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A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?

Ce n’est pas être antivax que de poser des questions


A-t-on encore le droit de s’interroger sur les vaccins à ARNm?
Site de Pfizer à Puurs en Belgique © Valentin Bianchi/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22524054_000012

Le gouvernement nous annonçait il y a quelques semaines qu’un consentement éclairé serait demandé à toute personne recevant un vaccin anti-Covid-19. Or pour qu’un consentement soit éclairé, il faut que l’information soit honnête et intelligible. Discuter l’innocuité et l’efficacité du vaccin anti-Covid-19 à ARN messager avant de décider de se faire vacciner ou non devrait pouvoir se faire sans susciter immédiatement une levée de boucliers dans la presse et la communauté médicale.


Quelles sont les données connues sur le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Polack et al., 2020, The New England Journal of Medicine« ](1)[/tooltips], autorisé hier par l’Agence européenne des médicaments?

Si pour un cancer agressif le bénéfice que l’on peut retirer d’un traitement expérimental potentiellement toxique surpasse les risques associés à ce traitement, cela est plus discutable pour une maladie dont la létalité varie de 0,01 à 1,63 % suivant les régions du monde et qui ne touche qu’exceptionnellement de façon sévère les enfants et les jeunes adultes[tooltips content= »Santé Publique France, COVID-19 : point épidémiologique du 17 décembre 2020« ](2)[/tooltips]. Dans ces conditions, même quelques jours de fatigue ou de maux de tête (principaux effets secondaires rapportés par Pfizer-BioNTech), qui peuvent être sévères dans 4 à 6 % des cas, c’est-à-dire entraver les activités de la vie quotidienne, peuvent être difficiles à accepter pour une personne active en bonne santé. D’autant plus que l’argument selon lequel les gens qui ne font pas partie des personnes à risque devraient se faire vacciner pour la collectivité ne peut être pour le moment avancé. Car si l’étude de Pfizer-BioNTech suggère que le vaccin diminue le risque de faire une forme symptomatique et même une forme grave de Covid-19[tooltips content= »De plus l’étude n’a pas testé toutes les personnes à des intervalles de temps régulier pour dépister les asymptomatiques donc on ne sait pas si parmi les vaccinés et les non vaccinés il y avait des personnes COVID-19 asymptomatiques. »](3)[/tooltips], elle ne répond pas à la question de la capacité du vaccin à empêcher la transmission du virus d’une personne à l’autre. De plus, quatre effets indésirables graves ont été rapportés dans cette étude. Quatre chez plus de vingt mille participants vaccinés, ce n’est pas grand-chose ; mais comme les statistiques ne s’appliquent pas à l’individu et que par ailleurs on ne connait pas le profil des individus touchés par ces effets graves (personnes âgées ou jeunes ? avec ou sans comorbidité ?), on peut comprendre que certaines personnes n’aient pas envie de prendre le risque de compter parmi ces exceptions. De la même façon qu’une personne jeune pourrait ne pas avoir envie de prendre le risque de faire partie des exceptionnels cas de patients jeunes sans comorbidité connue qui sont décédés de la Covid-19 et opter pour la vaccination sans hésitation. Ce qui importe est que chacun puisse prendre la décision de se faire vacciner en étant honnêtement et clairement informé.  

Si certaines réticences paraissent donc justifiées, certaines craintes devraient pouvoir être surmontées avec les données désormais disponibles. 

Le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller? Doit-on interdire le doute?

Certes on ignore quels sont les effets du vaccin anti-Covid-19 à ARNm au-delà de trois mois. Les auteurs de l’étude de Pfizer-BioNtech précisent que le suivi des participants se poursuivra sur deux ans. D’autres vaccins à ARNm ont été testés chez l’homme, comme un vaccin contre la grippe aviaire testé aux États-Unis et en Allemagne entre 2016 et 2017[tooltips content= »Feldman et al., 2019, Vaccine« ](4)[/tooltips] ou ce vaccin à ARNm contre la rage étudié en Allemagne entre 2013 et 2016[tooltips content= »Alberer et al., 2017, The Lancet« ](5)[/tooltips]. Sur les 101 participants de cette dernière étude les effets secondaires les plus fréquents étaient aussi les maux de tête et la fatigue avec des formes sévères chez huit participants. Il y a eu également chez un participant qui avait reçu une forte dose une paralysie faciale qui a disparu sans laisser de séquelle, comme rapporté avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech[tooltips content= »Selon la FDA, la fréquence observée de la paralysie de Bell signalée dans le vaccin Pfizer-BioNTech est cohérent avec le taux attendu dans la population générale, et il n’existe pas d’argument pour conclure sur un lien de causalité pour le moment… mais la FDA recommande la surveillance des cas de paralysie de Bell avec le déploiement du vaccin »](6)[/tooltips]. Ce qui inquiète avec les vaccins à ARNm est le risque d’auto-immunité, c’est-à-dire que notre organisme se mette à produire des anticorps dirigés contre nos propres constituants, notamment nos molécules d’ARN. Or cette étude avec un suivi prolongé n’a pas retrouvé d’augmentation des auto-anticorps chez les personnes vaccinées.  

