égorgement car elle renvoie à la culture musulmane et fait craindre un risque d’amalgame.

Une carte de France rouge écarlate

On sent chez nos élus les réminiscences de la petite phrase de Gérard Collomb, quittant le ministère de l’Intérieur sur cette sombre prédiction : « aujourd’hui nous vivons côte à côte, demain nous serons face à face ». Le plus intéressant dans cette phrase c’est qu’elle ne nomme jamais explicitement les communautés qui s’affronteraient ainsi, mais que tout le monde sait à quoi il fait allusion. Dans les attaques au couteau et dans la récurrence des « coups portés à la gorge », nombre de citoyens voient les prémisses de cette déclaration. Or ce n’est certainement pas en refusant de connaitre cette réalité et de la renseigner que l’on pourra agir.

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En effet, même un déséquilibré ne tue pas complètement au hasard et si les attaques au couteau se multiplient, c’est certes parce que c’est l’arme du pauvre, simple à utiliser et facile à se procurer. Mais c’est aussi parce que ce type de meurtre renvoie à un imaginaire qui parle aux plus fragiles, qui les rattache à un mode de représentation, voire à une communauté fantasmée. C’est un acte de puissance qui élève le meurtrier au rang de sacrificateur et rabaisse la victime au rang d’animal. On voit bien tout le potentiel narcissique contenu dans ce schéma. Or si on ne fait aucun effort pour comprendre ce qui explique l’augmentation importante de ce type d’agressions et de meurtres, il va être difficile de faire autrement que de blâmer la fatalité et de verser quelques larmes hypocrites sur l’ensauvagement constaté. Mais sans un travail rigoureux d’information et d’analyse sur toutes ces attaques, aucun travail de prévention ne peut être mené. Or le seul organisme qui délivrait une information compréhensible, claire et exploitable a été supprimé pour tout refondre au sein du service statistique du ministère de l’Intérieur. Lequel ne peut qu’être soumis aux injonctions politiques qui préfèrent souvent cacher la poussière du réel sous le tapis de la censure complaisante quand celle-ci dérange leurs représentations. Or c’est l’inverse qui est nécessaire pour faire baisser le niveau de violence : il faut construire des doctrines d’action claires appuyées sur des données factuelles. Il est nécessaire d’avoir une cartographie de ces attaques, des informations statistiques vérifiées sur le profil des agresseurs (âge, nationalité, motifs invoqués, antécédents judiciaires ou psychiatriques) et sur celui des agressés. En 2019 ce sont plus de 38 000 agressions qui ont été recensés contre les dépositaires de l’autorité. Or ceux-ci ont été désigné pour cible par les organisations islamistes. 

La multiplication des égorgements et la tentative pathétique de les transformer en coups de couteau portés à la gorge renvoie à l’idée que se développerait sur notre sol une façon de tuer qui ne serait ni de notre espace culturel, ni de notre temps. Le plus efficace, plutôt que de jouer la culpabilisation et le procès en racisme de ceux qui s’en étonnent, serait de disposer d’outils fiables pour mesurer ce qui se passe. Les ministères de la Justice et de l’Intérieur gagneraient à s’en donner les moyens. Cela pourrait même sauver des vies à terme.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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