Qu’en est-il de l’effet des anticorps facilitants (ADE en anglais) ? Il n’est ni prouvé pour le moment que ce phénomène existe dans la Covid-19 ni que le vaccin anti-Covid-19 à ARNm puisse faciliter ce phénomène[tooltips content= »Lee et al., 2020, Nature microbiology »](7)[/tooltips]. De quoi s’agit-il ? Pour lutter contre les microbes notre système immunitaire produit des anticorps qui vont en se fixant à sa surface empêcher le microbe d’agir. Il arrive dans de rares cas que ces anticorps soient incapables de neutraliser le virus (par ex. lorsqu’ils ciblent une partie du virus qui ne l’empêche pas de fonctionner) et pire qu’ils aident alors le virus à proliférer : ce sont des anticorps facilitants. Ces anticorps facilitants sont surtout observés avec les vaccins utilisant des virus entiers ou lorsque les anticorps sont faiblement produits. Comme ces vaccins à virus entier présentent à notre système immunitaire un panel large de protéines virales donc de cibles potentielles, il y a plus de risque que notre système immunitaire produise des anticorps inefficaces et donc potentiellement facilitants. Or l’ARNm du vaccin de Pfizer-BioNTech induit dans notre organisme la production d’une seule protéine virale (la protéine spike du SARS-COV-2). Donc dans ce cas une seule cible est pertinente puisque les anticorps qui se fixent sur cette protéine spike empêchent le virus SARS-CoV-2 de pénétrer nos cellules donc de proliférer. De plus les taux d’anticorps induits par le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux produits lors d’une infection naturelle[tooltips content= » Walsh et al., 2020, The New England Journal of Medicine »](8)[/tooltips].

Quant à la possibilité d’une intégration de l’ARN du vaccin dans notre génome, ce phénomène est en théorie improbable car il faudrait qu’il y ait dans nos cellules une enzyme (transcriptase inverse) que nous ne possédons pas − et que les coronavirus ne possèdent pas non plus contrairement à d’autres virus − pour transformer l’ARN en ADN pour qu’il puisse ensuite intégrer notre génome.

Covid 19. Fusion Medical Animation / Unsplash
Covid-19. Fusion Medical Animation / Unsplash

Enfin, on ignore la durée de l’efficacité du vaccin et s’il résistera à des mutations du virus. L’avantage des vaccins à ARNm réside dans la possibilité de fabriquer rapidement une nouvelle version pour répondre à une mutation qui compromettrait l’efficacité du vaccin. De plus, le fait que certains cas de réinfection à la Covid-19 aient été associés à des taux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 faibles et le fait que les taux d’anticorps produits lors de la vaccination avec le vaccin à ARNm de Pfizer-BioNTech seraient supérieurs à ceux induits par une infection naturelle, laisse penser que ce vaccin à ARNm pourrait éviter les réinfections. 

Se faire vacciner ou ne pas se faire vacciner, telle est la question interdite

L’histoire médicale est émaillée d’exemples où les effets indésirables graves d’un traitement qui n’avaient pu être mis en évidence lors des premières études cliniques ne sont apparus qu’au fil de l’utilisation dans « la vie réelle » de ce traitement. Si un médecin ne devrait pas se faire le relais de théories douteuses et infondées scientifiquement, il est en droit de faire part de ses doutes lorsqu’il ne sait pas. 

Certes le vaccin anti-Covid-19 à ARNm est une belle prouesse avec des premiers résultats encourageants. Mais doit-on pour autant se prosterner devant Pfizer et sa performance sans sourciller ? Doit-on interdire le doute, sur lequel se fonde la vie intellectuelle et le débat ? C’est bien connu (et confirmé par plusieurs études), la France est le « pays anti-vaccin » par excellence. Mais le problème touche d’autres pays, notamment là où il existe une défiance envers les dirigeants et où la population s’informe largement sur internet.  Et dans les pays dits développés, le vaccino-scepticisme toucherait préférentiellement les personnes ayant fait des études supérieures. Dans un monde où la connaissance est à portée de clic, les profanes sont devenus ces généralistes qui ne savent presque rien sur presque tout et les experts des spécialistes qui savent presque tout sur presque rien. Dans ce cadre, difficile pour les patients sceptiques plus ou moins bien informés de se laisser convaincre par des médecins parfois dépassés par l’évolution exponentielle des connaissances qui accélère l’obsolescence de leur savoir.



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Médecin conseil auprès de l'Ambassade de France à Bakou, Médecin spécialiste en Virologie, PhD en Neuroscience

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